Jusqu’à quel point un groupe peut-il s’amuser ? Lorsque l’on écoute l’album blanc des Beatles (1968), on peut penser qu’il n’y a pas de limite. Après tout, tout le monde s’est visiblement amusé à enregistrer “Happiness Is a Warm Gun” (aussi sombre que puisse être le titre de la chanson). Vous ne pouvez pas simuler l’enthousiasme dans ces voix.
Lorsque vous entendez “Ob-La-Di, Ob-La-Da”, l’interprétation semble également très vivante. Mais lorsqu’on apprend ce qui se passait ces jours-là en studio, on se rend compte que tout n’était pas rose lorsque les Fab Four ont enregistré le morceau écrit par Paul McCartney.
Bien que John Lennon ait contribué aux chœurs et à quelques ad-libs (ainsi qu’aux claquements de mains et au travail au piano), il n’a pas apprécié le moins du monde l’enregistrement de “Ob-La-Di, Ob-La-Da”. En fait, on peut dire que John détestait cette chanson.
Ainsi, alors que les Beatles ont sorti ce titre léger en single au Japon, en Australie et dans d’autres pays européens, John n’allait pas laisser cela se produire au Royaume-Uni ou en Amérique.
Dès le départ, John considérait “Ob-La-Di, Ob-La-Da” comme une chanson ringarde.
Parmi les livres sur les Beatles, celui de Geoff Emerick, Here, There and Everywhere, est l’un des meilleurs. Emerick, l’ingénieur lauréat d’un Grammy qui a aidé le groupe à obtenir ces sons novateurs sur Revolver et d’autres disques, avait beaucoup à dire sur les sessions de “Ob-La-Di, Ob-La-Da”.
Pour commencer, l’enregistrement de la chanson a duré presque une semaine, ce qui a mis tout le monde sur les nerfs à un moment ou à un autre. Une nuit, après que John ait quitté le studio dégoûté (puis soit revenu très ivre), Emerick a écrit que John et Paul ont failli se battre pendant l’enregistrement du premier plan de piano.
Cela ne s’est pas produit, mais il s’en est fallu de peu, selon Emerick. De plus, dès le début, John a ouvertement qualifié la chanson de ” musique de grand-mère de Paul “. L’idée de la sortir en tant que single des Beatles – ce que Paul avait souhaité – était donc hors de question aux yeux de John.
Mais ce n’est pas la première chanson des sessions du White Album à être proposée comme single potentiel. John avait suggéré que son propre “Revolution 1” soit retenu au début des sessions. Et ses camarades de groupe ont rejeté l’idée.
Le rejet de “Revolution” a probablement scellé le sort de “Ob-La-Di, Ob-La-Da”.
Bien avant que “Ob-La-Di, Ob-La-Da” ne fasse des dégâts en studio, John pensait tenir le prochain single du groupe avec “Revolution 1”. Cependant, la déclaration ouvertement politique de la chanson effraie les autres Beatles (surtout Paul). John n’a donc pas pu faire ce qu’il voulait sur ce titre.
Dans ses entretiens avec Playboy en 1980, John a répété la critique qu’il avait entendue de la part de Paul (et de George Harrison) à l’époque : “Revolution 1” n’était pas assez rapide pour être un single. “George et Paul n’étaient pas contents et disaient que ce n’était pas assez rapide”, dit-il.
Mais il ne s’est pas arrêté là. “Les Beatles auraient pu se permettre de sortir la version lente et compréhensible de ‘Revolution’ en tant que single, que ce soit un disque d’or ou un disque de bois”, a déclaré John. Mais comme il était devenu “aussi créatif et dominateur que je l’avais été au début”, ils ont fait une croix dessus.
Si Paul pensait que la musique de sa grand-mère allait remplacer la “Revolution” de John, il devait y réfléchir à deux fois. Plus tard dans les sessions, quand Paul a apporté “Hey Jude”, tout le monde était d’accord pour dire qu’ils avaient leur prochain single. Mais “Ob-La-Di, Ob-La-Da” n’avait aucune chance avec John Lennon dans les parages.
