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Let It Be : comment McCartney a tenté (et échoué) de sauver les Beatles

Avec le projet Get Back, Paul McCartney voulait ressouder les Beatles et raviver leur esprit d’origine. Mais "Let It Be", censé être un retour aux sources, s’est transformé en point de rupture.

Il voulait retrouver la fraîcheur d’antan, la magie des débuts. En lançant le projet « Get Back », Paul McCartney ne cherchait ni la gloire ni le renouveau, mais simplement à réanimer l’esprit d’un groupe qui, dans les coulisses, se délitait. L’intention était noble, mais la tentative fut un échec cuisant. À vouloir rallumer la flamme, McCartney a précipité l’incendie. « Let It Be », l’album censé réunir les Beatles, est devenu le symbole de leur éclatement.

Une tentative de retour aux sources

À l’issue de l’enregistrement du White Album en 1968 — chef-d’œuvre labyrinthique et dispersé — McCartney sent que les liens se distendent. John Lennon se rapproche de plus en plus de Yoko Ono. George Harrison accumule des frustrations artistiques, marginalisé par le tandem Lennon/McCartney. Ringo Starr, de son côté, s’éclipse temporairement, épuisé par les tensions. Le groupe fonctionne alors en unités disjointes, chacun enregistrant dans son coin, parfois sans les autres.

C’est dans ce climat tendu que Paul propose un projet de réconciliation : retourner aux racines rock’n’roll du groupe, répéter « en live » comme à l’époque du Cavern Club, sans overdubs, sans artifices, et conclure par un concert en public. Le nom de code : Get Back.

Les intentions sont claires : abolir la complexité psychédélique, rejeter les expérimentations orchestrales, revenir à l’énergie brute des débuts. Paul veut raviver l’esprit de camaraderie. Il imagine une émission télévisée retraçant les répétitions, le processus créatif, et culmine dans une performance scénique.

Mais il sous-estime une donnée fondamentale : le groupe n’est plus ce qu’il était.

Le projet Get Back : naïveté ou clairvoyance ?

En janvier 1969, les Beatles s’installent aux Twickenham Film Studios, un environnement froid, peu propice à la création. Des caméras omniprésentes filment chaque geste, chaque parole. Les journées commencent tôt. L’atmosphère est glaciale, au propre comme au figuré. Harrison déteste l’idée. Lennon est désengagé, souvent distant, absorbé par Yoko Ono et ses propres démons. Seul McCartney semble croire encore à la magie du collectif.

La caméra de Michael Lindsay-Hogg capte l’ennui, l’agacement, l’hostilité larvée. George quitte le groupe pendant quelques jours. McCartney se retrouve à jouer les chefs de projet, tentant de motiver un groupe qui ne veut plus vraiment jouer ensemble.

Et pourtant, dans cet apparent chaos, des fragments d’harmonie subsistent : des éclats de rire, des jams improvisés, des moments de grâce musicale. La vision de Paul n’est pas entièrement vaine. Mais le contexte est trop fragile.

La blessure d’une volonté trop forte

C’est sans doute là que réside le paradoxe douloureux de cette époque : Paul McCartney veut trop bien faire. Il porte le groupe à bout de bras, organise, structure, impulse. Mais cette énergie devient pesante pour les autres. Lennon ironise, Harrison se braque, Starr se replie.

Dans une séquence désormais célèbre immortalisée dans le documentaire Get Back de Peter Jackson, George Harrison lâche à McCartney :

“I’ll play whatever you want me to play. Or I won’t play at all if you don’t want me to.”
Une phrase lourde de résignation, d’amertume, presque d’abdication.

McCartney, convaincu d’agir pour le bien commun, ne perçoit pas que ses injonctions sont vécues comme des intrusions. Il est devenu, malgré lui, le patron d’un groupe qui n’a plus envie d’avoir de chef.

Le rooftop concert : chant du cygne et sursaut d’orgueil

Le projet initial de faire un concert dans un amphithéâtre romain ou sur un bateau est abandonné. Finalement, le 30 janvier 1969, les Beatles montent sur le toit de leur immeuble Apple Corps, à Londres, pour une ultime performance live improvisée.

C’est un moment suspendu dans le temps, un instant de magie brute. Ils jouent comme au bon vieux temps. Ils s’amusent. Le public, dans la rue, s’arrête, écoute, applaudit. La police interrompt le concert. Le mythe est né.

Mais cet éclat de lumière ne saurait masquer la nuit qui s’installe. Après cet événement, le projet Get Back est abandonné, les bandes sont mises de côté. Les Beatles, presque instinctivement, se tournent vers un nouveau projet : Abbey Road, leur véritable dernier chef-d’œuvre collectif.

Allen Klein, Phil Spector : les fissures deviennent des fractures

C’est ici qu’entre en scène le tandem honni par McCartney : le manager Allen Klein et le producteur Phil Spector.

Klein, homme d’affaires habile et manipulateur, prend le contrôle de l’entourage des Beatles — au grand dam de Paul, qui milite pour que son beau-père Lee Eastman reprenne les rênes. Cette divergence provoque une rupture irréversible entre McCartney et les trois autres.

Quant à Spector, il est appelé pour « sauver » les bandes laissées en friche du projet Get Back. Il y applique sa célèbre « wall of sound », transformant la sobriété souhaitée par McCartney en une surcharge orchestrale, notamment sur The Long and Winding Road.

Paul est furieux. Il n’a jamais approuvé l’ajout de chœurs sirupeux et de violons. Il voit dans cette trahison sonore le symptôme de son impuissance croissante au sein du groupe. Et c’est entre autres à cause de cela qu’il décide, en avril 1970, d’annoncer publiquement son départ des Beatles.

Let It Be… Naked : le cri du cœur de Paul

En 2003, McCartney obtient enfin réparation partielle avec la sortie de Let It Be… Naked, version expurgée de toutes les surcharges de Spector. Plus sèche, plus brute, cette édition restaurée se rapproche du projet initial de Get Back.

Elle révèle la beauté nue des morceaux : la voix vibrante de John sur Across the Universe, la douceur de Paul sur Two of Us, l’élégance de George sur I Me Mine, la sensibilité de Ringo sur For You Blue.

Ce disque réhabilité prouve que McCartney avait raison sur le fond, même s’il avait tort sur la forme. Oui, un retour aux fondamentaux était possible. Mais pas dans un climat de défiance et d’épuisement.

Une leçon d’échec noble

Ce que Paul McCartney a tenté avec Let It Be, c’est de sauver une utopie. Celle d’un groupe d’amis, liés par la musique, capables de créer ensemble sans fard. Il voulait revivre l’ivresse de Please Please Me, la spontanéité de Twist and Shout, la camaraderie de Hambourg.

Mais le temps avait passé. Les Beatles étaient devenus quatre artistes aux visions divergentes, aux vies personnelles chaotiques, aux blessures trop nombreuses. Le rêve ne pouvait plus tenir.

Et pourtant, ce rêve, même brisé, a donné naissance à des chansons inoubliables, à des moments suspendus, à des vestiges de beauté. Il fallait tout le romantisme, toute l’entêtement — et sans doute toute la solitude — de Paul McCartney pour oser croire encore à cette renaissance.

Ce que Let It Be nous dit des Beatles

L’album Let It Be, dans ses deux versions, reste un objet paradoxal. Il contient à la fois la fin et le recommencement, l’espoir et le désenchantement. Il témoigne de l’agonie d’un groupe, mais aussi de sa grandeur même dans la rupture.

Il nous montre un McCartney isolé, mais sincère. Un Lennon fatigué mais encore percutant. Un Harrison frustré mais lumineux. Un Ringo soutien discret mais essentiel.

Et surtout, il nous enseigne ceci : on ne revient jamais en arrière. Pas même les Beatles.

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