Au cours de leur existence, les Beatles ont joué dans cinq grands films. Salué comme le groupe le plus influent de tous les temps, les Fab Four ont pris des mesures pionnières en matière de musique qui, sans eux, la culture contemporaine aurait un aspect et un fonctionnement très différents. Une partie de ce modus operandi révolutionnaire est apparue avec leur incursion dans le monde du cinéma. Bien sûr, de nombreuses stars de la musique avaient déjà fait des incursions réussies dans le cinéma, comme Elvis Presley et Frank Sinatra. Cependant, la façon dont les Beatles ont abordé le concept du cinéma, tout comme la façon dont ils ont abordé la musique, était révolutionnaire.
Ils se sont débarrassés du récit suranné des films dans lesquels les musiciens jouaient et se sont embarqués dans un voyage surréaliste et humoristique souvent marqué par des intrigues loufoques, mettant en scène des cultes, des magiciens et des scientifiques fous. Rétrospectivement, ces films ont un côté nostalgique qui, pour ceux d’entre nous qui n’étaient pas là, est difficile à cerner, mais qui en dit long sur l’attrait de ces temps plus simples. Les films des Beatles suscitent toute une série d’émotions, et c’était également le cas pour John Lennon, le leader du groupe.
Dans la longue interview classique que Lennon a accordée à Jan S. Wenner en 1971, intitulée Lennon Remembers, le côté plus mûr et plus doux de Lennon est mis à nu, offrant un autre exemple frappant du jeune homme tempétueux qu’il était. Dans son introduction à l’interview, Wenner, cofondateur de Rolling Stone, se souvient avoir longuement parlé avec Lennon au téléphone pour préparer l’interview, et qu’une fois celle-ci terminée, il a enfin rencontré la plus grande rockstar de l’époque.
Wenner se souvient : “Après de nombreux appels téléphoniques, nous nous sommes enfin rencontrés en juin 1970, lorsque Yoko et lui sont venus nous rendre visite à San Francisco pendant qu’ils étaient… à Los Angeles”, a-t-il déclaré, avant de poursuivre : “Ma femme, Jane, et moi avons passé un week-end avec eux, leur faisant découvrir un peu de San Francisco. Tous les quatre, nous sommes allés voir dans un théâtre vide de l’après-midi la projection de Let It Be, l’enregistrement filmique du désintérêt/dissolution final des Beatles. Après le spectacle – émus à tous les niveaux, soit en tant que participants, soit en tant que fans profonds – nous avons en quelque sorte pleuré.”
L’image de Wenner, de sa femme, de John et Yoko pleurant en regardant les dernières scènes du dernier film des Beatles, Let It Be, est étrange. La pensée de John Lennon assis dans un cinéma vide, incarnant la perspective de la mouche du coche que présente le film, est significative. Grâce à la caméra de Michael Lindsay-Hogg, Lennon a pu se replonger dans la dernière période des Beatles, une période houleuse qui a laissé une empreinte indélébile sur chacun des membres du groupe et dont aucun ne s’est vraiment remis. Cette expérience est une représentation physique de la rencontre de Lennon avec l’histoire très récente qui a changé sa vie et l’a fait prendre un chemin différent.
Wenner a également discuté de ce moment plus en détail. Dans un article de 2020 pour son magazine, il se souvient : “Je ne pense pas que quiconque ait vraiment su que nous étions là”. Il a expliqué à propos de la journée : “C’était vide, l’après-midi, et pendant un jour de semaine, donc nous sommes tous les quatre assis ensemble au milieu du théâtre, à regarder ce truc sur la rupture des Beatles.” Dans un souvenir candide des événements, Wenner conclut : “Je me souviens juste d’être sorti du théâtre et de nous voir tous réunis à quatre, nous serrant dans nos bras, et de la tristesse de l’occasion.”
Cette image honnête de l’un des personnages les plus emblématiques du rock est étrange, et elle reflète le fait que les personnes que nous mettons sur un piédestal en tant que musiciens, celles qui sont élevées au statut de mythe, ne sont en fait que des êtres humains également. Les Beatles ont été l’élément déterminant de la carrière de Lennon, qui l’a changé à bien des égards, et dont certains éléments ne verront probablement jamais la lumière du jour en raison de sa mort tragique et prématurée en 1980. Il est compréhensible qu’il ait versé des larmes en regardant Let It Be, car il s’agissait de refermer le livre sur la partie la plus cruciale de sa vie. Les Beatles l’ont fait passer du statut de jeune homme confus et brisé à celui de personnage mature et ouvert sur le monde, qui a eu un impact sur des millions de personnes, un impact qui se fait encore sentir aujourd’hui.
En outre, c’était la première fois que John et Yoko voyaient le film. Comme pour les trois autres membres des Beatles, aucun d’entre eux ne s’est présenté à la première, ni n’a prévenu la presse ou la direction qu’il n’y assisterait pas, en raison de toute l’énergie négative qui régnait pendant cette toute dernière étape de leur carrière. Les fans attendaient avec impatience de voir le groupe, mais ils ont été accueillis par un spectacle surréaliste et teinté de pathos.
Dans un hommage désordonné à la longue carrière du groupe, ils ont été accueillis par une foule de personnages qui avaient depuis longtemps quitté la série. Cynthia, l’ex-femme de John, Jane Asher, l’ex-petite amie de Paul McCartney, et Richard Lester, le réalisateur de A Hard Day’s Night, ne sont que quelques-uns des visages présents sur le tapis rouge. Cette déception a été l’exemple le plus clair pour les fans qui étaient dans le déni que la fin était proche. Le groupe n’a jamais vu le film ensemble, et c’est probablement une bonne chose, étant donné que c’était un tel tire-larmes.
