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“Nowhere Boy” : adolescence d’un garçon dans le vent

Pour reprendre un blasphème proféré par le héros de ce film, Nowhere Boy est une version cinématographique d’un des quatre Evangiles, le livre de John (restent à écrire ceux de Paul, George et Ringo). L’enfance et l’adolescence de chacun des Beatles, la genèse et la cristallisation du groupe est sans doute l’une des histoires les mieux connues, les plus largement partagées de notre époque -, même si elle a aujourd’hui un demi-siècle. Elle inspire aussi une révérence quasi religieuse.
Pourtant Nowhere Boy est un film aussi adolescent que son personnage principal, sensuel et vif, qui part hardiment à la recherche d’un temps où il suffisait de peu pour transgresser la loi et les moeurs, en ces lendemains de seconde guerre mondiale.
Le premier plan du film montre une silhouette noire courant dans une rue typiquement anglaise, poursuivie par des cris féminins. Cette anticipation de la Bealtlemania est aussi un hommage aux Quatre garçons dans le vent, le beau film de Richard Lester (1964). Mais on n’en est pas encore là.
John Lennon (Aaron Johnson) est un adolescent de 15 ans dont les frasques scolaires désespèrent sa tante Mimi (Kristin Scott Thomas), chez qui il vit. On est en 1955, dans un pays qui se remet péniblement de la seconde guerre mondiale, engoncé dans le rationnement et le puritanisme.
Si John Lennon vit chez Mimi, c’est que sa mère, Julia (Anne-Marie Duff) est une femme de peu, qui l’a abandonné.
L’adolescent doit passer à l’âge d’homme, tiraillé entre la rigidité victorienne et le laisser-aller d’une fille libre. Il y a de quoi faire un roman. Sauf que peu d’auteurs oseraient imaginer que de cette tension surgirait un génie. Sam Taylor-Wood, vidéaste, performeuse, photographe, a choisi cette histoire pour son premier long-métrage de cinéma. Alors que le précédent film consacré à la genèse des Beatles – Backbeat, de Iain Softley, sorti en 1994 – s’intéressait aux relations entre garçons, surtout celle qui liait Lennon à Stuart Sutcliffe, peintre et bassiste éphémère des Beatles, Sam Taylor-Wood voit l’histoire à travers un prisme féminin.
Elle filme Aaron Johnson (qui ne ressemble pas spécialement à son modèle mais en capte la voix, le maintien et les gestes avec une justesse saisissante) avec beaucoup de sensualité. Le jeune acteur (qu’on a récemment vu dans Kick-Ass) est à la hauteur de ce regard, déployant peu à peu sa séduction, son ironie et son talent.
Jusqu’aux dernières séquences qui prennent des libertés avec la chronologie, le récit respecte assez scrupuleusement la vulgate des Beatles : en 1956, John Lennon forme les Quarrymen, du nom de son lycée ; un jour d’été 1957, Paul McCartney (Thomas Sangster) rejoint le groupe de Lennon dans les coulisses d’une fête locale et joue 20 Flight Rock…
C’est entre ces repères que le film se déploie, dans le jeu ambigu entre John et Julia qui a surgi à nouveau dans sa vie. Sam Taylor-Wood suggère les pulsions incestueuses qui les unissent, en fait le moteur de l’audace artistique croissante de l’adolescent. La plupart des spectateurs de ce film en connaissent l’issue, en 1958. Mise en scène sans pathos (mais pas sans émotion), elle continue d’émouvoir et fait un beau prélude aux paroxysmes d’intensité et aux abîmes de déprime qui jalonneront la musique de John Lennon.

Source : Le Monde

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