Il n’est pas toujours facile de déterminer quelles chansons sont excellentes et lesquelles sont mauvaises en tant qu’auteur-compositeur. Comparés aux artistes qui travaillent dur sur leurs instruments pendant des heures dans l’espoir que quelque chose de brillant en sorte, la plupart des musiciens ont tendance à écrire tout le temps et ont ensuite du mal à réduire le nombre de morceaux à inclure dans l’album. Bien que Paul McCartney ait affirmé que lui et John Lennon n’avaient jamais eu de session infructueuse en travaillant avec les Beatles, il savait qu’il avait trouvé quelque chose de génial avec «Here There and Everywhere».
Mais si Lennon et McCartney l’avaient voulu, ils auraient pu jouer le même genre de musique pour le reste de leur vie et rester dans l’histoire du rock. Leur statut d’ambassadeurs de la British Invasion les a mis à la pointe du genre, et leur audacieuse expérimentation avec la musique folk les avait déjà placés un cran au-dessus de leurs pairs lorsqu’ils ont réalisé Rubber Soul.
Si cela prouvait que l’expérimentation fonctionnait, Revolver était le plongeon dans un territoire étrange dont ils ne reviendraient jamais. C’était peut-être étrange d’entendre «Norwegian Wood», mais maintenant les adorables moptops étaient devenus des rockers artistiques cherchant à réaliser les innovations les plus folles de tous les temps sans aucune retenue.
Ils voulaient écrire une chanson funk sur des questions sociales pertinentes ? Ils ont écrit «Taxman». McCartney voulait embrasser son côté balladeur ? Il a écrit «For No One». Les gens seraient-ils rebutés par Lennon faisant une interprétation psychédélique du concept de réincarnation dans «Tomorrow Never Knows» ? Réponse : Peu importe, foncez.
Bien qu’il y ait plusieurs humeurs différentes selon la chanson que vous écoutez, McCartney va droit au but lorsqu’il écrit «Here There and Everywhere». En dehors de quelques overdubs et du solo de guitare occasionnel, c’est probablement l’une des mélodies les plus intéressantes de McCartney, à mi-chemin entre une simple ballade et le genre de morceau qui ne semblerait pas déplacé dans une chanson de jazz.
C’est cette sensibilité mélodique qui a attiré McCartney avant même qu’il ne la termine, disant : «Parfois, quand vous écrivez une chose, vous pensez : ‘Oh, c’est bon’, et ce n’est pas une question de modestie ou d’immodestie, vous… c’est juste pareil avec n’importe quoi ; quand vous écrivez un morceau, vous vous dites juste : ‘Oh oui, je suis en plein dedans. C’est bon ; je prends le coup.’ Certains morceaux sont meilleurs que d’autres. C’était un beau morceau pour moi, car j’aimais sa structure et la mélodie, et je pensais que ça fonctionnait.»
Par ailleurs, le plus grand éloge que «Here There and Everywhere» a reçu est d’être l’un des rares morceaux de McCartney à obtenir un véritable compliment de la part de Lennon. En travaillant entre deux sessions, Lennon a dit que c’était l’une des plus belles mélodies que McCartney ait jamais écrites, comme s’il voyait son partenaire devenir lentement un auteur-compositeur expérimenté.
La plupart des artistes doivent travailler pour que leurs chansons sonnent aussi bien, mais le nombre d’heures que McCartney a passées devant sa guitare l’a conduit ici. Après avoir passé tout ce temps à peaufiner son art, c’est à ce moment-là qu’une chanson magique lui est tombée du ciel.
