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1963: Les Beatles, dans l’éclat des golden sixties


Le rock connaît, sous l’impulsion des groupes anglais, une première renaissance à l’entame des années 60. 1963: Début de la Beatlesmania: «Please Please Me».

L ennon avait raison: les Beatles étaient plus célèbres que Jésus. Nous sommes donc plus grands que Jésus, et bientôt plus grands que les Beatles». A l’affût de déclarations tapageuses, difficile de passer à côté de Noël Gallagher, l’âme pensante du groupe anglais Oasis, sans doute celui qui s’est le plus inspiré de l’oeuvre des Beatles pour graver son nom dans l’histoire du rock’n roll. Quant à la la sentence originelle de John Lennon, la question n’est plus depuis longtemps de trancher la question: «provoc’ou pas provoc’», mais plutôt de se demander si, au final, en 1965, la messe n’était pas dite sur la légende des Beatles.


Pour être exaucée, la supplique gospelisante «Love, love me do, you know I love you, I’ll always be true, so please love me do», tambourinée sur des nappes d’harmonica par le duo Mac Cartney/Lennon, ne l’aura pas été qu’à moitié. Les sixties naissantes avaient beau se montrer toutes préoccupées de remuer le bassin sur les «Twist» de Chubby Checker ou du «Peppermint Twist» de Joey Dee & The Starlifters, ou avoir la tête encore pleine des scènes désenchantées de «West Side Story», l’apparition des Beatles a tout bouleversé et fait tourner des millions de têtes.


Réclamer l’attention, interpeller son auditoire avec des formules choc, le premier album des quatre garçons de Liverpool ne fait quasiment que cela, le morceau éponyme «Please please me» avec plus d’immédiateté encore qu’un «P.S. I Love you», qu’un «Ask me why», les morceaux co-écrits par Paul et John avec la même rage que le «Twist and shout», emprunté à Phil Medley, et que ne priveront pas de rejouer quatre décennies de rockeurs, d’Elton John aux Who, en passant par Tom Jones et The Mamas & the Papas.


Au faîte de leur gloire, jamais les Liverpuldiens ne se cacheront leur dette au rythm’n blues, Mac Cartney citant à l’occasion la trinité Ben E. King/Larry Wilson/Little Richard parmi ses chanteurs favoris. Comme le note Steve Turner (1), « jusqu’en 1965, les Beatles se contentèrent de perfectionner et de synthétiser les recettes éprouvées du rock and roll ». Ce dont ils ne sont d’ailleurs pas dupes.


RETOUR A LA SPONTANÉITÉ


Quoi qu’il en soit, l’Angleterre d’abord, les Etats-Unis ensuite n’allaient bientôt plus pouvoir se passer de ses quatre scarabées. Quinze millions de téléspectateurs en furent témoin en octobre 63, lors de leur passage retransmis sur les petits écrans au «Palladium» londonien. De ce double avènement du rock et des «envahisseurs britanniques» (les Stones y compris), Keith Richards livrera plus tard son explication toute personnelle : «Quand nous avons formé les Rolling Stones, le rock en Amérique avait dégénéré au point que le rock, c’était Fabian et Frankie Avalon; en 59 que restait-il ? Elvis était à l’armée, Buddy Holly avait fait le grand saut. Jerry Lee Lewis était déshonoré et Little Richard avait jeté ses bracelets à la mer et rejoint l’Eglise». Diagnostic subjectif, mais non moins pertinent sur ce premier renouveau qu’allait connaître le rock dans la décennie troublée et troublante avec la naissance de la pop music.


Avec les Beatles, synthétise Jean-Marc Bel dans son «En route vers Woodstock», le rock renoue avec sa spontanéité originelle. A peine né, déjà dévoyé; à ceci près que ce ne sont pas les adolescents en mal d’identité des concerts d’Elvis Presley qui vont engendrer la Beatlemania, mais, dès avant 1962 et les premiers concerts allemands, à Manchester comme à Londres, à Newcastle comme à Liverpool, des teenagers pour qui la musique tient lieu d’identité.

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Passée la révolte adolescente d’un James Dean et les errances que George Lucas mettra en image dix ans plus tard dans «American Graffiti», on se déhanche comme Mick Jagger, quand on ne règle pas sa coupe de cheveux sur celle de quatre jeunes gens issus de la cité prolétaire du nord de l’Angleterre. Les nécessités du marketing faisant loi, et leur manager Brian Epstein n’en négligeant aucun des codes, c’est d’ailleurs en rupture avant le look (santiags et veste de cuir noir) de leurs débuts dans les caves hambourgeoises que les anciens Quarrymen bâtiront leur renommée.


AVENIR PROSPÈRE


Comme si pour s’accomplir les sixties devaient, dès le départ, marquer la différence, apporter un style nouveau, et dans le cas des quatre «garçons dans le vent», pas spécialement révolutionnaire, puisque leur retour d’Allemagne les vit adopter le classique costume-cravate et la mèche bien mise. Ce sera aux créateurs de mode de se faire, à leur manière, les artisans de cette recréation, qu’ils aient pour nom Pierre Cardin, Yves-Saint-Laurent ou Paco Rabanne, nés artistiquement à l’aube des sixties.


Celles-ci ne les ont pourtant pas attendus, pas plus que la sanction du «Times are a-changing» de Bob Dylan, en 1964, pour opérer leur révolution. Délaissant le passéisme d’un XIXe siècle, le monde bascule dans ce qui préfigure le XXIe siècle et s’engouffre à deux pieds dans le progrès. Un avenir d’abord économique, l’Europe connaissant des années de relative prospérité, marquées, outre par l’augmentation du niveau de vie, par la folie de la consommation et le triomphe d’une culture de masse prioritairement destinée aux jeunes. Cet avenir est aussi technologique, avec la vulgarisation des tourne-disques, des téléviseurs, du téléphone, signes les plus visibles de la transformation qui s’opère: l’industrie traditionnelle cède pas à pas du terrain à la robotisation et à une informatisation déjà galopante.


Avenir spatial, avec la relance de la course spatiale décrétée par Kennedy, et l’avance symbolique prise par les Russes avec le premier vol accompli par une femme, la Soviétique Valentina Terechkova. Avenir, aussi, politique, qui voit le Congo belge retrouver son indépendance, Cuba devenir république socialiste, et les Etats-Unis s’enflammer pour un président incarnant la modernité, mèche au vent et idéalisme en bandoulière. JFK fait naître le rêve d’une égalité civique sur lequel le leader noir Martin Luther King greffera des paroles, le 28 août, perché sur les marches du Lincoln Memorial, Washington D.C., à l’issue d’une marche historique. A la télévision, Serge Gainsbourg fixe l’instant d’un «il y a tout un langage à inventer. Tout un monde à créer, tout est à faire» programmatique. Les piliers traditionnels de la société – Eglise, morale et famille – ne sont-ils pas en train de se fissurer devant le nouveau mot d’ordre permissif?


SEXE ET ROCK’N ROLL


Oui, mais. Alors que la Beatlemania prend forme à la vitesse de l’éclair et que les Rolling Stones essayent un premier «I want to be loved», l’horizon de cet âge d’or s’assombrit sans avoir pu délivrer toutes ses lumières. « The 60’s was a lie, a total lie » («les années soixante furent un mensonge, un mensonge total») , récapitule Ray Davies, des Kinks.


A Berlin, un mur continue à déchirer deux Allemagnes, malgré les exhortations du président américain, autodésigné «Berliner» en soutien aux Allemands de l’Ouest. Un coup d’Etat militaire secoue le gouvernement vietnamien, amorce d’un conflit mortifère. Face A: le paquebot France est mis à l’eau en 62. Face B toujours: en Afrique du Sud, Nelson Mandela découvre les murs de sa cellule de prison, qu’il ne quittera que 27 ans plus tard. La haine raciale ne faiblit pas non plus, outre Atlantique.


Face A: le Vatican referme son Concile Vatican II, mais voit mourir le «bon pape» Jean XXIII. Face B: au coeur de l’été, l’Angleterre est le théâtre du hold-up du siècle avec l’attaque du train postal Glasgow-Londres, pris d’assaut en pleine nuit. En un quart d’heure, 2631784 livres sterling disparaissent dans la nature.


Les certitudes continuent de s’effondrer le 22 novembre. L’année du scandale Profumo, qui ébranle l’Angleterre (la découverte de Christine Keeler, une call-girl au centre d’une affaire de sexe et d’espionnage, coûte son poste au ministre britannique Profumo) laisse aussi endolorie les Etats-Unis, avec l’assassinat de Kennedy, à Dallas. Le même jour, les Fab Four délivrent leur second album «With the Beatles», qui allait populariser les «yeah, yeah, yeah», le «refrain d’une époque optimiste » selon Steve Turner, qu’Elvis Presley popularisa dans «All Shook up», à la suite des groupes de skiffle. La jeunesse française s’en empare sous la forme de «yé-yé» et verse dès 59 dans l’euphorie d’un âge d’or dont Dick Rivers, Sheila, Eddy Mitchell et Johnny se font les chantres au micro de «Salut les copains» sur Europe 1.


Mais, déjà le désenchantement pointe, et pas seulement chez George, Paul, John et Ringo, quelques mois plus tôt inconnus, dorénavant accueillis partout comme des icônes. Leurs moindres faits et gestes sont épiés et commentés jusqu’à l’hystérie. Les Etats-Unis leur feront une haie d’honneur en plaçant, fait rarissime, cinq de leurs chansons aux premières places du Top 100, le 4 avril 1964: «Can’t buy me love», «Twist and shout», «She Loves You», «I Want To Hold Your Hand» et «Please Please Me». La créativité débridée du groupe n’est pas près de s’essouffler. L’innocence de leur premier enregistrement, elle, est déjà loin. Un de leur prochain cri discographique tiendra en un évocateur appel au secours: «Help!», en 1965.


« Je me permettrai de vous suggérer de conserver cette pochette pendant 10 ans, et de l’exhumer aux alentours de l’année 1973. Vous pourrez alors m’écrire une lettre d’insultes si les amateurs de musique des années soixante-dix ne disent pas d’au moins deux de ces titres qu’ils sont «des classiques de la musique pop représentatifs de la première époque de l’oeuvre de Lennon et Mac Cartney », anticipait le journaliste Tony Barrow lors de la sortie du EP «Love Me Do». Tout est dit.

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