Les biopics Beatles par Sam Mendes

C’est une annonce qui, à elle seule, bouleverse l’ordre établi du biopic musical : pour la première fois depuis plus de cinquante ans d’histoire cinématographique autour des Beatles, Paul McCartney, Ringo Starr et les familles de John Lennon et George Harrison ont donné leur aval à un projet de fiction d’une ampleur inédite. Le réalisateur britannique Sam Mendes, oscarisé pour American Beauty et applaudi pour 1917, s’attaque à un Everest de la pop culture : raconter l’histoire des Beatles… mais à travers quatre longs-métrages distincts, chacun consacré à un membre du groupe, tous interconnectés, tous projetés en salles à l’horizon 2027.

Plus qu’un film : un monument.

Une vision cinématographique audacieuse, portée par l’estampille Beatles

Ce qui distingue ce projet de toutes les adaptations passées, c’est la pleine et entière bénédiction d’Apple Corps Ltd., l’entité fondée par les Fab Four en 1968 pour contrôler leurs créations. Le simple fait que Paul McCartney et Ringo Starr aient accordé leurs droits de vie et de musique – aux côtés des ayants droit de John Lennon et George Harrison – est en soi un événement d’ampleur historique. Jamais les Beatles n’avaient accepté qu’un projet scénarisé retrace leurs existences individuelles et communes avec une telle liberté créative.

Sam Mendes, artisan d’un cinéma visuel, immersif, réfléchi, dirigera chacun des quatre films. Il sera également producteur avec ses collaborateurs de Neal Street Productions : Pippa Harris et Julie Pastor. Un gage de cohérence esthétique et narrative pour cette entreprise titanesque.

Quatre regards pour un seul mythe

La promesse de Mendes est ambitieuse : quatre récits, quatre subjectivités, une seule histoire. L’expérience cinématographique se veut résolument novatrice, tant dans sa forme que dans sa temporalité. Les films, distribués dans le monde entier par Sony Pictures Entertainment, seront dévoilés en salles avec un calendrier qualifié de « novateur et révolutionnaire ». S’ils se répondent, s’entrelacent, s’enrichissent mutuellement, chaque film se voudra autonome, tissé autour de la sensibilité propre à chacun des Beatles.

John, Paul, George et Ringo : quatre tempéraments, quatre destins entremêlés dans une même légende, mais porteurs de trajectoires intimes singulières. Mendes entend capturer cette pluralité d’expériences, cette alchimie humaine qui fut la clé de voûte du plus grand phénomène musical du XXe siècle.

Une aventure humaine et artistique inégalée

À en croire les déclarations de Sam Mendes lui-même, le projet ne cherche pas seulement à raconter les Beatles, mais à réinventer ce que signifie aller au cinéma : « Je suis honoré de raconter l’histoire du plus grand groupe rock de tous les temps, et excité à l’idée de remettre en question la notion même d’expérience cinématographique. » Le réalisateur britannique semble habité par une volonté de transcender les codes du biopic musical traditionnel – genre pourtant florissant ces dernières années, entre le succès commercial de Bohemian Rhapsody (Queen) et l’élan plus introspectif de Rocketman (Elton John).

Mais ici, l’enjeu dépasse le portrait d’un homme ou la restitution d’une époque. Il s’agit de rendre justice à une dynamique collective, de faire cohabiter la ferveur populaire et les dilemmes intimes, les concerts hystériques et les nuits solitaires, les studios d’Abbey Road et les retraites spirituelles en Inde, les engagements pacifistes et les tensions internes. Il s’agit de capter l’écho universel d’une aventure vécue par quatre jeunes hommes de Liverpool, devenus icônes malgré eux.

Sony Pictures : l’ambition d’un événement culturel mondial

Tom Rothman, président de Sony Pictures Motion Picture Group, ne cache pas son enthousiasme : « Les événements cinématographiques d’aujourd’hui doivent être culturellement sismiques. L’idée audacieuse de Sam est tout cela, et bien plus encore. »

Le choix de Sony comme partenaire de distribution n’est pas anodin. En plus de son savoir-faire en matière de superproductions internationales, le studio bénéficie de l’expertise nécessaire pour accompagner un projet aussi vaste. L’enjeu est clair : faire de ces films un rendez-vous planétaire, à la hauteur de l’impact mondial des Beatles. Sony s’engage à accorder à chaque film une véritable fenêtre théâtrale, autrement dit une sortie en salles digne d’un blockbuster, loin du piège d’une diffusion exclusivement en streaming.

Une approche musicale autorisée et authentique

Avec l’aval d’Apple Corps, Mendes et son équipe auront accès à l’intégralité du catalogue des Beatles, aussi bien pour la bande sonore que pour l’insertion narrative des morceaux dans le tissu dramatique. C’est une première. Jusque-là, rares étaient les films ayant eu ce privilège, Yesterday (2019) de Danny Boyle étant l’un des seuls à bénéficier d’un accès significatif – mais dans un cadre fictionnel très différent.

Le spectateur pourra donc revivre, au sein de la narration, la genèse de morceaux comme Strawberry Fields Forever, Something, Let It Be ou encore Come Together, dans leur contexte d’écriture, de conflit, de rupture ou de réconciliation. Ce ne sera pas un simple habillage musical, mais un fil dramaturgique en soi, révélant les tensions, les fulgurances, les amours et les solitudes qui habitèrent les Beatles.

Le défi de représenter l’intime sans trahir le mythe

S’attaquer à des figures aussi mythiques que Lennon, McCartney, Harrison et Starr suppose une exigence morale et artistique rare. L’ombre du pastiche ou de la caricature plane toujours. Or, la promesse faite par Sam Mendes est de rendre leur humanité à ces géants, de ne pas céder à la tentation hagiographique ni au voyeurisme.

Chaque film sera l’occasion de plonger dans l’univers mental d’un Beatle, d’explorer ses doutes, ses convictions, ses blessures et ses joies. Le John Lennon pacifiste mais tourmenté, le Paul McCartney perfectionniste et rassembleur, le George Harrison mystique et introverti, le Ringo Starr modeste et solaire : autant de facettes d’un même diamant, aux reflets changeants selon la lumière.

Le poids du passé et l’écho du présent

En choisissant de raconter les Beatles en 2027, Sam Mendes s’inscrit dans une époque où leur héritage est plus que jamais d’actualité. Leur message d’amour, de paix, de quête spirituelle et d’émancipation créative résonne avec les préoccupations contemporaines. Ce projet pourrait être bien plus qu’un hommage : une redécouverte vivante, un miroir tendu à notre époque.

La question de la réception générationnelle sera également cruciale. Si les fans historiques attendent une fidélité scrupuleuse aux faits et une émotion sincère, le défi sera aussi de séduire les nouvelles générations, celles pour qui les Beatles ne sont plus un souvenir, mais une légende transmise. Mendes semble prêt à faire le pont entre ces mondes, entre hier et demain.

Vers une renaissance culturelle de l’univers Beatles ?

Cette tétralogie pourrait bien devenir le phare d’une nouvelle ère de mise en valeur des Beatles au cinéma et dans les arts visuels. À l’instar des grandes fresques historiques ou des sagas mythologiques, elle redonne à leur épopée la dimension qu’elle mérite : celle d’un mythe moderne, fondateur et universel.

En 2027, les salles obscures résonneront à nouveau des accords de A Day in the Life, des voix entremêlées de Because, des confidences douloureuses de Julia, des effluves méditatives de Within You Without You. Mais au-delà de la musique, ce sont des fragments de vie, des éclats d’âme, que Mendes veut porter à l’écran.

Et si, pour une fois, le cinéma rendait aux Beatles non seulement leur grandeur, mais leur vérité ?

Le mot de la fin, pour paraphraser McCartney lui-même : « It’s getting better all the time. »

A propos

Qui est Sam Mendes

Origines et formation

Sir Samuel Alexander Mendes, couramment appelé Sam Mendes, naît le 1er août 1965 à Reading, dans le comté du Berkshire, au sud de l’Angleterre. Son père, Jameson Peter Mendes, est un universitaire catholique de descendance portugaise, originaire de Trinidad et Tobago. Sa mère, Valerie (née Barnett), est une écrivaine et éditrice anglaise de confession juive. Le grand-père paternel de Sam, Alfred Hubert Mendes, était un écrivain trinidadien réputé. Dès l’âge de trois ans, le jeune Sam vit un bouleversement familial : ses parents divorcent. Il s’installe alors avec sa mère à Primrose Hill, un quartier du nord de Londres, où il côtoie, durant ses années de primaire, le futur ministre des Affaires étrangères britannique, David Miliband, ainsi que l’auteure Zoë Heller.

En 1976, la famille déménage à Woodstock, près d’Oxford, lorsque la mère de Sam décroche un poste d’éditrice senior chez Oxford University Press. Il étudie au Magdalen College School, institution dans laquelle il se lie notamment d’amitié avec Tom Piper, futur décorateur de théâtre. Parallèlement à ses études, Sam Mendes se passionne pour le cricket. Ses talents de sportif sont tels qu’il est mentionné dans le Wisden Cricketers’ Almanack comme un « brillant jeune joueur » et, plus tard, il connaîtra l’honneur singulier d’être le seul lauréat d’un Oscar de la mise en scène à avoir joué un match de cricket sur la pelouse sacrée de Lord’s.

Lorsqu’il postule à l’Université de Warwick pour y étudier le cinéma – alors la seule à dispenser un cursus spécialisé en la matière –, il essuie un refus. Qu’à cela ne tienne : il est admis au prestigieux Peterhouse, l’un des collèges de l’Université de Cambridge, où il étudie la littérature anglaise. Il en sort diplômé avec la mention first-class honours. Bien que son intérêt pour le théâtre ne se soit manifesté que sur le tard, c’est à Cambridge qu’il s’engage réellement dans cette voie. Il devient membre de la Marlowe Society, où il monte plusieurs pièces et découvre par la même occasion une passion grandissante pour le cinéma. Il citera plus tard Paris, Texas, Repo Man et True Stories comme des œuvres déclencheuses de sa vocation de metteur en scène.

Premiers pas dans la mise en scène

Dès 1987, sitôt son diplôme en poche, Sam Mendes est engagé comme assistant à la mise en scène au sein du Chichester Festival Theatre. Il y fait ses débuts professionnels en présentant deux comédies en un acte d’Anton Tchekhov : L’Ours et Une demande en mariage. L’année suivante, il est nommé directeur inaugural du Minerva Theatre, antenne nouvellement créée à Chichester. L’année 1989 marque un autre tournant : à la suite d’un désistement inopiné du metteur en scène initial, il prend en main London Assurance de Dion Boucicault. L’accueil est si favorable que la pièce se retrouve transférée dans le West End après une belle série à Chichester. Par la même occasion, Sam Mendes fait ses débuts de metteur en scène dans l’univers théâtral londonien, attirant déjà l’attention des critiques et du public.

Sa notoriété grandissante l’aide à franchir une étape décisive lorsqu’il monte, toujours en 1989, La Cerisaie d’Anton Tchekhov avec Judi Dench dans le rôle principal. Cette nouvelle production séduit, une fois encore, par l’élégance de la mise en scène et la qualité de la direction d’acteurs. Ces succès précoces posent la pierre angulaire de ce qui deviendra l’une des carrières théâtrales les plus reconnues de Grande-Bretagne.

L’essor au Donmar Warehouse (1990–2002)

En 1990, à seulement 25 ans, Sam Mendes est nommé directeur artistique du Donmar Warehouse, un théâtre studio situé à Covent Garden. Le lieu avait été utilisé par la Royal Shakespeare Company, mais Mendes se charge de le transformer en une scène indépendante, audacieuse et incontournable. Pendant deux ans, il orchestre la rénovation complète de la salle : le Donmar Warehouse rouvre ses portes en 1992 avec la première britannique de la comédie musicale Assassins de Stephen Sondheim.

Sous la direction de Mendes, le Donmar attire à la fois des talents reconnus et de nouvelles figures prometteuses. L’une de ses premières réalisations marquantes est la reprise de Cabaret (1993), la comédie musicale de John Kander et Fred Ebb. Il y impose une vision plus sombre et radicalement renouvelée, en rupture avec les versions antérieures. Jane Horrocks interprète Sally Bowles, tandis qu’Alan Cumming livre une performance puissante dans le rôle de l’Emcee. Ce succès, d’abord cantonné au Donmar Warehouse, se prolonge à Broadway, où la production rafle plusieurs Tony Awards.

En 1994, Sam Mendes revisite Oliver ! de Lionel Bart, produit par Cameron Mackintosh. Loin de se contenter de ressusciter un classique, il collabore de près avec Bart pour revoir l’orchestration et injecter un souffle nouveau à cette adaptation du Oliver Twist de Dickens. De nombreuses productions suivront, parmi lesquelles The Blue Room de David Hare (avec Nicole Kidman) en 1998, Three Days of Rain de Richard Greenberg (avec Colin Firth) en 1999, ou encore un diptyque de 2002 consacré à Oncle Vania de Tchekhov et à La Nuit des rois de Shakespeare. Dans ces deux dernières pièces, Sam Mendes réunit un casting d’exception avec Simon Russell Beale, Helen McCrory, Emily Watson et Mark Strong.

Après douze ans passés à la tête du Donmar Warehouse, il quitte ses fonctions en 2002, cédant la place à Michael Grandage. Son passage au Donmar aura été décisif pour imprimer sa patte sur la scène londonienne, caractérisée par un goût pour la densité psychologique, la précision esthétique et l’audace des choix artistiques.

Après le Donmar : Broadway et West End

Après son départ, Mendes poursuit sa carrière de metteur en scène en alternant entre Londres et New York. En 2003, il s’attaque à l’une des pierres angulaires du théâtre musical américain, Gypsy, qu’il monte à Broadway, avec Bernadette Peters dans le rôle de Mama Rose, Tammy Blanchard en Louise et John Dossett en Herbie. Il envisageait initialement de produire ce spectacle dans le West End, mais des négociations infructueuses le poussent à privilégier New York.

Au fil des années, Mendes continue d’explorer l’univers des comédies musicales. Il se lance, pour la première fois de sa carrière, dans la création d’une comédie musicale originale pour la scène londonienne avec Charlie and the Chocolate Factory (2013), d’après l’œuvre de Roald Dahl. La production, portée par Douglas Hodge puis Alex Jennings et Jonathan Slinger dans le rôle de Willy Wonka, reste à l’affiche jusqu’en 2017 et reçoit une nomination aux Olivier Awards.

En parallèle, il met en scène des pièces de théâtre plus classiques. En 2014, il dirige Simon Russell Beale dans Le Roi Lear au National Theatre de Londres. Puis, il collabore avec Jez Butterworth sur The Ferryman (2017), un drame se déroulant dans l’Irlande du Nord, produit au Royal Court Theatre. Le succès est tel qu’il transfère la pièce dans le West End, puis à Broadway, ce qui lui vaut à la fois un Olivier Award et un Tony Award du meilleur metteur en scène. En 2018, il enchaîne avec The Lehman Trilogy de Stefano Massini, adaptation en anglais de Ben Power. Les saisons se succèdent à Londres, New York et à nouveau Londres, avant d’atterrir à Broadway : la pièce rafle cinq Tony Awards, dont celui de la meilleure pièce et du meilleur metteur en scène pour Mendes.

Premier coup d’éclat au cinéma : American Beauty (1999)

Si la réputation de Sam Mendes est déjà solidement ancrée dans le monde du théâtre, c’est au cinéma qu’il obtient une reconnaissance internationale éclatante. En 1999, Steven Spielberg, impressionné par ses mises en scène de Cabaret et d’Oliver !, lui propose de réaliser un film pour DreamWorks. Ce sera American Beauty, un récit acide de la middle class américaine, où Kevin Spacey et Annette Bening incarnent un couple à la dérive dans une banlieue pavillonnaire.

Le succès dépasse toutes les attentes : American Beauty rapporte plus de 350 millions de dollars au box-office mondial et remporte cinq Oscars, dont celui du meilleur film et du meilleur réalisateur. Sam Mendes devient ainsi le sixième cinéaste à être consacré par l’Académie dès son premier long métrage. Le film reçoit également le Golden Globe et le BAFTA du meilleur film, tandis que Mendes récolte un Golden Globe et un Directors Guild of America Award pour sa réalisation.

Confirmation cinématographique : entre drames, guerre et James Bond

Fort de ce succès, Mendes enchaîne avec Les Sentiers de la perdition (Road to Perdition, 2002). Adapté d’un roman graphique, ce polar en costumes met en vedette Tom Hanks et Paul Newman. Le film est salué pour son esthétique sombre et élégante, sa photographie (récompensée aux Oscars) et la justesse de son scénario. Paul Newman reçoit une ultime nomination aux Oscars pour son rôle de gangster paternel.

En 2005, Sam Mendes s’attaque à l’univers militaire avec Jarhead, film inspiré de l’autobiographie d’Anthony Swofford sur la guerre du Golfe. S’il reçoit un accueil critique plus nuancé, Jarhead marque le début d’une longue collaboration avec le directeur de la photographie Roger Deakins. En 2008, Mendes revient sur le terrain du drame familial avec Les Noces rebelles (Revolutionary Road), réunissant pour la première fois depuis Titanic Leonardo DiCaprio et Kate Winslet (alors épouse de Mendes). Situé dans l’Amérique conformiste des années 1950, le film vaut une nomination à l’Oscar du meilleur second rôle pour Michael Shannon. L’année suivante, Mendes s’aventure brièvement dans la comédie dramatique, avec Away We Go (2009), une odyssée douce-amère sur un couple en quête de stabilité.

Le tournant se produit en 2010 : Sam Mendes est annoncé comme réalisateur du prochain opus de James Bond. Les difficultés financières de MGM n’entament pas son enthousiasme, et Skyfall, qui sort en 2012, devient un succès commercial retentissant, franchissant la barre du milliard de dollars de recettes. Le film, avec Daniel Craig dans le rôle de 007, séduit par sa photographie léchée (une nouvelle collaboration avec Roger Deakins), son intensité dramatique et l’interprétation mémorable de Javier Bardem en antagoniste. Mendes enchaîne dès lors avec Spectre (2015), devenant le premier cinéaste depuis John Glen à réaliser deux James Bond consécutifs. Bien que moins acclamé que Skyfall, Spectre confirme la capacité de Mendes à manier le grand spectacle.

Les projets de production et la consécration avec 1917

Durant ces années, Sam Mendes crée sa propre société de production, Neal Street Productions (2003), lui permettant de financer et produire plusieurs de ses projets, y compris des séries télévisées telles que Call the Midwife (depuis 2012) ou Penny Dreadful (2014–2016). Il participe également à des projets singuliers, comme la production du documentaire Out of the Ashes (2010), relatant l’essor du cricket en Afghanistan.

Après le « chapitre Bond », Mendes revient à un cinéma plus personnel et expérimental avec 1917 (2019), un film de guerre inspiré par les récits que lui racontait son grand-père, le soldat Alfred Mendes, sur la Première Guerre mondiale. Le film suit deux jeunes soldats britanniques chargés de transmettre un message crucial derrière les lignes ennemies, dans le but d’éviter un massacre. Visuellement, la prouesse réside dans la construction d’un long plan-séquence quasi ininterrompu, qui plonge le spectateur au cœur de l’action. 1917 est acclamé par la critique, reçoit le Golden Globe du meilleur réalisateur pour Mendes, et se voit décerner sept BAFTA, dont celui du meilleur film. Aux Oscars, Mendes est nommé dans les catégories meilleur film, meilleur réalisateur et meilleur scénario original. Même s’il ne décroche pas l’Oscar de la mise en scène (attribué à Bong Joon-ho pour Parasite), son œuvre reste un jalon important dans le genre du film de guerre moderne.

Empire of Light et la perspective d’une tétralogie Beatles

En 2022, Sam Mendes dévoile Empire of Light, un drame romantique mettant en vedette Olivia Colman et Micheal Ward. Loin du ton épique de 1917, ce film s’intéresse à la rencontre entre deux générations et à la magie de la salle de cinéma, tout en dépeignant les fractures sociales du Royaume-Uni.

En février 2024, la presse annonce que Mendes prépare un ambitieux projet : pas moins de quatre longs métrages consacrés chacun à un membre des Beatles. Ces biopics, prévus pour 2028, bénéficient de la coopération de Paul McCartney, de Ringo Starr et des familles de John Lennon et George Harrison. Les acteurs Paul Mescal, Barry Keoghan, Joseph Quinn et Harris Dickinson incarneraient respectivement McCartney, Starr, Harrison et Lennon. Cette tétralogie témoigne de l’envie constante de Mendes de se renouveler et de raconter l’histoire de figures culturelles majeures, en mêlant dimension musicale et exigence cinématographique.

Style et influences

Sam Mendes reconnaît l’influence de réalisateurs aussi illustres que Stanley Kubrick, Alfred Hitchcock, Martin Scorsese, Ingmar Bergman, Francis Ford Coppola ou encore les frères Coen. Il revendique également l’héritage de la tradition comique britannique, citant Monty Python, The Goons, Tommy Cooper et Morecambe and Wise parmi ses références. Son approche de la mise en scène est souvent décrite comme méticuleuse et théâtrale. Il accorde une importance fondamentale à la direction d’acteurs, à la construction d’une atmosphère et à la précision du découpage visuel. Les plans-séquences, la lenteur assumée de certains passages et le soin apporté à l’éclairage et à la composition constituent des marques de fabrique présentes dès American Beauty et Les Sentiers de la perdition.

Les thématiques de l’isolement, de la famille et de l’identité traversent son cinéma : dans American Beauty, Lester Burnham est en pleine crise existentielle ; dans Revolutionary Road, Frank et April Wheeler se retrouvent prisonniers d’un rêve américain qui se fissure ; et, dans la saga Bond, Mendes confronte 007 à ses traumatismes et à la question de la loyauté. Les expériences personnelles du réalisateur, du divorce de ses parents à son propre questionnement sur l’âge mûr, nourrissent cette sensibilité. Il confie d’ailleurs qu’American Beauty correspond à son adolescence, Road to Perdition à son enfance et Skyfall à la thématique de la mortalité et du temps qui passe.

Vie personnelle et héritage

Sam Mendes a été marié à l’actrice Kate Winslet de 2003 à 2010. De cette union naît un fils, en décembre 2003. Il est ensuite devenu le compagnon de la trompettiste britannique Alison Balsom, qu’il épouse en 2017. Le couple a une fille née en septembre de la même année. Discret sur sa vie privée, Mendes fait néanmoins l’objet de quelques controverses au fil du temps, notamment lorsqu’il signe, en 2009, une pétition réclamant la libération du cinéaste Roman Polanski, arrêté pour une affaire de mœurs remontant à 1977. Mendes s’oppose aussi au Brexit, estimant que le combat pour une Europe unie ne doit pas être oublié.

Sur le plan des distinctions, Sam Mendes est fait Commandeur de l’Ordre de l’Empire britannique (CBE) en 2000, et anobli en 2020 pour ses services rendus à l’art dramatique. Il reçoit notamment le Shakespeare Prize (2000) décerné par la fondation Alfred Toepfer, ainsi qu’un prix d’honneur de la Directors Guild of Great Britain (2005). En 2008, The Daily Telegraph le classe au 15e rang de sa liste des « 100 personnes les plus puissantes de la culture britannique », saluant ainsi son impact considérable sur la scène et l’écran.

Au théâtre, il compte plusieurs Laurence Olivier Awards pour Company, Twelfth Night et The Ferryman, tandis que The Ferryman et The Lehman Trilogy lui valent le Tony Award du meilleur metteur en scène à Broadway. Au cinéma, il est entré dans l’histoire dès American Beauty en devenant le sixième réalisateur à recevoir l’Oscar pour son tout premier long métrage. Il a récolté depuis d’autres nominations de prestige, prouvant la constance de son travail, à la fois exigeant et grand public.

Aujourd’hui, Sam Mendes demeure l’une des figures les plus importantes de la culture britannique contemporaine, célébré pour son sens de la mise en scène, sa direction d’acteurs et sa capacité à aborder, sans détour, les thèmes profonds qui hantent l’existence humaine. Qu’il explore les recoins psychologiques d’une famille américaine en pleine crise, qu’il magnifie la tension d’un champ de bataille en un unique plan-séquence ou qu’il revisite l’iconographie de James Bond, Mendes parvient à imposer une touche singulière, à mi-chemin entre la rigueur théâtrale et la puissance immersive du grand écran. Avec sa future série de films dédiés aux Beatles et ses autres projets artistiques, il est fort probable qu’il continue d’exercer une influence majeure sur la scène internationale pendant encore de nombreuses années.

Quel sera le casting du film sur les Beatles ?

Harris Dickinson interprète John Lennon

Vu récemment dans le troublant « Babygirl », aux côtés de Nicole Kidman, Harris Dickinson est l’acteur anglais qui monte. Révélé en 2017, déjà, au Festival de Sundance, ce londonien de 28 ans navigue depuis entre films d’auteur et blockbusters, à l’image de « Maléfique : Le pouvoir du mal » ou « The King’s Man : Première mission ». De quoi affirmer son aisance dans différents genres et lui ouvrir de multiples portes, comme celle très prisée qu’il empreinte aujourd’hui en prêtant ses traits au légendaire John Lennon.

Paul Mescal interprète Paul McCartney

Désormais solidement installé dans les superproductions hollywoodiennes, à l’image de son premier rôle dans « Gladiator 2 » de Ridley Scott, l’acteur irlandais de 29 ans, qui a fait ses armes sur les planches avant d’apparaître devant la caméra, obtient cette fois le rôle de Paul McCartney dans le biopic en quatre parties de Sam Mendes.

Joseph Quinn interprète George Harrison

Découvert dans la saison 4 de « Stranger Things », Joseph Quinn a marqué les fans de la série des frères Duffer. A tel point que ces derniers réclamaient son retour dans la saison finale particulièrement attendue. Depuis, l’acteur londonien de 31 ans a également été retenu par Ridley Scott pour la suite de « Gladiator ». Pour le film sur les Beatles, Joseph Quinn obtient le rôle complexe de George Harrison, le plus discret de tous, au talent indéniable.

Barry Keoghan interprète Ringo Starr

A 32 ans, Barry Keoghan a déjà une solide carrière derrière lui avec des participations dans « Dunkerque » de Christopher Nolan, « The Batman » ou la série « Saltburn ». Bientôt il sera à l’affiche du très attendu film adapté de la série culte « Peaky Blinders ». Sous la direction de Sam Mendes, il incarnera l’inoxydable batteur du groupe, ciment d’une formation mélangeant de très forts tempéraments.

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