Charité bien ordonnée commence par soi-même, y compris chez les Beatles. C’est ainsi qu’après avoir vu 40 ans durant son nom suivre celui de John Lennon dans les crédits des chansons du groupe, Paul McCartney inverse désormais cet ordre. Son nouveau double album “Back in the U.S. Live 2002” comprend 19 titres des “Fab Four” signées… McCartney et Lennon.
Cette inversion dans la signature des chansons prolonge une vilaine querelle entre l’ex-Beatle et la veuve de Lennon, Yoko Ono, qui par le passé avait accusé le bassiste d'”ouvrir la boîte de Pandore” en changeant les crédits.
Porte-parole de McCartney à Londres, Geoff Baker a assuré qu’il ne s’agissait pas d’un “élément de division”. McCartney s’est ultérieurement expliqué lui-même, pour affirmer qu’il ne fallait pas “faire tout un plat” de cette affaire. “Je pense qu’il est juste et équitable, pour les chansons dont John a déclaré que c’étaient les miennes, de mettre mon nom en premier”, a souligné “Macca”.
“Il n’y a rien dans tout ça qui va m’empêcher de dormir, il n’y a rien qui débouchera sur un litige. Mais moi, ça me paraît innocent, après plus de 30 ans pendant lesquels on a fait autrement. La vérité, c’est qu’il y a beaucoup de bruit pour rien, personne n’a besoin d’en faire tout un plat”, a-t-il estimé.
Elliott Mintz, porte-parole de Yoko Ono, avait auparavant réagi pour dénoncer une “tentative de révisionnisme”, une “tentative de réécrire l’histoire.”
Précisant que Yoko Ono n’avait pas l’intention de poursuivre McCartney sur le sujet, Mintz a ajouté que la veuve de Lennon croyait que “l’accord initial Lennon-McCartney tenait toujours”.
Cette dispute dans l’univers des Beatles -l’une des nombreuses depuis la dissolution du groupe en 1970- date d’il y a sept ans.
Lorsque les membres survivants des Fab Four ont commencé à sortir la série “Anthology” en 1995, McCartney a approché Yoko Ono au sujet de l’inversion du crédit Lennon-McCartney sur le titre “Yesterday”. Mais la veuve de Lennon, gardienne de l’héritage du Beatle assassiné en 1980 par un fan dérangé, l’a envoyé promener.
“C’est vraiment l’une des raisons pour lesquelles nous n’étions pas les meilleurs amis” du monde”, a avoué l’an dernier McCartney dans un entretien au “Reader’s Digest”.
Personne ne conteste que McCartney ait écrit “Yesterday” ou qu’il était le seul Beatle dans le studio pour son enregistrement. L’histoire selon laquelle l’artiste se serait réveillé un matin avec la mélodie dans sa tête fait partie du folklore sur les Beatles tout comme celle concernant son titre de travail “Scrambled Eggs”.
Seulement, les historiens de la musique suggèrent que McCartney, âgé de 60 ans, est désormais préoccupé par sa place dans l’histoire, comme si partager la moitié des crédits des titres figurant parmi les plus vénérés de l’univers de la pop ne lui suffisait pas.
Ce n’est pas la première fois qu’une rivalité posthume éclate dans les rangs des acolytes d’autrefois. Lorsque les Beatles ont été admis au Rock and Roll Hall of Fame, panthéon de la gloire rock, en 1988, McCartney a décidé de boycotter le rendez-vous pour cause de différends financiers.
“J’aurais le sentiment d’être un total hypocrite en train de sourire avec eux à une fausse réunion”, s’était à l’époque justifié l’intéressé. George Harrison -disparu l’an dernier-, Ringo Starr, les deux fils de Lennon, Julian et Sean, ainsi que Yoko Ono s’étaient réunis pour accepter cet honneur au nom du groupe.
Autre chose encore: s’il est multimillionnaire -une tournée au printemps aux Etats-Unis a rapporté 53 millions de dollars- Paul McCartney a encore du mal à digérer qu’une partie des bénéfices concernant le crédit des chansons aille à Yoko Ono.
“A un moment, Yoko a gagné plus d’argent que moi sur ‘Yesterday'”, s’est plaint le musicien dans une interview en mai 2001. “Ce n’est pas logique”, d’autant qu’il s’agit du “seul titre pour lequel aucun des (autres) Beatles n’y est pour quelque chose…”
