En 1976, George Harrison sort Thirty Three & ⅓, son septième album solo et le premier sous son propre label, Dark Horse Records. Ce disque marque une transition majeure, à la fois personnelle et artistique, entre la fin de son contrat avec EMI et une nouvelle indépendance musicale. Enregistré dans son studio privé de Friar Park, l’album mélange rock, soul et jazz, tout en abordant des thèmes introspectifs comme la maturité, l’amour et la résilience. Malgré une réception critique mitigée à sa sortie, il est aujourd’hui réévalué comme un jalon essentiel de sa carrière solo.
À l’aube de la seconde moitié des années 1970, alors que les échos des exploits solistes post-Beatles résonnaient encore dans le monde entier, George Harrison, l’ex-Beatle silencieux, signe un nouvel opus qui marque à la fois un tournant personnel et professionnel. Sorti en novembre 1976, Thirty Three & ⅓ se présente comme le septième album solo du musicien et le premier à être publié sur son propre label Dark Horse Records, marquant ainsi la fin de l’ère Apple pour Harrison. Son titre, astucieusement double, évoque non seulement la vitesse de rotation d’un disque vinyle (33⅓ tours par minute), mais également l’âge que George venait d’atteindre – il avait fêté ses 33 ans le 25 février 1976. Ce jeu de mots, à la fois littéral et symbolique, annonce un album qui se veut le reflet d’une période de transition intense, tant sur le plan créatif que sur le plan personnel.
Sommaire
Un Contexte de Renouveau et de Rupture
L’arrivée de Thirty Three & ⅓ survient dans un contexte particulier, celui d’un Harrison en quête de renouveau. Après avoir écumé les succès phares de All Things Must Pass, Living in the Material World et des projets humanitaires tels que le Concert for Bangladesh, l’artiste se trouve désormais à un carrefour. La fin du contrat avec EMI, l’essor de Dark Horse Records et les bouleversements de sa vie privée – marquée par les échecs conjugaux et les conflits internes liés à l’héritage des Beatles – préparent le terrain pour cet album. Dans une période où la notoriété mondiale ne parvenait plus à combler le vide intérieur et les doutes sur sa légitimité artistique, Harrison choisit d’exprimer ses ressentis les plus intimes et ses réflexions sur le passage du temps. Comme il l’exprimera plus tard dans I, Me, Mine, le processus créatif fut, pour lui, autant un exutoire qu’une tentative de réaffirmation : « Je ne voyais plus ma musique comme étant Top 20 – il importe désormais pour moi de chanter et jouer mes chansons de la manière la plus authentique possible. «
La Genèse d’un Titre : Entre Mesure et Maturité
Le titre Thirty Three & ⅓ est une référence directe aux caractéristiques d’un disque vinyle, mais il renferme également une signification autobiographique. Ayant fêté ses 33 ans en 1976, Harrison voit en ce chiffre l’expression de sa maturité nouvelle. Cette référence à la rotation – 33⅓ tours par minute – symbolise l’idée que, comme un disque qui tourne et se déploie à son rythme, la vie de l’artiste se déroule avec ses propres pulsations, indépendantes des attentes extérieures. Ainsi, ce titre annonce un album intimiste et réfléchi, dans lequel la musique est le reflet des états d’âme d’un homme qui apprend à s’accepter et à réinventer son identité.
Des Sessions d’Enregistrement Intimes à Friar Park
L’album fut enregistré au sein du sanctuaire créatif de George Harrison, FPSHOT, son studio privé installé dans le domaine de Friar Park, à Henley-on-Thames. Les sessions, qui s’étalèrent du 24 mai au 13 septembre 1976, témoignent d’une atmosphère à la fois chaleureuse et concentrée. Dans ce refuge familial, l’artiste, entouré de musiciens choisis avec soin, parvient à capturer une sonorité plus épurée et personnelle. Son équipe de base se compose de Willie Weeks à la basse, d’Alvin Taylor à la batterie, et du talentueux Tom Scott, qui, en plus de jouer du saxophone et de la flûte, apporte une dimension électronique grâce au Lyricon, cet instrument à vent électronique innovant.
George Harrison se distingue sur cet album en jouant de nombreux instruments : il prête sa voix, sa guitare électrique et acoustique, ainsi que divers claviers et synthétiseurs. La polyvalence du musicien est mise en lumière à travers des arrangements qui, bien que simplifiés par rapport aux productions grandioses de All Things Must Pass, révèlent une élégance et une sincérité indéniables. Il y a ici une volonté de revenir aux sources, de laisser ses chansons s’exprimer sans fioritures, tout en affirmant sa maturité artistique.
L’Apport de Collaborateurs Choisis et l’émergence d’un Son Americano-Soul
Pour accompagner sa vision, Harrison fait appel à une pléiade de collaborateurs de renom. Tom Scott, qui se voit proposer un rôle de co-producteur (qu’il décline finalement en raison d’engagements antérieurs), apporte une touche de modernité et de jazz à l’album, en jouant de ses saxophones et flûtes avec finesse. Des noms familiers comme Billy Preston, Gary Wright, Richard Tee et David Foster – ce dernier intervenant sur les sonorités électriques et les claviers – enrichissent la texture sonore de l’album. Ces musiciens, habitués aux sessions de Los Angeles, confèrent à Thirty Three & ⅓ un air de soul et de R&B, contrastant avec le son plus épuré et spirituel des albums précédents.
L’influence de l’environnement californien est palpable : le cadre de Los Angeles, avec son énergie urbaine et ses rythmes syncopés, s’impose dans la production. L’album se pare ainsi de touches funk et soul qui témoignent de l’évolution musicale de Harrison, qui, bien qu’influencé par ses racines rock et ses précédents voyages spirituels, ne peut ignorer les tendances contemporaines. « Crackerbox Palace « , par exemple, affiche une légèreté espiègle qui contraste avec la gravité de certains autres morceaux, tandis que « This Song » se présente comme une réponse acerbe à la presse qui avait critiqué l’issue de son procès pour plagiat relatif à « My Sweet Lord « .
Les Thématiques Abordées : De l’Amour à la Quête de Sens
Si la production musicale de Thirty Three & ⅓ est sans conteste moderne et bien agencée, ce qui frappe avant tout l’auditeur, c’est la richesse des textes et la profondeur des thématiques abordées. L’album mêle habilement des compositions récentes à des titres dont les germes remontent aux années 1960. Ainsi, « See Yourself » est un morceau que Harrison avait commencé en 1967, inspiré par la confession publique de Paul McCartney sur sa consommation de LSD, et qu’il réexamine avec le recul d’un homme mûr. Ce retour sur des thèmes d’antan, revisités avec une sensibilité nouvelle, traduit l’ambivalence de l’artiste qui oscille entre la nostalgie de son passé et la recherche de réponses dans le présent.
« Woman Don’t You Cry For Me « , quant à lui, fut écrit lors d’une tournée avec Delaney & Bonnie en 1969 et devait initialement figurer sur All Things Must Pass. La version de Thirty Three & ⅓ se veut plus résolue, plus affirmée, marquant le passage d’un Harrison intimiste à un artiste prêt à faire face aux critiques et aux turbulences de sa vie personnelle. Dans « It’s What You Value « , Harrison aborde avec une pointe d’humour et d’ironie une anecdote personnelle concernant le refus de paiement de son batteur Jim Keltner – un épisode qui illustre à la fois la complexité des relations humaines dans le monde de la musique et la nécessité de trouver un compromis entre le matériel et l’émotionnel.
Par ailleurs, « Dear One » se distingue par son inspiration tirée des enseignements de Paramhansa Yogananda, auteur de Autobiography of a Yogi, qui aura longtemps influencé la quête spirituelle du musicien. Ce morceau, empreint de douceur et de tendresse, rappelle que malgré toutes les épreuves, l’amour reste une force rédemptrice et salvatrice. Quant à « Learning How to Love You « , c’est une déclaration d’amour sincère qui, bien que destinée initialement à Herb Alpert, prend tout son sens dans le contexte de la relation naissante entre Harrison et Olivia Arias. Ces chansons offrent à la fois une fenêtre sur le passé et une projection vers l’avenir, témoignant du désir de Harrison de se réinventer tout en restant fidèle à ses expériences vécues.
L’Approche de l’Enregistrement : Une Intimité Retrouvée
En studio, Thirty Three & ⅓ se caractérise par une méthode d’enregistrement intime et efficace. Contrairement aux enregistrements massifs et surproduits qui avaient défini All Things Must Pass, cet album est enregistré en quelques prises, dans une atmosphère détendue et conviviale. Comme le souligne Alvin Taylor, le batteur du projet, les sessions se déroulaient de 11 heures du matin jusqu’à 16 ou 17 heures, durant lesquelles l’équipe se concentrait sur l’essentiel, capturant l’émotion brute et la sincérité de chaque morceau.
Harrison, qui joue sur la majorité des instruments – des guitares aux synthétiseurs en passant par la percussion et même le harmonica –, montre ici une grande polyvalence. Il utilise sa voix, désormais plus claire et rétablie après les épreuves de santé des années précédentes, pour délivrer des performances marquées par l’émotion, la mélancolie et parfois une subtile ironie. Le retour à des arrangements dominés par les claviers et les synthétiseurs, instrumentés par des musiciens tels que Gary Wright et David Foster, apporte une dimension nouvelle à son univers sonore, mêlant les influences du R&B, de la soul et du pop californien. Ces choix, loin d’être de simples concessions commerciales, reflètent la volonté de Harrison de s’adapter à un paysage musical en évolution, tout en conservant l’essence de son expression personnelle.
Une Promotion et un Marketing à l’ère de la Transition
La période autour de la sortie de Thirty Three & ⅓ fut également marquée par une stratégie promotionnelle soigneusement orchestrée. Pour Harrison, il était impératif de présenter son nouvel album au public de manière distincte, en tant qu’œuvre d’un homme qui se réinvente. Le choix du titre, aussi explicite dans son double sens, sert d’appel à la curiosité : c’est une invitation à découvrir la vision d’un artiste qui, à 33 ans, se trouve à la croisée des chemins, entre l’héritage des Beatles et la liberté d’une carrière en solo sous Dark Horse Records.
La promotion ne s’est pas limitée aux supports traditionnels. George Harrison fit notamment plusieurs apparitions à la télévision américaine, dont une performance mémorable sur Saturday Night Live aux côtés de Paul Simon. Ce passage télévisé, agrémenté d’un duo sur « Here Comes the Sun » et d’autres classiques revisités, contribua à redonner à l’ex-Beatle une image plus accessible et contemporaine. Les clips promotionnels réalisés pour les singles – dont celui de « This Song « , dirigé par Harrison lui-même et filmé dans un décor judiciaire à Los Angeles – étaient empreints d’humour et d’autodérision, contrastant avec l’image souvent austère et spirituelle qu’il avait cultivée auparavant.
La Réception Critique : Une Réévaluation Progressive
À sa sortie, Thirty Three & ⅓ fut accueilli comme un retour en grâce, voire une renaissance, par de nombreux critiques, surtout après les échecs de Dark Horse et Extra Texture. Les revues contemporaines, telles que celles de Billboard et de Melody Maker, saluèrent l’album pour sa légèreté retrouvée et pour la qualité de ses mélodies. Billboard décrivit l’album comme « un paquet enjoué et optimiste de chansons d’amour et de plaisanteries qui constitue le plus joyeux et commercial des disques de Harrison – peut-être de toute sa carrière solo « . De même, Melody Maker souligna que, malgré les turbulences des années précédentes, l’artiste avait su revenir à une forme musicale qui rappelait les débuts créatifs des Beatles, en particulier avec des touches qui rappellent l’esprit de Rubber Soul de 1965.
Toutefois, les avis ne furent pas unanimes. Certains critiques, notamment de Rolling Stone et du NME, continuèrent à pointer du doigt certains aspects – parfois la production jugée trop superficielle ou des textes qui manquaient de la profondeur spirituelle qui avait fait sa renommée. Robert Christgau, par exemple, donna à l’album une note mitigée en soulignant que, même si l’album regorgeait de bonnes mélodies, il peinait à réconcilier le côté terre-à-terre des chansons avec l’héritage spirituel que l’on attendait de Harrison. Pourtant, avec le recul et grâce aux rééditions successives, Thirty Three & ⅓ est progressivement réévalué. De nombreux critiques contemporains reconnaissent aujourd’hui la cohérence et l’authenticité des compositions, ainsi que l’habileté de l’ex-Beatle à se réinventer sans renier son passé.
Les Rééditions et l’Héritage Durable
Le parcours de Thirty Three & ⅓ ne s’arrête pas à sa sortie initiale en 1976. Remastérisé et réédité, notamment dans le cadre du box set The Dark Horse Years 1976–1992 en 2004, l’album continue d’inspirer et de susciter la curiosité. Ces rééditions, qui offrent une qualité sonore améliorée ainsi que des bonus inédits, permettent aux nouvelles générations d’apprécier la richesse des arrangements et la sincérité des textes de cet album. Pour de nombreux fans, Thirty Three & ⅓ incarne un moment charnière où George Harrison, en se détachant des ombres de son passé avec les Beatles, a posé les jalons de sa propre voie, une voie marquée par une recherche constante d’équilibre entre le matériel et le spirituel.
L’intérêt porté à l’album ne cesse de croître. Alors que certains contemporains le voyaient comme un simple produit de contrat ou une réponse commerciale aux échecs précédents, aujourd’hui il est réévalué comme une œuvre qui révèle toute la complexité et l’humanité de son créateur. Les ingénieurs et producteurs qui ont participé aux sessions originelles évoquent la sincérité de la démarche et le fait que, malgré les difficultés techniques et les conditions parfois éprouvantes, Harrison n’a jamais cessé de chercher à s’exprimer pleinement. La version remastérisée de 2004, en particulier, a permis de redécouvrir la clarté des guitares, la finesse des arrangements de claviers et la richesse des nuances vocales, offrant une écoute plus fidèle à la vision originale de l’artiste.
Une Promotion Pleine d’Humour et d’Audace
Dans la promotion de Thirty Three & ⅓, Harrison ne s’est pas contenté d’une approche classique. L’apparition de l’ex-Beatle sur Saturday Night Live, notamment le duo avec Paul Simon, fut un moment marquant. Cet épisode, diffusé le 20 novembre 1976, permit à Harrison de se montrer sous un jour nouveau, moins austère, et de prouver que, malgré les critiques et les tumultes des années précédentes, il restait capable de se réinventer et d’offrir des performances énergiques. Les clips promotionnels réalisés pour les singles, dont celui de « This Song » réalisé dans un décor de cour de justice à Los Angeles, témoignent également de son sens de l’humour et de sa capacité à prendre avec légèreté les coups portés par la presse.
George Harrison n’a jamais hésité à se moquer de lui-même. Dans l’un de ses commentaires enregistrés pour promouvoir l’album, il ironise sur le fait qu’après avoir passé tant de temps en proie aux critiques, il préfère être qualifié d’ex-Beatle que d’ex-Nazi – une répartie qui, bien que mordante, illustre la manière dont il parvenait à transformer la négativité en une force d’autodérision et de réinvention.
Une Réflexion sur la Transition : Entre L’Âge et l’Art
Thirty Three & ⅓ est plus qu’un simple album ; il est le reflet d’un moment précis dans la vie de George Harrison. à 33 ans, l’artiste se trouve à la croisée des chemins : d’une part, il hérite de l’immense héritage des Beatles, et d’autre part, il cherche à s’affirmer en tant qu’individu et à construire une carrière indépendante sous le label Dark Horse Records. Ce double enjeu, qui mêle héritage et autonomie, se retrouve dans chacune des chansons de l’album. Les textes, empreints de nostalgie, de critiques acerbes envers les détracteurs et d’une quête de renouveau, révèlent un homme en pleine transition. « See Yourself « , l’un des rares titres dont l’origine remonte aux années 1960, témoigne de cette continuité malgré le passage du temps, tandis que des chansons comme « This Song » ou « Crackerbox Palace » marquent la volonté de Harrison de répondre aux attaques de la presse tout en affirmant sa propre vision artistique.
L’album se veut aussi le témoignage d’une maturité acquise au prix des épreuves. Les relations tumultueuses, les démêlés juridiques et la pression constante des médias ont laissé leur empreinte sur Harrison, qui choisit de mettre ces expériences à nu dans ses compositions. Dans « It’s What You Value « , par exemple, il aborde avec humour et amertume une anecdote personnelle liée à son tour en 1974, tandis que « Dear One » rend hommage aux enseignements de Paramhansa Yogananda et exprime une gratitude profonde envers les influences spirituelles qui ont façonné sa vie.
L’évolution de la Production Musicale et des Techniques d’Enregistrement
Un autre aspect marquant de Thirty Three & ⅓ est l’évolution de la production musicale de George Harrison. Contrairement aux productions surchargées qui avaient caractérisé All Things Must Pass, cet album se distingue par une approche plus épurée et intimiste. En choisissant de travailler majoritairement avec des instruments électroniques comme le Moog, le Lyricon et les synthétiseurs ARP, Harrison parvient à créer une atmosphère sonore qui, tout en étant résolument moderne, laisse transparaître la sincérité et la fragilité de ses émotions. La contribution de Tom Scott, qui joue non seulement du saxophone et de la flûte mais apporte également son expertise avec le Lyricon, est essentielle pour donner à l’album cette teinte jazzy et soul. La présence d’artistes tels que Willie Weeks et Alvin Taylor, dont le jeu rythmique contribue à un groove puissant, rappelle quant à elle l’importance d’une section rythmique solide dans la musique de l’époque.
Les sessions d’enregistrement, effectuées à FPSHOT – le studio privé de Harrison à Friar Park – témoignent d’un processus créatif à la fois méthodique et spontanée. D’après les témoignages des musiciens ayant participé aux sessions, la majorité des pistes furent enregistrées en une ou deux prises, traduisant ainsi l’énergie brute et la sincérité de l’interprétation. Les overdubs, réalisés dans une atmosphère détendue malgré les contraintes de temps imposées par le calendrier de Dark Horse Records, viennent parfaire la texture sonore de l’album. Chaque instrument, du piano de Richard Tee aux claviers de Gary Wright en passant par les solos de guitare de Harrison, est minutieusement placé dans le mix, créant un équilibre subtil entre les influences rock, soul et pop qui font la signature de l’album.
Un Packaging Innovant et Symbolique
Au-delà de la musique, l’aspect visuel de Thirty Three & ⅓ participe à la narration de l’album. La jaquette, conçue par Tom Wilkes et agrémentée d’une photographie prise par Henry Grossman, présente une esthétique à la fois élégante et ironique. L’image bleutée de George Harrison, visible à travers un effet de découpe sur un fond orange vif, est le reflet d’un artiste qui se dévoile sans artifice, tout en se moquant légèrement de son image médiatique. Le design du titre, où le chiffre 3 est stylisé avec le symbole Om (ॐ), renforce la dualité entre le monde matériel et spirituel – un thème récurrent dans l’œuvre de Harrison, même s’il est ici abordé de manière plus terre-à-terre et moins explicitement religieuse. Ce choix visuel, conjugué à des éléments graphiques rappelant l’héritage des Beatles et la fin d’une époque avec Apple Records, offre une lecture riche et polysémique du disque, invitant l’auditeur à découvrir l’histoire personnelle de l’artiste au-delà de la musique.
La Promotion et l’Impact Commercial
À sa sortie, Thirty Three & ⅓ fit l’objet d’une promotion intensive, marquée par des interviews radiophoniques, des apparitions télévisées et des clips promotionnels réalisés avec un sens de l’humour caractéristique de Harrison. L’ex-Beatle, conscient de l’importance de renouer avec son public américain après les déboires de Dark Horse et Extra Texture, s’investit pleinement dans une campagne qui met en avant sa capacité à se réinventer. Sa performance sur Saturday Night Live, en duo avec Paul Simon, notamment, constitue un moment emblématique, révélant une image rafraîchie et dynamique de l’artiste. Ces apparitions, combinées à une série d’interviews dans des magazines tels que Radio & Records et Melody Maker – où les titres comme « George Bounces Back! » étaient à l’honneur – contribuent à redorer son image et à promouvoir un album qui, malgré des résultats de ventes modestes (il atteindra en Amérique la 11e place sur le Billboard 200 et en Grande-Bretagne seulement la 35e place), sera reconnu pour sa qualité intrinsèque par ses adeptes et certains critiques.
Les singles issus de l’album, dont « This Song » et « Crackerbox Palace « , rencontrent un succès modéré aux états-Unis, bien que leur réception en Grande-Bretagne soit moins éclatante. Néanmoins, la performance commerciale de Thirty Three & ⅓ permet à Harrison de prouver qu’il est toujours capable d’innover et de s’imposer sur la scène solo, même si la pression des attentes héritées de son passé avec les Beatles continue de peser lourdement sur ses épaules.
L’Héritage et la Réévaluation au Fil des Décennies
Avec le recul, Thirty Three & ⅓ est souvent considéré comme l’un des albums les plus personnels et authentiques de George Harrison. Alors que, lors de sa sortie, certains critiques reprochaient à l’album son ton parfois morne et son manque d’ambition par rapport aux œuvres précédentes, la réévaluation de la critique contemporaine – notamment grâce aux rééditions de 2004 et aux analyses approfondies dans des ouvrages spécialisés – révèle aujourd’hui un disque qui, malgré ses imperfections, témoigne d’un moment charnière de la carrière de l’artiste.
Les commentaires de Robert Christgau et d’autres critiques de l’époque, qui avaient attribué à l’album une note mitigée, contrastent avec les avis posthumes qui soulignent la sincérité des compositions et la capacité de Harrison à transformer ses expériences personnelles en une œuvre musicale cohérente et émouvante. Pour de nombreux fans et historiens de la musique, Thirty Three & ⅓ représente le document sonore d’un homme qui, confronté aux épreuves de la vie et aux contraintes d’un environnement industriel impitoyable, choisit de rester fidèle à lui-même et de faire de la vulnérabilité une force créative. La réédition de 2004, intégrée dans le box set The Dark Horse Years 1976–1992, a ainsi permis de redécouvrir un album qui, bien que ne répondant pas aux standards de perfection technique, incarne la quintessence d’un Harrison en pleine mutation.
Un Regard sur l’évolution de George Harrison Après Les Beatles
Thirty Three & ⅓ s’inscrit dans un parcours singulier, celui d’un ex-Beatle qui, tout en restant lié à l’héritage de son groupe mythique, a su forger une identité propre. Le disque marque la transition d’un artiste qui, après avoir vécu l’apothéose spirituelle de All Things Must Pass, se retrouve confronté aux réalités plus terre-à-terre de la vie moderne. Les thèmes abordés – la nostalgie, le doute, la quête d’amour et la révolte contre la critique – illustrent cette dualité. Harrison n’hésite pas à se livrer, à exposer ses failles et ses regrets, comme en témoignent des titres tels que « Grey Cloudy Lies » et « Tired of Midnight Blue « . Ces chansons, teintées de mélancolie, révèlent un homme qui, malgré tout, cherche à s’extraire des ténèbres pour retrouver la lumière.
Il est intéressant de constater que, même si l’album ne contient aucune référence explicite à la spiritualité ou au Krishnaisme – contrairement à ses prédécesseurs – il n’en demeure pas moins le fruit d’une introspection profonde. L’absence d’un message religieux ostentatoire témoigne d’un désir de se reconnecter avec l’essence même de la vie, de célébrer l’amour et la résilience humaine sans pour autant tomber dans le dogmatisme. Harrison semble ainsi vouloir montrer que, même en l’absence de grandes déclarations spirituelles, la musique peut être une force libératrice et un moyen de transcender les difficultés.
L’Art de Transformer la Douleur en Création
L’une des qualités les plus remarquables de Thirty Three & ⅓ est sa capacité à extraire de la douleur et du désespoir une musique qui, bien que teintée de mélancolie, est résolument porteuse d’un message d’espoir. Dans « This Song « , par exemple, l’artiste se moque des procès qui avaient entaché sa carrière – notamment celui pour plagiat relatif à « My Sweet Lord » – et transforme cette expérience en une pièce satirique, à la fois caustique et libératrice. La chanson se veut une réponse aux critiques, une manière de dire que, malgré les attaques et les incompréhensions, il reste fidèle à son art. De même, « Crackerbox Palace » et « Learning How to Love You » traduisent le cheminement d’un homme qui, en acceptant ses erreurs et en se confrontant à ses propres failles, parvient à créer une œuvre d’une honnêteté bouleversante.
La transformation de la douleur en art est le leitmotiv de cet album. Dans un univers musical souvent dominé par l’image de l’ex-Beatle parfait, George Harrison se présente ici sous un jour nouveau, celui d’un homme qui n’a pas peur de montrer ses cicatrices, qui sait que la vulnérabilité est la source de toute créativité. Ce choix, loin d’être une faiblesse, est une marque d’authenticité qui, avec le temps, aura su conquérir les cœurs des auditeurs et redonner à l’album la place qu’il mérite dans la discographie de l’artiste.
Promotion, Performances et l’Après Tour
La période qui entoure la sortie de Thirty Three & ⅓ est également marquée par des efforts de promotion intensifs. George Harrison, désireux de prouver qu’il était encore capable de captiver le public, fit plusieurs apparitions à la télévision et en radio, dont une performance mémorable sur Saturday Night Live aux côtés de Paul Simon. Ce passage télévisé, où il interprète avec une énergie renouvelée des classiques revisités, permet de constater que, malgré les critiques et les difficultés des années précédentes, l’ex-Beatle reste un interprète charismatique, capable de marier humour, autodérision et virtuosité.
Les clips promotionnels réalisés pour les singles – notamment pour « This Song » et « Crackerbox Palace » – témoignent de sa volonté de réinventer son image. Dirigés en partie par Eric Idle de Monty Python, ces vidéos mêlent satire et autodérision, et offrent un aperçu rafraîchissant d’un artiste qui, malgré les obstacles, ne cesse de se renouveler. Cette capacité à allier performance musicale et humour est sans doute l’un des atouts qui ont permis à Thirty Three & ⅓ de traverser les années et de se réévaluer positivement, même si son accueil initial ne fut pas unanime.
Un Impact Commercial Modeste mais Significatif
Sur le plan commercial, Thirty Three & ⅓ n’atteint pas les sommets d’album numéro 1 qui avaient caractérisé les débuts solistes de George Harrison. En Amérique, l’album atteint la 11e place sur le Billboard 200, tandis qu’en Grande-Bretagne, il ne parvient qu’à se hisser à la 35e position. Néanmoins, malgré ces classements modestes, l’album se distingue par le fait qu’il aura réussi à se vendre mieux que Dark Horse et Extra Texture aux états-Unis. Les singles extraits, « This Song » et « Crackerbox Palace « , rencontrent un succès respectable sur les ondes américaines, atteignant respectivement les positions 25 et 19 sur le Billboard Hot 100. Ce succès, bien que moins flamboyant que celui de ses prédécesseurs, marque néanmoins une étape importante dans la reconquête de la crédibilité et de la légitimité de Harrison en tant qu’artiste solo indépendant.
L’Héritage de Thirty Three & ⅓ dans le Parcours de George Harrison
Avec Thirty Three & ⅓, George Harrison laisse une empreinte indélébile dans l’histoire de la musique solo post-Beatles. L’album se présente comme le témoignage d’un homme à la croisée des chemins, tiraillé entre l’héritage colossal d’un groupe légendaire et le besoin de forger sa propre identité artistique. à travers ses chansons, Harrison explore des thèmes aussi variés que la nostalgie, la rébellion, l’amour et la quête de sens, tout en se confrontant aux critiques et aux déceptions personnelles. Il s’agit d’un album qui, par son honnêteté et sa sincérité, invite l’auditeur à réfléchir sur la dualité de l’existence – entre le matériel et le spirituel, entre le passé et l’avenir.
Les innovations sonores, telles que l’utilisation marquée des synthétiseurs et des claviers, indiquent également que Harrison était prêt à s’adapter aux évolutions du paysage musical, tout en restant fidèle à son style inimitable. La collaboration avec Tom Scott, qui apporte une touche de modernité grâce à ses instruments électroniques, témoigne de la volonté du musicien de mêler les influences du jazz, de la soul et du rock de manière harmonieuse. Cette fusion des styles contribue à créer un univers sonore à la fois frais et profondément personnel, qui reflète la complexité de l’âme de Harrison à cette époque.
Un Message d’Espoir et de Résilience
Au cœur de Thirty Three & ⅓, on retrouve également un message universel de résilience. Malgré les critiques acerbes, les déboires personnels et les échecs commerciaux partiels, Harrison parvient à puiser dans ses expériences pour créer une œuvre qui témoigne de sa capacité à se relever et à se réinventer. Des morceaux tels que « Learning How to Love You » et « Dear One » incarnent cette force intérieure, cette volonté de transformer la douleur en art et de trouver la lumière au bout du tunnel. C’est dans ces chansons que l’on ressent le plus intensément la lutte de l’artiste pour concilier ses aspirations spirituelles avec les exigences du monde matériel.
Pour George Harrison, l’art est un moyen de transcender les limites imposées par la célébrité et les déceptions personnelles. Dans un monde où la musique peut parfois paraître froide et impersonnelle, Thirty Three & ⅓ offre une bouffée d’authenticité. L’album est un appel à la compréhension, une invitation à regarder au-delà des apparences et à écouter la voix d’un homme qui a su, malgré tout, transformer ses tourments en une force créatrice.
Le Parcours Vers l’Indépendance Artistique
Thirty Three & ⅓ marque également une étape cruciale dans le parcours de George Harrison vers l’indépendance artistique. Après des années passées sous la houlette d’Apple Records, l’album est le premier à être publié sur Dark Horse Records, le label que Harrison avait lui-même fondé en 1974. Ce changement de cap est significatif : il illustre la volonté de l’artiste de se détacher de l’ombre des Beatles, de reprendre le contrôle de sa musique et de forger sa propre voie. Dans ce nouvel environnement, libéré des contraintes des anciens contrats et des attentes du public, Harrison explore des sonorités plus personnelles et moins marquées par le poids d’un héritage colossal.
La signature de Thirty Three & ⅓, avec son chiffre stylisé en symbole Om, symbolise cette dualité entre le passé glorieux et l’avenir incertain. L’album se veut à la fois un hommage à ses débuts – avec des chansons dont les germes remontent aux années 1960 – et une affirmation de son identité renouvelée. Ainsi, le disque représente un compromis entre la nostalgie d’un temps révolu et l’espoir d’un renouveau, entre l’héritage des Beatles et la promesse d’une carrière solo pleine de promesses.
Les Rééditions : Une œuvre qui Traverse le Temps
Depuis sa sortie initiale en 1976, Thirty Three & ⅓ a connu plusieurs rééditions qui ont permis de redécouvrir cet album sous un jour nouveau. La version remastérisée de 2004, ainsi que les éditions ultérieures, notamment dans le cadre du box set The Dark Horse Years 1976–1992, offrent une qualité sonore améliorée qui met en relief la richesse des arrangements et la subtilité des performances de Harrison. Ces rééditions ont également permis d’inclure des pistes bonus, telles que le morceau inédit « Tears of the World « , offrant ainsi aux fans un aperçu plus complet du processus créatif de l’artiste.
Les rééditions témoignent de la volonté de préserver l’héritage de George Harrison, et de donner une seconde vie à un album qui, bien que moins acclamé à sa sortie, s’est révélé au fil du temps comme une œuvre à la fois audacieuse et profondément humaine. Elles permettent de contextualiser Thirty Three & ⅓ dans le parcours d’un artiste en constante évolution, dont la recherche de sens et d’authenticité continue d’inspirer les musiciens et les mélomanes d’aujourd’hui.
La Réception Critique et la Réévaluation d’un Album à la Croisée des Chemins
À sa sortie, Thirty Three & ⅓ fut largement perçu comme un retour à la normale après les échecs mitigés de Dark Horse et Extra Texture. Des publications telles que Billboard et Melody Maker saluèrent l’album pour sa légèreté retrouvée et pour la qualité de ses mélodies, comparant favorablement certains passages aux classiques du groupe qui avaient marqué les débuts des Beatles, notamment Rubber Soul. Michael Gross, dans Swank magazine, évoquait même le regain d’énergie et de fraîcheur qui se dégageait de cet album, signe que Harrison était parvenu à surmonter les turbulences de ces dernières années.
Cependant, la réception ne fut pas unanime. Certains critiques de Rolling Stone et du NME continuèrent à déplorer un manque d’ambition dans certains morceaux, soulignant que si l’album regorgeait de bonnes idées, il manquait parfois de la profondeur émotionnelle et de la cohérence qui avaient fait la force des œuvres précédentes de l’ex-Beatle. Robert Christgau, dans son fameux guide, donna une note mitigée, estimant que l’album, bien qu’agréable, restait en deçà des espérances nourries par les succès antérieurs.
Avec le recul, et grâce aux rééditions qui ont permis une écoute plus attentive et un examen approfondi de ses compositions, Thirty Three & ⅓ est progressivement réévalué. De nombreux critiques contemporains reconnaissent aujourd’hui la sincérité des textes et la virtuosité des arrangements, tout en soulignant que l’album se situe à un moment charnière de la carrière de Harrison, où il oscille entre héritage et renouveau. Pour Simon Leng, par exemple, cet album représente le témoignage d’un artiste qui, malgré les épreuves, sait rester fidèle à lui-même et transformer ses échecs en une source d’inspiration renouvelée.
L’Influence et l’Héritage d’un Album Pivotal
Thirty Three & ⅓ demeure un document sonore essentiel pour comprendre l’évolution artistique de George Harrison. En s’éloignant des productions opulentes et des envolées spirituelles de ses premiers albums solos, Harrison explore un univers plus intimiste et plus terrestre. Les textes, souvent autobiographiques, révèlent la douleur, la joie, la colère et l’espoir d’un homme qui traverse une période de transition. Cet album, en alliant habilement des mélodies accrocheuses à des arrangements sophistiqués, a su poser les jalons d’une nouvelle ère dans la carrière de l’ex-Beatle, marquant sa volonté de s’affirmer en tant qu’artiste indépendant et de repenser son identité en dehors de l’ombre des Beatles.
Les influences de Thirty Three & ⅓ se font sentir bien au-delà de l’époque de sa sortie. De nombreux musiciens contemporains, qu’ils soient issus du rock, de la soul ou même de la pop électronique, reconnaissent dans cet album une source d’inspiration pour leur propre quête d’authenticité et d’innovation. La fusion des styles – allant du funk à la soul en passant par des touches de pop mélodique – illustre la capacité de Harrison à puiser dans un riche éventail d’influences pour créer un son unique qui lui est propre.
Un Message Universel et Intemporel
Au-delà de l’aspect musical, Thirty Three & ⅓ se présente comme un message universel sur la dualité de l’existence et la nécessité de trouver un équilibre entre le passé et le présent, entre le matériel et le spirituel. Les chansons de l’album invitent l’auditeur à réfléchir sur la manière dont nous valorisons les choses dans notre vie – sur ce qui est véritablement important et sur ce que nous choisissons de laisser derrière nous. Dans « It’s What You Value « , par exemple, Harrison aborde de manière ironique les questions d’argent et de reconnaissance, rappelant que la véritable richesse ne se mesure pas uniquement en termes financiers, mais bien en termes d’expériences vécues et d’émotions sincères.
De même, le morceau « Dear One « , inspiré par les enseignements de Paramhansa Yogananda, exprime un désir profond de connexion et de réconciliation, invitant chacun à tendre la main vers ceux qu’il aime et à chercher la lumière dans les moments les plus sombres. Cet appel à la compassion et à la compréhension résonne encore aujourd’hui, dans un monde où les conflits et les divisions semblent souvent prendre le pas sur l’empathie et la solidarité.
L’Art de la Réinvention : Entre Histoire Personnelle et Universel
L’une des forces majeures de Thirty Three & ⅓ réside dans sa capacité à capturer la complexité d’un homme en pleine transition. George Harrison, qui fut autrefois l’icône spirituelle des Beatles, apparaît ici comme un artiste qui se redéfinit, qui accepte ses failles et qui puise dans ses expériences – aussi douloureuses soient-elles – pour créer une œuvre authentique. L’album ne prétend pas offrir des solutions toutes faites ni des vérités universelles, mais il témoigne d’un processus de réinvention, où l’artiste, en se confrontant à son propre passé et aux critiques qui l’ont accompagné, choisit de se renouveler sans renier ses origines.
Dans « This Song « , par exemple, Harrison se moque des poursuites judiciaires liées à « My Sweet Lord » et de l’idée de plagiat qui avait terni sa réputation. Ce morceau, à la fois satirique et cathartique, symbolise la capacité de l’artiste à transformer l’adversité en créativité, à transformer la douleur en une force motrice qui l’aide à avancer. Par ailleurs, la reprise de vieux morceaux comme « See Yourself » rappelle que, malgré les transformations, certains germes du passé continuent de vivre et d’influencer le présent, créant ainsi un lien indéfectible entre les différentes étapes de la vie artistique de Harrison.
La Promotion et l’Après-Tour : Une Stratégie pour Récupérer le Public
Face aux difficultés rencontrées lors des tournées précédentes et aux critiques acerbes de Dark Horse et Extra Texture, la stratégie promotionnelle de Thirty Three & ⅓ revêt une importance particulière. George Harrison s’investit pleinement dans la promotion de cet album, multipliant les apparitions télévisées et radiophoniques aux états-Unis et en Grande-Bretagne. Sa performance sur Saturday Night Live, en duo avec Paul Simon, reste gravée dans la mémoire des fans comme un moment fort de réinvention, où l’ex-Beatle prouve qu’il est toujours capable de captiver le public. Les clips promotionnels, réalisés avec l’aide de Tom Scott et même dirigés en partie par Eric Idle de Monty Python, apportent une dimension humoristique et décalée qui contraste avec l’image souvent trop sérieuse de Harrison. Ces interventions médiatiques ont contribué à rétablir la confiance du public et à préparer le terrain pour ses projets futurs, en montrant un homme qui sait rire de lui-même et qui refuse de se laisser enfermer dans une image figée.
Un Regard Rétrospectif et l’Héritage Durable
Aujourd’hui, près de cinq décennies après sa sortie, Thirty Three & ⅓ est réévalué par la critique comme l’un des albums les plus personnels et cohérents de George Harrison. Bien que son accueil initial ait été mitigé – certains critiques le qualifiant d’album « trop accessible » ou de produit de contrat – les rééditions successives et l’analyse approfondie de ses compositions ont permis de faire émerger toute la richesse de cet opus.
Des voix telles que celles de Greg Kot et de Robert Rodriguez rappellent que, malgré un positionnement commercial modeste, l’album a su capturer l’essence d’un homme en pleine transformation, capable de puiser dans ses expériences les plus intimes pour créer des mélodies poignantes et des textes empreints de sincérité. Dans ce contexte, Thirty Three & ⅓ apparaît non seulement comme un document de l’évolution artistique de Harrison, mais aussi comme un témoignage universel de la condition humaine, où la douleur, le doute et l’espoir coexistent dans un équilibre précaire mais révélateur.
L’album ouvre également la voie à une nouvelle ère pour George Harrison. En quittant progressivement les contraintes d’Apple Records pour s’affranchir avec Dark Horse Records, l’ex-Beatle annonce sa volonté de contrôler son destin artistique et de s’exprimer librement, sans compromis. Thirty Three & ⅓ est ainsi le prélude à une série d’albums où la recherche de l’indépendance se conjugue avec une maturité musicale et personnelle qui continue d’influencer les artistes contemporains.
Un Hommage à la Persévérance et à l’Authenticité
L’héritage de Thirty Three & ⅓ est multiple. D’un côté, il représente la persévérance d’un artiste qui, malgré les critiques, les conflits internes et les échecs commerciaux partiels, a su rester fidèle à lui-même et continuer à créer de la musique. De l’autre, il témoigne de la capacité de George Harrison à se réinventer, à transcender les épreuves personnelles et à trouver dans la musique un moyen de se libérer des chaînes du passé. Comme l’explique l’un de ses collaborateurs : « Il ne s’agissait pas simplement de produire un album, c’était une thérapie, un moyen de sortir de l’obscurité et de retrouver la lumière. » Ces mots résument bien la force de cet opus, qui, en dépit de ses imperfections et des critiques initiales, parvient à toucher profondément ceux qui l’écoutent.
Thirty Three & ⅓ incarne également la lutte entre le matériel et le spirituel. Le titre même, avec son double sens, rappelle que la vie est faite de contradictions : alors que l’attrait du monde physique et des succès commerciaux peut sembler éblouissant, il ne saurait masquer les vérités intérieures et les quêtes spirituelles qui habitent chaque individu. Dans cet album, Harrison choisit de se concentrer sur l’essence de ses chansons, en privilégiant des arrangements épurés et des textes introspectifs qui invitent à la réflexion.
Les Rééditions : Une Nouvelle Chance pour les Générations Futures
Les rééditions de Thirty Three & ⅓ ont permis de redécouvrir cet album sous une lumière nouvelle. La version remastérisée de 2004, puis l’intégration dans le box set The Dark Horse Years 1976–1992, ont offert une qualité sonore améliorée et des bonus qui dévoilent les coulisses de la création de l’album. Ces éditions font office de pont entre les fans de longue date et les nouvelles générations, permettant à chacun de saisir la richesse et la complexité de l’œuvre. En revisitant les prises alternatives, les démos inédits et les commentaires des ingénieurs qui ont participé aux sessions, on comprend mieux comment, malgré un contexte tumultueux, George Harrison a su produire un album qui se veut le reflet d’un homme en pleine évolution.
La récente réédition en 2024, à l’occasion du 50e anniversaire, confirme l’importance de Thirty Three & ⅓ dans l’héritage de l’artiste. Ce coffret super deluxe, qui inclut un livret richement illustré, des démos et des prises alternatives, est une véritable invitation à explorer en profondeur le processus créatif de Harrison. Il rappelle que, derrière chaque note et chaque mot, se cache une histoire personnelle, souvent douloureuse, mais qui a permis à l’un des plus grands musiciens de rock de se réinventer et de laisser une empreinte indélébile dans l’histoire de la musique.
Conclusion : Un Album à la Croisée des Chemins
Thirty Three & ⅓ demeure un témoignage puissant de l’évolution artistique et personnelle de George Harrison. Dans cet album, l’ex-Beatle se livre sans artifice, mêlant nostalgie, espoir et résignation, pour créer un document sonore à la fois intime et universel. Il s’agit d’un disque qui, malgré les obstacles – des problèmes de santé, une vie personnelle en déroute, des conflits juridiques et des critiques acerbes – parvient à capturer l’essence d’un homme en pleine quête de rédemption et de vérité.
Cet album, qui symbolise le passage d’une ère révolue à une nouvelle phase de maturité, invite l’auditeur à réfléchir sur la dualité de l’existence. Entre le matériel et le spirituel, entre le passé glorieux et l’avenir incertain, Thirty Three & ⅓ offre une vision d’un monde complexe, où les épreuves ne sont pas des fins en soi mais des étapes sur le chemin de la réinvention. C’est une œuvre qui, par sa sincérité et sa vulnérabilité, prouve que même les plus grandes icônes de la musique ne sont pas à l’abri des doutes et des désillusions. Et pourtant, c’est précisément dans cette authenticité que réside toute la beauté de l’album.
George Harrison, en signant Thirty Three & ⅓, nous livre une confession musicale, un regard sans fard sur ses joies et ses peines, qui, bien que teinté d’un certain pessimisme, reste porteur d’un message d’espoir et de résilience. Il nous rappelle que l’art, malgré toutes les épreuves, est un moyen de transcender la douleur et de trouver la lumière au bout du tunnel. En fin de compte, Thirty Three & ⅓ n’est pas seulement un album, c’est une invitation à vivre pleinement, à accepter nos contradictions et à transformer nos faiblesses en forces créatrices.
Ainsi, si l’on devait résumer l’héritage de Thirty Three & ⅓, ce serait celui d’un album qui a su, malgré les critiques et les difficultés, marquer un tournant dans la carrière de George Harrison – un album à la fois personnel et universel, à la croisée des chemins entre le passé et l’avenir, entre la douleur et la rédemption. C’est un document intemporel qui, bien que n’ayant pas rencontré le succès commercial fulgurant de ses prédécesseurs, continue d’inspirer et de toucher les cœurs par sa sincérité brute et sa beauté mélancolique. George Harrison y expose toute la complexité de son être, nous offrant une œuvre qui, aujourd’hui plus que jamais, invite chacun à écouter non seulement la musique, mais aussi l’histoire d’un homme qui a osé se réinventer et, par-dessus tout, qui n’a jamais cessé de croire en la possibilité d’un renouveau.