Sommaire
Informations sur l’album
- Pays : International
- Support : CD
- Label : Parlophone
- Numéro de série : CDP 7 46442 2
- Mixage : Mono
Track-listing de l’album
- Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band
- With a Little Help from My Friends
- Lucy in the Sky with Diamonds
- Getting Better
- Fixing a Hole
- She’s Leaving Home
- Being for the Benefit of Mr. Kite!
- Within You Without You
- When I’m Sixty-Four
- Lovely Rita
- Good Morning Good Morning
- Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band (Reprise)
- A Day in the Life / The Run Out Groove
Description de l’album
Sgt. Peppers Lonely Hearts Club Band (en français : « La Fanfare du Club des Curs Solitaires du Sergent Poivre ») est le huitième album du groupe britannique The Beatles. Cet album est souvent cité comme leur plus grande uvre et lun des albums les plus influents de tous les temps par les critiques[2], figurant entre autres à la première place dans la liste des 500 plus grands albums de tous les temps du magazine Rolling Stone[3]. Enregistré par les Beatles sur une période de 129 jours, lalbum est sorti le 1er juin 1967 en Grande-Bretagne et le jour suivant aux États-Unis.
Par son retentissement, par la façon dont il a révolutionné lindustrie du disque, par sa durée de vie dans les hit-parades, par la force avec laquelle il a capté lair de son temps il fut la « bande sonore » du Summer of Love , Sgt. Pepper reste encore à ce jour une pierre angulaire de lhistoire de la musique et de la culture populaire de la seconde moitié du XXe siècle.
Introduction
1er Juin 1967. Le nouveau 45 T des Beatles arrive enfin, après 9 mois d’absence dans les bacs, chez tous les disquaires. Son nom : Sergeant Pepper’s Lonely Heart Club Band Un simple album de plus dans la discographie, déjà conséquente, d’un groupe Anglais au milieu des années 60 ?
Le monde est loin, très loin d’imaginer ce qui se cache derrière cette pochette à dominante rouge, aux allures de portrait de famille de l’époque Victorienne.
La planète musicale s’apprête à être secouée d’une manière qu’elle ne soupçonne pas encore. A partir de ce jour, rien…plus rien ne sera comme avant… et pour cause, il suffit d’écouter…de rester littéralement scotché à chacune des pistes …et puis ce son, cette couleur musicale qui lui est si particulière…cette conception, cette réalisation, cette réflexion sur le concept…rien…absolument rien n’aurait pu laisser entrevoir une telle révolution, un aspect si novateur, seulement quelques mois auparavant.
Mais bien plus que la planète musicale, il s’agit de la planète toute entière qui va subir l’influence de « Sgt Pepper’s », qui deviendra l’hymne du « summer of love », cette période si particulière dans notre histoire, qui fait que les années 60 resteront à jamais une île au milieu de notre siècle…une île sur laquelle trôneront à jamais les Beatles.
L’époque de la Beatlemania et des « 4 garçons dans le vent » (ainsi que de leur coupe de cheveux…) est désormais très loin…et pourtant, ce n’était qu’il y a quelques mois seulement. Au travers de ce dossier spécial, Yellow-sub.net va vous présenter, de manière complète, toutes les faces de cet album mythique. Souvent cité comme le meilleur jamais réalisé musicalement, il restera de manière certaine le plus important :
La pierre angulaire de notre siècle musical !
Ce dossier « colossal », à la mesure de l’ampleur et de l’importance de « Pepper » (comme on le surnomme souvent !) sera décomposé en plusieurs parties, de sorte à analyser parfaitement chaque élément et chaque chanson de l’album. Le dossier « Sgt Pepper’s » fera donc l’objet de nombreuses mise à jour.
Restez à bord du sous-marin jaune, installez vous confortablement, et direction l’année 1967 !
Le contexte
Pour bien comprendre en quoi « Sgt Pepper’s » a constitué une véritable révolution à tous les niveaux, il faut, comme pour toutes autres choses, replacer l’album dans le contexte de sa sortie. En effet, les mois précédant la sortie de l’album ont été particulièrement chargés !
Il est évident qu’avec « Revolver », les Beatles avaient commencés à aborder un tournant décisif dans leur manière de composer, et de concevoir leurs albums.
Ceci allant d’ailleurs de pair avec l’arrêt des tournées, au milieu de l’année 1966, car en plus de la fatigue et de la lassitude qu’ils éprouvaient, leurs compositions étaient de moins en moins adaptées à une interprétation scénique.
Le fait de s’être libéré de cet impératif de retranscrire parfaitement les chansons sur scène, leur permit de rentrer plus sereinement en studio pour la conception de « Sgt Pepper’s… ». Cette conception fut d’ailleurs longue, très longue pour l’époque : 9 mois ! (une véritable éternité…) et complètement sous l’emprise du LSD.
Durant cette période d’enregistrement, les rumeurs sur la « fin des Beatles » allaient bon train dans la presse, indiquant qu’ils étaient à cours d’idée…
EMI insista auprès des Beatles , pour faire sortir un single, indépendant de l’album, afin de faire patienter les fans (essentiellement aux Etats-Unis) et calmer les rumeurs. Et quel single !! : Penny Lane / Strawberry Fields Forever . Un 33 T vraiment particulier avec 2 chansons aux antipodes musicales l’une de l’autre, faisant pourtant allusion au même endroit : Liverpool, la ville natale des Beatles…
La durée de l’enregistrement
Arrêtons nous un instant et récapitulons.
En cette fin d’année 66, l’album « Revolver » est plus que jamais en tête de tous les charts de la planète. Cette place consacre une évolution dans leur style à tous les niveaux. Une porte vient de s’entrouvrir, reste néanmoins à déterminer ce qu’il y a derrière… Autre fait marquant, comme nous l’avons indiqué plus tôt, les rapports entre les Beatles et la drogue sont de plus en plus étroits. Nous sommes au début de la période « psyché » et le LSD est omniprésent….
Mais le plus important est que les « gars de la Mersey » se sont enfin débarrassés, à jamais, de leurs obligations scéniques. Pour la première fois depuis maintenant 4 ans, les Beatles vont disposer de temps.
D’abord du temps pour quelques vacances (bien méritées après la folle période de la Beatlemania), puis du temps (illimitées grâce à EMI) pour se concentrer sur leur futur 33 T.
Toutes les conditions sont désormais réunies pour donner naissance au chef d’uvre de la pop musique qu’est « Sgt Pepper’s ».
Celui-ci va demander 9 mois de gestation, dont 5 mois de studio plein…Sa réalisation coûtera 25 000 £ (un record pour l’époque).
En comparaison, le 1er LP des Fab Four avait été enregistré en une seule journée, pour seulement 400 £ …
Vers de nouveaux horizons…
Comme indiqué précédemment, les Beatles s’accordent dans un premier temps quelques semaines de repos, qui vont être tout de même mise à profit.
En réalité, c’est à cette période que les Fab Four cessent d’être 4 musiciens habillés et coiffés de la même manière, pour devenir 4 personnalités affirmées, totalement différentes, mais qui restent pourtant en parfaite alchimie.
Chaque Beatle va se tourner vers une activité lui tenant à cur. C’est ainsi que John va en profiter pour tourner dans un film (« How i won the war » de R. Lester). George lui se perfectionne au sitar (avec Ravi Shankar) et effectue un voyage en Inde (les prémices du « White Album », déjà…).
De son côté, Ringo passe des vacances tranquilles en famille. Quant à Paul, il déborde de créativité…et en profites même pour composer la bande originale d’un film (« The Family Way ») avec l’aide de George Martin.
…Pour un nouveau type d’album.
Le 24 Novembre 1966, les Beatles se retrouvent frais et dispos aux studios d’Abbey Road pour commencer l’écriture du nouvel album. Les séances commencent sur « Strawberry Fields forever » que John a ramené de son tournage…
Jusqu’au milieu de Janvier 1967, l’essentiel du travail se concentre sur cette chanson , ainsi que sur Penny Lane. Ces deux chansons sortiront en single sous la pression d’EMI, puisqu’elles étaient les deux plus avancées.
C’est ensuite au tour de « A Day In The Life » et du thème de « Sgt Pepper’s » de voir le jour. Puis c’est au tour de « Good Morning, Good Morning » et « Being for the benefit of Mr Kite ». Chaque chanson étant sans cesse retravaillée. Les Beatles ayant un nombre d’idées impressionnantes et une créativité débordante. Le 29 Mars, le titre officiel de l’album est annoncé. Après cela, tout s’enchaîne très vite.
Le 12 Mai, la radio libre « Radio London » est autorisé à diffuser l’intégralité de l’album sur les ondes.
Une petite semaine plus tard, une fête est organisé pour la presse, au domicile de Brian Epstein . L’album est officiellement lancé. Le 20 Mai, c’est au tour de la BBC de présenter « Sgt Pepper’s » à ses auditeurs. A l’exception de « A Day In The Life », pour … « encouragement à la consommation de drogues » !
Le 1er Juin 1967, l’album sort enfin en Angleterre (et le 2 aux Etats-Unis).
Mais les Beatles eux sont déjà loin de toute cette agitation. La créativité atteint des sommets…tellement de choses à explorer ! après un passage à l’émission « Our World » pour interpréter « All You Need Is Love », les Beatles continuent sur la lancée de « Pepper » pour concevoir la bande son du « Magical Mystery Tour » .
Mais ça, c’est une autre histoire…
L’après Revolver
Revolver sort le 5 Août 1966. Tout le monde pouvait se douter qu’une évolution dans le style des Beatles était en marche après « Rubber Soul ».
Une évolution, certes. Mais pouvait on Imaginer une telle audace ? En effet, la genèse de « Sgt Pepper’s » commence à se profiler dans « Revolver ».
La première chose que l’on remarque est que les chansons se suivent sans interruption. Sans aller jusqu’à dire qu’il s’agit d’un véritable concept comme le sera « Sgt Pepper’s », il apparaît déjà que les albums de rock « classiques » de la fin des années 50 et du début des 60’s sont très loin…ceux où les albums n’étaient qu’une simple suite de chansons sans ordonnancement précis. Il apparaît également que George Harrison prend de plus en plus de place, en signant 3 titres (« Taxman », « Love You To » et « I Want To Tell You »). Il continue d’ailleurs son apprentissage du sitar dans « Love You To », qui est un peu l’ancêtre de « Whitin you, without you »… Les textes sont aussi beaucoup plus travaillés et variés qu’a l’accoutumé dans un album de pop-rock (si tant est qu’elle existait déjà ?). Là aussi, l’époque où l’on se contentait de parler futilement de filles et de voitures est bel et bien dépassé. On aborde en vrac le FISC (« Taxman ») , la solitude (« Eleanor Rigby »), les bienfaits de l’acide (« Doctor Robert »), ou les difficultés d’un jeune homme a déclarer sa flamme (« I Want To Tell You »)…
VERS DE NOUVEAUX HORIZONS…
Mais la véritable ébauche d’évolution (ou de révolution ?) de ce disque ce situe, bien sur, sur le plan musical. Il apparaît qu’une nouvelle ère est prête à s’instaurer au milieu des années 60 sous l’impulsion du génie allié de Lennon et McCartney. « Revolver » est en quelque sorte la première marche qui mènera à l’univers totalement déjanté de « Sgt Pepper’s ». Mais alors, « Revolver » ne serait il pas le véritable album charnière du XXeme siècle, à l’instar de « Sgt Pepper’s » ?
Certes, ce dernier est beaucoup plus abouti dans sa conception et sa réalisation, mais « Revolver » est véritablement l’album novateur avant l’heure. Il arrive à garder une certaine fraîcheur dans les chansons tout en annonçant ce qui se fera par la suite : Les différents bruitages incorporés dans « Yellow Submarine », le sitar de « Love You To », une chanson de rock basé sur du classique (« Eleanor Rigby »), les trompettes hurlantes de « Got To Get You Into My Life »…Et surtout, le génialissime « Tommorow never knows » de Lennon, qui annonce au monde entier que l’ère de l’expérimentation vient de s’ouvrir. De part sa position sur « Revolver » (la dernière piste), elle se place comme une parfaite transition entre les deux albums. Ce n’est déjà plus du « Revolver », mais ce n’est pas encore du « Pepper’s » !
Chose amusante, « Tommorow never knows » est en réalité la première chanson que les Beatles ont mis en boite lors des sessions d’enregistrement de « Revolver »…
Mais que dire devant une telle avalanche de créativité ? Un Lennon au sommet de son art qui se lance dans la construction d’une chanson basée sur une seule note. Au programme, doublage ou quadruplage de sa voix, guitare en boucle, puis passé à l’envers, la batterie de Ringo semblant venir de nulle part, et incorporation de son passé à l’envers…bref, un délire totalement Lennonien, et ce n’est pas le dernier !
L’arrêt des tournées
Chronique d’une tournée catastrophe…
Le moins que l’on puisse dire est que la dernière tournée des Beatles (aux Etats-Unis) fut agitée.
En effet, le 29 Juillet 1966, le magazine Américain « Datebook » publie dans ses colonnes l’interview que John avait accordé 5 mois auparavant à Maureen Cleave, durant laquelle il déclarait : « Nous sommes plus célèbres que Jésus maintenant ».
Moins d’une semaine après, 30 radios Américaines avaient déjà bannis les Beatles de leurs antennes, et Brian Epstein (leur manager) était sur place afin de limiter les dégâts…
C’est dans ce contexte que le 45 T « Eleanor Rigby / Yellow Submarine », accompagné de l’album « Revolver » sortent sur le nouveau continent le 8 Août, et que les Beatles arrivent (le 11) pour ce qui allait être leur dernière tournée .
Dès le 13, plusieurs radios invitent les adolescents à brûler les disques des Fab Four (ou autres symboles de leur popularité) sur des grands bûchers. Le Ku Klux Klan participe à ces actions. George : « Il faut bien qu’ils achètent nos disques avant de pouvoir les brûler »
Toujours le même jour, on apprend que les Beatles sont également interdits d’antenne en Espagne et en Hollande. Malgré cela, la tournée continue, dans l’angoisse d’actions violentes pouvant être menées à leur encontre, car les menaces de mort sur leurs personnes se comptent en centaine.
Le 14 Août (c’est à dire le lendemain…), en plein milieu d’un concert donné à Cleveland, 2500 fans franchissent les barrières de sécurité protégeant la scène…Le concert est interrompu.
Le 19 à Memphis, 6 membres du Ku Klux Klan sont présents à l’entrée du stade, des intégristes perturbent le concert, et pour finir…leur autocar est cerné par des manifestants Chrétiens hurlant des injures. Le 21 à St Louis, les éléments se déchaînent contre les Beatles. Un vrai déluge s’abat durant le concert. La scène n’est pas (ou peu) protégé…et de l’eau coule sur les amplis !
Après cet épisode, Paul rejoint l’opinion des 3 autres : Les Beatles ne doivent plus jouer sur scène !
Grandeur et décadence…
Pourtant, au milieu de tout cela, les fans hurlent toujours avec autant de frénésie durant les concerts. Ce n’est d’ailleurs pas forcément un bien… !!
Ni les Beatles, ni les spectateurs n’entendent ce qui sort des amplis. Les Beatles ne sont plus que des pantins sur scène… 28 Août, Los Angeles. Une petite centaine d’agent de sécurité pour 45 000 fans déchaînés. Des affrontement ont lieu et des dizaines de spectateurs sont blessés. Les Fab Four arrivent à quitter le stade en fourgon blindé !!
Dernier tour de piste…
29 Août, Clandestick Park, San Francisco.
Devant 25 000 personnes, les Beatles font ce qui sera leurs adieux à la scène. La dernière chanson interprétée est « Long Tall Sally ». Les fans ne le savent pas encore, mais ils ne verront plus leurs idoles en tournée…
John : « Pendant notre dernière tournée, les gens n’arrêtaient pas de nous présenter des aveugles, des handicapés ou des enfants anormaux dans notre loge. Je me souviens que la mère d’un gamin nous a dit : » Allez-y, embrassez-le, peut-être réussirez vous à lui rendre la vue . « Nous ne sommes pas cruels, nous avons assisté à notre part de tragédie dans le Merseyside, mais quand une mère vous crie : » Touchez-le et il pourra marcher de nouveau « , vous avez envie de partir en courant, de pleurer… ».
La vision de John du paradis : « Ne pas partir en tournée » (1976) On comprend mieux quand on considère tous les événements qui ont émaillé cette tournée, que les Fab Four est décidé de Jeter l’éponge…et de se concentrer sur le travail en studio…
Les séances d’enregistrements de « Pepper » pouvaient commencer
Les Beatles et la drogue
Les rapports des Beatles avec la drogue commencent dès le mois d’Août 1964 (le 28), quelques jours après les mythiques concerts à l’ Hollywood Bowl de Los Angeles.
Ce jour là, les Fab Four font la connaissance de Bob Dylan qui les initie à la Marijuana.
Dès ce jour, alors que nous sommes au début des sessions d’enregistrements de « Beatles for sale », la drogue va prendre de plus en plus d’importance dans la vie du groupe, ainsi que dans leurs compositions.
Un peu d’histoire…
Au milieu des années 60, Timothy Leary (chercheur en psychologie à l’université d’Harvard) absorbe un extrait de plante hallucinogène : le Peyotl . Il découvre alors que la drogue peut libérer la conscience humaine.
Il se concentra par la suite à un dérivé de l’acide lysergique : le LSD 25. Celui-ci altère la perception du monde qu’on les individus, en faisant naître au cours des hallucinations, des formes et des couleurs. De plus, cette pilule fait accéder la personne qui en prend, à un stade de « conscience supérieure », sorte de révélation ultime. Après s’être fait renvoyer de l’université, Leary publie son expérience dans « The Psychedelic Review » (que John achètera peu avant de composer « Tomorrow Never Knows »). Le concept de « Psychédélisme » naît alors, et connaît un essor plus que rapide sur la Côte Ouest des Etats-Unis, surtout auprès des jeunes musiciens.
S’en suivent alors des « Acid-tests » (prise collective de LSD) et autres expériences auxquelles se prêtent les Grateful Dead et les Doors. La prise de LSD est donc à l’origine d’une nouvelle musique (psychédélique) , mais pas d’un genre de musique en particulier. En effet, il s’agit à travers la « psyché » (révélatrice de l’âme) de percevoir différemment (sans limite) toutes les musiques existantes. Cette façon folle et débridée de jouer autrement a pour conséquences les distorsions sonores, l’usage de nouveaux instruments, les nombreuses improvisations, et les solos de guitares plus longs qu’à l’accoutumé (et assez planants).
Il va sans dire que « Sgt Pepper’s » est LE disque « psychédélique » par excellence. De nombreuses chansons de l’album auront d’ailleurs des problèmes (censures) avec les radios, pour allusions au LSD… John : « J’ai toujours eu besoin de drogue pour survivre. Les autres aussi, mais j’en ai toujours pris plus. Je prenais toujours plus de pilules, plus de tout parce que je suis sans doute dingue » (1970)
L’expérience Dentaire…
C’est John et George qui furent les premiers Beatles à tester le LSD. Ils le découvrirent en fait à leur insu. Après avoir fait la connaissance d’un dentiste dans une boite, celui-ci les invita, accompagnés par Cynthia et Pattie (les épouses de John et George) à manger chez lui. Il mélangea le LSD (encore en vente libre à cette époque) avec leur café… George : « Tout d’un coup, j’ai senti la plus incroyable des sensations m’envahir …c’était fantastique …très étrange ». John : « On était complètement partis. On était a côté de nos pompes. Terrifiant…mais fabuleux ». John : « J’ai dû faire un millier de trips. J’en avalais tout le temps. J’ai arrêté à cause des mauvais trips. Je ne supportais plus… Et j’ai recommencé à en prendre avant de rencontrer Yoko ». En effet, « Pepper » a été complètement réalisé sous acide. John était le plus atteint, totalement sous emprise, occupé a essayer de détruire son ego.
Paul, l’acide…et les journalistes !
Jusqu’à présent , les Beatles n’ont pas avoués en public qu’ils prenaient du LSD . Les derniers vestiges de leur image de garçon sage vont tomber le 17 juin 1967 (peu de temps après la sortie de l’album), lorsque Paul, dans un entretien à « Life Magazine » reconnaît avoir pris des acides.
Cela est assez étonnant car Paul avait toujours était le plus réticent à la prise de LSD, et il était également le Beatle qui en prenait le moins…
Le soir même, assiégé par tous les journalistes du Royaume-Uni, Paul accorda une interview pour le journal télévisé :
Le journaliste : « Combien de fois avez vous pris du LSD ? » Paul : « Hum … 4 fois »
Paul aurait peut être dû se taire…mais dans le fond, tôt ou tard il aurait fallu que les Beatles en parlent…
George (1987) : « Avant le LSD, je n’avais jamais réalisé qu’il existait quoi que ce soit au-delà de cet état de conscience. La première fois que j’en ai pris, ça a tout fait exploser. J’ai eu une telle impression incroyable de bien être, qu’il existait un Dieu et que je pouvais le voir dans n’importe quel brin d’herbe. Ça m’a changé, et il n’était pas question de retourner à ce que j’étais avant ! ».
All around Pepper’s
Les techniques d’enregistrement
Durant l’enregistrement de “Sgt Pepper”, les studios d’Abbey Road se sont transformés en véritable laboratoire d’expérimentation musicale, dans lesquels naissaient chaque jour un peu plus, les différentes techniques qui serviraient plus tard à élaborer les albums. Certaines de ses techniques servent encore de base aux disques que nous connaissons aujourd’hui.
Il s’agit là d’une des grandes forces des Beatles, ne jamais se contenter de ce qu’ils avaient à leur disposition, et toujours voir plus loin…en plus grand et en mieux…même si cela provenait parfois à la base d’idées saugrenues…
On l’a déjà évoqué, la durée de l’enregistrement , absolument phénoménal pour l’époque y est pour beaucoup dans la nouvelle manière d’aborder la création d’un album rock, car elle permit d’établir une véritable manière, une véritable technique, afin d’aboutir au résultat optimum.
Chose étonnante quand on écoute s’arrête sur la diversité de chaque mesure constituant l’album, c’est que le disque n’a été enregistré que sur 4 pistes !!! (une antique Studer J 37 vendu aux enchères en 1981 pour 500£), car il faut le reconnaître, le matériel d’EMI à Abbey Road commençait à dater quelque peu…
George : ” Nous avons enregistré la majorité des chansons dans les conditions du direct […] Nous passions des heures à trouver la bonne balance de son entre la basse, la batterie et la guitare avant d’effectuer une prise. La piste de base assurée, nous ajoutions nos overdubs en les préparant minutieusement à l’avance. Nous devions tout réussir d’un seul coup. Si une erreur était commise, nous devions tout recommencer à partir de la piste de base “.
Le fait est que malgré la popularité et le talent des Beatles, ils n’étaient pas pour autant aidés par le matériel mis à leur disposition…De vieux micros et de vieilles machines sur lesquelles ils devaient sans cesse essayer de trouver de nouvelles possibilités…
George : ” C’est grâce à l’état d’esprit de chacun qu’à l’époque, il était enthousiasment de trouver de nouvelles idées “.
George : ” C’est grâce à des albums comme ceux que nous avons enregistrés dans les années 60 qu’ils ont inventé les nouvelles générations de console de studios. Maintenant, tout est facile, il suffit d’appuyer sur un bouton, et vous avez tous les effets que vous désirez à votre disposition. Ce sont les effets que nous avons mis des années à mettre au point… “.
LE SON ” PSYCHÉ ” …
Particularité majeure de l’album, qui est une conséquence du temps passé à élaborer l’album, c’est cette uniformité de son qui caractérise ” Pepper “. Ce son si particulier est un reflet de l’époque : le psychédélisme. De là à dire que les Beatles sont un véritable groupe psyché ou même les précurseurs du genre , peut être pas…mais il est tout de même certain que ce disque fut la bande son du ” summer of love ” et qu’il reste LE disque phare de cette période…
Le concept album
Noyé au milieu de l’immense flot de popularité qui entoure l’entité Beatles, les 4 garçons la composant se retrouvent quelque peu dépassés, sans pour autant perdre pied.
Le fait de travailler sur ” le prochain 33 T des Beatles “, et de devoir donner une suite au précédent apparaît très vite comme un poids.
Les Beatles, jamais en manque d’inspiration, eurent l’idée à travers Paul, de créer le concept du ” Sgt Pepper’s lonely hearts club band “.
L’idée de base était de se ” cacher ” derrière le concept de ce groupe fictif afin de se débarrasser de la pression dûe aux Beatles…par conséquent de pouvoir disposer d’une liberté musicale en termes d’expérimentation, que n’avait peut être plus totalement le groupe.
L’ORIGINE DU SGT PEPPER :
A cette époque, une mode provenant de la Californie commençait à se développer, et eu une influence direct sur le nom de l’album.
Cela consistait à trouver un nom, le plus long possible, avec une signification complètement irréaliste, comme : Quicksilver Messanger Service, Big Brother And The Holding Company, The Bonzo Dog Doo Dah Band, ou bien encore Incredible String Band…
On voit dès lors d’où provient l’idée de McCartney de choisir un titre si long, d’autant que parmi les exemple cités, on note que plusieurs se terminent par ” band “.
Plusieurs hypothèses sont avancées pour expliquer la provenance exacte du ” Sgt Pepper “.
Il existait à l’époque une boisson Américaine assez connue, se nommant ” Dr Pepper “, il n’est donc pas à exclure que cela ait eu une influence.
L’hypothèse la plus probable vient du fait que Paul et Mal Evans dînaient souvent ensemble. Il y avait en permanence deux petites boites estampillées ” S ” et ” P ” sur la table, signifiant ” Salt and Pepper “. De fil en aiguille, et de part la ressemblance phonétique certaine, cela serait devenu ” Sgt Pepper ” …
A l’origine, ” Sergeant Pepper ” et ” Lonely hearts club band ” étaient deux enchaînements d’idées différents dans l’esprit de Paul, jusqu’à ce qu’il eut l’idée de les rapprocher, amusé par l’opposition qui existait entres elles.
En effet, un ” Sgt Pepper “, avec tous l’esprit militaire que cela représente, est difficilement associable à la notion de ” cur solitaire “…
Paul : ” Je me suis dit : ” Bon, on a ce Sergeant Pepper, il a appris à ses musiciens à jouer, et ils sont arrivés à jouer un morceau ensemble. Dune certaine façon, c’est une fanfare, mais c’est aussi un groupe de rock parce qu’ils sont imprégnés du mouvement hippy de San Francisco “. C’est comme ça que tout est venu, dans notre volonté de produire du pur spectacle “.
C’est donc de ce concept que découle l’intégralité de l’album.
Il est amusant de noter que le premier titre de l’album était ” One down, six to go ” (un de moins, il en reste six), clin d’il au lien contractuel les unissant avec EMI.
A l’origine, ” Sgt Pepper ” devait s’organiser autour de l’enfance Liverpudlienne des Beatles. La sortie prématurée de ” Strawberry Filds Forever ” et de ” Penny Lane ” en 45 T avait mis à mal ce projet.
Une fois le concept du ” Sgt Pepper ” trouvé, il ne restait plus qu’à écrire les chansons autour de ce thème, et de l’organiser comme un ” opéra rock “…mais difficile de se restreindre à un seul thème alors que les Beatles débordent d’idées…
Les citations
- George Martin : L’idée a mûri progressivement. A la base, c’était une idée de Paul : il était arrivé en disant qu’il avait la chanson ” Sgt Pepper’s lonely hearts club band ” et qu’il l’identifiait au groupe, aux Beatles eux-mêmes […] L’idée est venu d’en faire un concept pour l’album
- Paul McCartney : On serait le groupe de Sgt Pepper et tout au long de l’album on ferait semblant d’être quelqu’un d’autre
- Ringo Starr : Il a toujours été prévu que l’album commencerait par « Sgt Pepper ». En écoutant les deux premiers titres on peut se rendre compte que ça devait être un album spectacle. C’était Sgt Pepper et son lonely hearts club band avec un tas d’autres attractions, et ça devait se dérouler comme un opéra-rock. On a commencé avec le sentiment que ça allait être quelque chose de totalement différent, mais on a pas été plus loin que « Sgt ¨Pepper » et Billy Shears. Là on s’est dit : ” Et merde ! ça fait que deux chansons. ” Le titre est resté ainsi que le sentiment que tout est relié, bien qu’en fin de compte on n’ait pas vraiment relié toutes les chansons
- John Lennon : On dit que Sgt Pepper est le premier concept-album, mais ça ne tient pas la route. Aucune de mes contributions à l’album n’a quoi que ce soit à voir avec l’idée du Sgt Pepper et son groupe
- George Harrison : Je croyais qu’on était en studio simplement pour faire le prochain disque, mais Paul suivait son idée d’un groupe fictif. Cet aspect là ne m’a pas vraiment intéressé, à part la chanson titre et la pochette de l’album
- Ringo Starr : Sgt Pepper a été notre tentative la plus grandiose
- George Martin : J’ai initié les Beatles à de nouveaux sons et à de nouvelles idées, mais quand Sgt Pepper est arrivé ils ont exigé tout l’arsenal. Quoi que je puisse trouver, il était preneur
- Ringo Starr : Au moment de Sgt Pepper, George Martin était vraiment devenu partie intégrante de l’ensemble
- Ringo Starr : John, Paul et George mettaient tout ce qui leur passait leur tête sur les pistes, et on passait beaucoup de temps en studio
- George Harrison : Ca devenait difficile pour moi parce que je n’étais pas réellement dedans. Jusque-là on avait plus enregistré comme un groupe, on apprenait les chansons, et on les jouait. Sgt Pepper a été le seul album où les choses se sont passées un peu différemment. Bien souvent ça se terminait avec Paul seul au piano et Ringo gardant le tempo, ce qui ne permettait plus trop de fonctionner comme un groupe . C’était devenu un processus d’assemblage, et je trouvais ça un peu lassant et ennuyeux […] globalement je n’ai pas aimé faire cet album
La pochette du disque
Les détails
Le grand public avait gardé en mémoire, bien avant que les Beatles ne s’enferment dans les studios Londoniens, l’image des Fab Four adolescents sur la pochette de ” Rubber Soul ” (aux regards perdus et fatigués…se demandant presque ce qu’ils font là…) et le dessin très sobre (noir et blanc) de celle de ” Revolver “.
En ce 1er Juin 1967, débarque chez tous les disquaires un 33T haut en couleurs, très ” flash “, reflet parfait, comme un miroir, de la période psychédélique en cours. Presque une Photographie de l’époque, aux allures d’un portrait de famille derrière un parterre de fleurs. Mais surtout, le public découvre au premier plans 4 hommes bizarrement vêtu, tous moustachus…et possédant tous une coupe de cheveux personnalisée (permettant de les reconnaître plus facilement).
Bref, 4 entités très distinctes désormais…On s’aperçoit d’ailleurs à leurs côtés sur la pochette, leurs statues de cire, les représentant en pleine période de la Beatlemania…la comparaison et la métamorphose sont incroyables…et pourtant, ce n’était qu’il y a quelques mois…seulement…déjà !
La pochette ne manqua pas d’étonner, de surprendre, car c’était la première véritablement travaillée de l’histoire, et qui était élaborée autour d’un concept : celui de l’album…le ” Sgt Pepper ” de Paul.
Paul : ” J’ai eu l’idée du titre, et je suis allé voir Robert Fraser (gérant d’une galerie d’art) avec des croquis pour un projet de pochette “.
Robert Fraser : ” Paul m’a demandé si je connaissais quelqu’un susceptible de concrétiser cette idée. Je lui ai proposé de le mettre en contact avec Peter Blake, ainsi qu’avec Michael Cooper “.
Le cliché sera réalisé au studio de Michael Cooper situé près de King’s Road à Londres. Cooper est un ancien Photographe du magazine ” Vogue “, et un proche des Rolling Stones.
Le designer du futur label Apple des Beatles, Gene Mahon, fut chargé de réaliser les maquettes de la pochette. C’est lui qui eu l’idée de mettre en application le vers ” A splendid time is garanted for all “.
Peter Blake : ” Nous avons eu un premier entretien avec les Beatles, Robert Fraser et Brian Epstein. Les étapes suivantes se sont passées uniquement avec Paul, chez lui. De temps en temps John était également là “.
Lors de ces débats, le concept de Paul s’imposa assez naturellement.
Paul : ” L’idée de départ devait évoquer une sorte de remise de prix par un maire. Un truc du nord de l’Angleterre […] Sur un mur derrière nous , il devait y avoir toutes les personnes que les membres du groupe considéraient comme des héros “.
Dès lors, les Beatles commencèrent à établir leur liste personnelle des personnes qu’ils souhaitaient voir apparaître sur la pochette.
LES HÉROS DES BEATLES …
Des noms évidents furent parmi les premiers cités, tel que Marlon Brando, Brigitte Bardot, , James Dean, Marilyn Monroe…
Lennon y ajouta Oscar Wilde, Lewis Caroll, et Edgar Alan Poe (qui apparaît aussi dans ” I am the Walrus “). Pour McCartney, il s’agissait plus de personnes appartenant au mouvement avant gardiste. Harrison opta pour quelques gourous Indiens, ainsi que pour son ami Bob Dylan. Ringo trouva lui de son côté, que les noms proposés par les autres lui convenaient très bien, et n’en rajouta pas …
Figurent également sur la pochette des personnalités comme : Johnny Weismuller, Aldous Huxley, Dylan Thoma, Fred Astaire, le docteur Livingstone, Karl Marx, Laurel et Hardy, Marlene Dietrich, Lawrence d’Arabie, ainsi que Stuart Sutcliffe…la liste est longue !
LES BANNIS…
Quelques personnages furent enlevés au dernier moment de la pochette. En effet, George avait proposé Gandhi, mais le directeur d’EMI s’y est opposé. Selon lui, les Indiens interdiraient le commerce du disque à cause de sa présence…
Mais comme d’habitude, la réelle provocation est venu du côté de Lennon
Paul : ” Jésus et Hitler se trouvaient sur la liste de John, mais on a fini par les enlever. C’était du John tout pur ! Mais il était bien évident qu’on ne pouvait pas montrer Hitler, on l’a donc supprimé […] Un certain nombre de vedettes ont pris la porte de sortie… “.
Il allait de soi que Jésus ne pouvait figurer sur la photo, car les esprits commençaient à peine à se calmer après le ” Nous sommes plus célèbres que Jésus ” lancé par John seulement quelques mois auparavant. Une ” seconde couche ” sur la même thème de la part de Lennon n’aurait pas manqué de remettre le feu aux poudres…
L’idée des silhouettes découpées de personnalités provient de Peter Blake, cela remplaça le projet de faire venir de vrai personnes…
Les célèbres uniformes porté par les Beatles proviennent d’un magasin spécialisé en costume de théâtre et de cinéma.
La préparation du studio nécessita pas moins de deux semaines de travail avant de pouvoir convier les Beatles à une séance photo de 3h le 30 Mars 1967.
Robert Fraser : ” Chacun a mis la main à la pâte, les Beatles , tout le monde…et c’est devenu une sorte de collaboration “.
Pour l’anecdote, la plupart des objets figurant sur la pochette sont des objets appartenant personnellement aux Beatles. A noter également que la pochette à énormément contribuée à alimenter la fausse rumeur sur la mort de Paul, car elle regorge d’indices pour les personnes soutenant cette thèse (cf dossier ” Paul est mort “).
Au final, cette pochette consacrant les vues de McCartney et ses choix artistiques pour l’album, ainsi que sa nouvelle prédominance au sein du groupe, fut une véritable révolution dans sa conception. Au grand dame d’EMI, elle fut également la plus chère de l’époque. Elle coûta pas moins de 1500£ (honoraires versés à Fraser), alors que le coût normal à l’époque avoisinait les…25£
Le Who’s Who
- Sri Yukteswar Gigi
- Aleister Crowley
- Mae West
- Lenny Bruce
- Karlheinz Stockhausen
- W.C. Fields
- Carl Gustav Jung
- Edgar Allen Poe
- Fred Astaire
- Richard Merkin
- The Varga Girl
- *Leo Gorcey
- Huntz Hall
- Simon Rodia
- Bob Dylan
- Aubrey Beardsley
- Sir Robert Peel
- Aldous Huxley
- Dylan Thomas
- Terry Southern
- Dion (di Mucci)
- Tony Curtiss
- Wallace Berman
- Tommy Handley
- Marilyn Monroe
- William Burroughs
- Sri Mahavatara Babaji
- Stan Laurel
- Richard Lindner
- Oliver Hardy
- Karl Marx
- H.G. Wells
- Sri Paramahansa Yogananda
- Anonymous
- Stuart Sutcliffe
- Anonymous
- Max Miller
- The Pretty Girl
- Marlon Brando
- Tom Mix
- Oscar Wilde
- Tyrone Power
- Larry Bell
- Dr. David Livingston
- Johnny Weissmuller
- Stephen Crane
- Issy Bonn
- George Bernard Shaw
- H.C. Westermann
- Albert Stubbins
- Sri lahiri Mahasaya
- Lewis Carrol
- T.E. Lawrence
- Sonny Liston
- The Pretty Girl
- Wax model of George Harrison
- Wax model of John Lennon
- Shirley Temple
- Wax model of Ringo Starr
- Wax model of Paul McCartney
- Albert Einstein
- John Lennnon
- Ringo Starr
- Paul McCartney
- George Harrison
- Bobby Breen
- Marlene Dietrich
- Mohandas Ghandi
- Legionaire from the order of the Buffalos
- Diana Dors
- Shirley Temple
- Cloth grandmother-figure by Jann Haworth
- Cloth figure of Shirley Temple by Haworth
- Mexican candlestick
- Television set
- Stone figure of Girl
- Stone figure
- Statue from John Lennon’s house
- Trophy
- Four-armed Indian Doll
- Drum skin, designed by Joe Ephgrave
- Hookah
- Velvet snake
- Japanese stone figure
- Stone figure of Snow White
- Garden gnome
- Tuba
Les innovations
La pochette de « Pepper », outre sa magnifique photo de couverture, est en soi assez intéressante.
D’une part, elle se présente comme une double pochette, assez rare à l’époque, permettant une illustration centrale. Cette illustration avait à l’origine était confiée à trois artistes Hollandais (le groupe « The Fool »), qui avaient déjà travaillé pour des affiches du Saville théâtre de Brian Epstein. Les Beatles apprécièrent le travail très psychédélique qui leur fut remis, mais Robert Fraser, pas totalement satisfait de l’aboutissement du projet, insista pour le laisser de côté. C’est à son initiative que fut utilisé sur les deux faces internes de la pochette la photo que tout le monde connaît, extraite de la séance photo dirigé par Michael Cooper.
On remarque également, et c’est l’aspect le plus important , la présence des paroles des chansons au dos de la pochette. C’est tout simplement la première fois que les paroles figuraient sur un disque, et c’est les Beatles qui l’avaient souhaité…l’idée fut largement reprise par la suite, jusqu’à devenir une simple banalité aujourd’hui…un véritable succès !
On peut également remarquer la présence dans le 33 T original (repris sur la re-édition du disque pour le 25eme anniversaire) d’une page cartonnée prête à découper, reprenant les caractéristiques du Sgt Pepper .
Ce « cadeau » au sein de la pochette fut une fois de plus l’idée de McCartney, même si le résultat final était loin d’être l’idée première qu’il avait suggérée.
En effet, Paul avait souhaité, auprès d’EMI que le disque soit accompagné (pour le même prix) de friandises et de jouets en plastique…
Cette idée marketing fut bien sur rejeté car irréalisable …tout comme l’idée suivante, qui consistait à agrémenter la pochette d’autocollants, ainsi que d’un bon d’achat chez « Woolworth »…
Mais EMI garda le concept en rajoutant la page cartonnée…
Paul : ” Je me suis même battu avec EMI pour l’épaisseur du carton de la couverture ! “
Le rôle de chacun des Beatles
John Lennon
Véritable leader des Beatles jusque là, en étant presque le membre fondateur, son rôle diminua clairement durant les sessions de ” Pepper “. Il signe moins de morceau qu’à l’accoutumé…Il partage à moitié les vues de Paul sur la conception d’un album en studio, préférant de son côté des chansons plus rock et plus spontanées que les chansons produites et travaillées jusqu’aux moindres détails.
Dès cette époque, John aurait préféré quitter le groupe…mais ne sachant pas réellement quoi faire d’autre, il se contenta de rester…
Sous l’emprise complète des effets (dévastateurs) du LSD, il essaie en partie de se détruire…tout en essayant de se découvrir lui-même : une période de transition en quelque sorte…
Ringo Starr
N’étant pas compositeur, son rôle n’est forcément pas prédominant dans la conception du disque.
Il arrive tout de même à développer un jeu de batterie plus qu’intéressant tout au long des plages de l’album.
Ringo : ” Ce qui me reste de Pepper ? C’est que j’ai appris à jouer aux échecs pendant les pauses ! “.
Paul McCartney
Avec “Sgt Pepper”, Paul devient le véritable leader et le moteur artistique du groupe. Il compose la plus grande partie des chansons, il est à la base de chacun des arrangements de chaque mesure du disque…et par dessus tout, il n’est désormais bassiste que de nom, tant il touche à tous les instruments possibles…
Mais c’est également lui qui est à la base du concept de l’album, tout comme l’idée de la pochette sur laquelle il fit travailler ses amis…
Avant d’être le disque d’un groupe, ” Pepper ” est le disque de Mc Cartney…tout simplement incontournable dans chacune des phases de réalisation du 33 T !
George Harrison
George avait réussi à s’imposer comme un réel compositeur au sein du groupe en plaçant 3 titres sur ” Revolver ” . Sur ” Pepper “, il place un titre (” Whitin you, without you “) qui est son deuxième morceau basé sur du sitar.
Néanmoins, entre la domination quasi-totale de Paul en studio, et les éclairs de génie de John, il lui fut difficile de trouver une véritable place forte dans la réalisation du disque…d’autant que son esprit est plus que jamais déjà tourné vers l’Inde.
Yoko Ono
Elle ne joue bien sur aucun rôle dans la conception de ” Pepper “…du moins, pas celui qu’elle aura quelques mois plus tard, mais il est tout de même intéressant de savoir que John la rencontra pour la première fois juste avant le début des sessions de ” Pepper “. C’était au moment où il travaillait sur les ébauches de ” Strawberry Fields “, et la rencontre se fit dans une galerie d’art de Londres le 9 Novembre 1967…dont l’exposition était indirectement parrainé par Paul…
George Martin
C’est véritablement durant les séances de ” Pepper ” que George Martin va gagner son surnom de 5eme Beatles. Il est incontournable, et arrive à répondre aux demandes, parfois bizarres, des Beatles en matière de production et de recherche de son particulier…en un mot d’expérimentation, pour ce personnage issu du milieu plutôt classique. Il dirige de main de maître toutes les orchestrations, des cordes présentes sur ” Strawberry Fields Forever “, jusqu’à la montée psychédélique si célébre (et non conventionnelle) de ” A day in the life “…
On pourrait presque considérer que sur ” Sgt Pepper “, le duo Mc Cartney – Martin a remplacé le duo Lennon – Mc Cartney …
IL faut aussi indiquer que George Martin a était épaulé dans sa tache par Geoff Emerick (ingénieur du son), qui était plus jeune et plus enthousiaste à chacune des nouvelles idées des Beatles, ainsi que par Mal Evans (ancien roadie des Beatles).
Brian Epstein
Lui qui était si important dans le lancement de la carrière des Fab Four s’est retrouvé totalement écarté (par sa faute ou non ?) aux abords de 1967.
Jusqu’à cette période, il avait encore une emprise assez forte sur les ” Boys ” et sur les choix de leur carrière (tournées, promotions,…). Mais avec l’arrêt des tournées, son rôle s’est vu fortement diminué, tout comme l’importance de ses opinions et de ses avis…
C’est chez lui que se déroula la présentation de l’album à la presse (19 Mai 1967), mais il ne connaîtra jamais les répercussions de l’album sur la musique du XXeme siècle, car il décédera quelques mois plus tard (27 Août 1967)…
Linda Eastman
Là non plus, pas un rôle important, mais il faut signaler que Linda et Paul se sont réellement rencontré lors de la présentation de l’album chez Brian (19 Mai 1967).
Le tandem Lennon-McCartney
L’époque où John et Paul composaient leur chanson tous les deux en parfaite harmonie est déjà révolue depuis bien longtemps.
Cependant, ils se complètent toujours autant, ce qui permet quelques ” coups de mains ” quand l’un des deux a du mal à terminer une composition. Il est même à noter que ce fabuleux duo de compositeur va se manifester tout particulièrement une fois, afin de terminer l’album en apothéose sur le titre ” a day in the life “…
L’après Segeant Pepper’s…
Quelques jours avant la présentation officielle du 33 T à la presse, la radio libre Radio London était la première a diffuser l’intégralité de l’album. A l’origine, l’ordre des pistes (sur la face A) était prévu de manière différente : Sgt Pepper – With a little help from my friends – Being for the benefit of Mr Kite ! – Only a Northern Song (écartée de l’album) – Fixing a hole – Lucy in the sky with diamonds – Getting better – She’s leaving home.
Le 1er Juin 1967, les Beatles revenaient enfin dans les bacs après une longue absence (ponctuée néanmoins par la sortie de la compilation ” The Beatles Oldies but Goldies ” à la fin de l’année 1966).
Les Beatles auraient pu s’arrêter là pour cette année 67. Au contraire, la veine créatrice est trop forte, les génies sont au summum de leur créativité, et seulement 25 jours après la sortie officielle de l’album, une nouvelle chanson inédite est offerte au public : All you need is love. Un des singles les plus connus du groupe, uvre de Lennon, qui est interprétée en direct à la télévision devant plus de 200 millions de téléspectateurs pour la retransmission de « Our World », première émission télé retransmise par satellite. Les Beatles sont les représentants de l’Angleterre mais ils défendent un thème universel…
Mais plus impressionnant encore, avant même la parution de « Pepper », les Fab Four, dans la lignée directe des sessions d’enregistrements de l’album, avaient commencé à mettre en boite les chansons qui serviraient de bande son au film « Magical Mystery Tour », idée originale de Paul, qui sortirait avant la fin de l’année. Ce mini LP allait contenir quelques unes des plus grande chansons du groupe comme ” I am the Walrus « , » Magical Mystery Tour « et » The Fool on the Hill “, avant d’enchaîner sur leur voyage en Inde et la gestation du « double blanc »…
Aujourd’hui, que reste t’il de Pepper ? 35 ans après sa sortie, il est toujours considéré comme l’album ayant eu le plus d’importance et le plus d’influence pour les générations qui allaient suivre. Plus qu’un album, c’est désormais un mythe, auquel les plus grands rendent encore hommage régulièrement, le premier avait été Jimi Hendrix, seulement 3 jours après la sortie officielle. Mais c’est encore Phil Collins qui résume le mieux pourquoi cet album est incontournable ” Avec Sgt Pepper, les Beatles ont ouvert une porte qui donnait sur d’autres horizons. On a pensé, si eux l’ont fait, pourquoi pas nous ? “.
Il est tout de même certain qu’aujourd’hui, « Sgt Pepper » est l’album des Beatles qui a le moins bien vieilli, peut être trop marqué par cette couleur psychédélique et ce symbolisme du ” summer of love “…Qu’importe, il reste incontournable, les chiffres sont impressionnants, tout comme ses différents records…Au début de ce nouveau millénaire « Pepper » reste un des meilleurs jamais fait musicalement, et est relativement indémodable, car de nos jours, les personnes ne possédants qu’un seul disque des Fab possèdent celui-là…
Il y a 35 ans de cela, Sgt Pepper a révolutionné notre monde musical…
L’album de tous les reccords
- 105 : le nombre d’heures pour enregistrer les 2 chansons du single de Liverpool.
- 5 : le nombre de mois plein passés en studios pour enregistrer l’album complet.
- 700 : nombre d’heures pour enregistrer l’album.
- 25000 £ : le prix que coûta l’album.
- 1500 £ : prix de la pochette.
- 15 : le nombre de semaines N° 1 dans les charts Américains.
- 121 : nombre de semaines consécutives de présences (environ 2ans) dans le Billboard (il continue encore régulièrement à réapparaître dans les hits parades du monde entier aujourd’hui, 35ans après sa sortie…).
- 2 500 000 : nombre d’exemplaires de l’album vendus en seulement 3 mois en 1967 uniquement aux Etats-Unis .
- 500 000 : nombre d’exemplaires écoulés en un seul mois en Angleterre lors de sa sortie.
- 3 000 000 : nombre d’exemplaires du 45 T ” All You Need Is Love ” vendus dans les semaines qui ont suivis sa parution.
- 200 000 000 : le nombre de téléspectateurs qui assistent en direct à la retransmission live de ” All You Need Is Love ” le 25 Juin 1967 pour la première émission diffusée par satellite.
Tableau d’honneur :
- Grammy Award du meilleur album.
- Prix du meilleur album contemporain.
- Meilleure couverture.
- Meilleure prise de son (décernée à Geoff Emerick)
- Titre de meilleur album Anglais pour la période 1952-1977 décerné par l’industrie phonographique Anglaise en 1977.
- Le 1er juin 1987, prix remis pour les 30 millions d’exemplaires vendus de l’album.
Paul McCartney raconte Sgt Pepper’s
Au travers ce dossier, notre ami MeeK, artiste pop solo nous propose de découvrir tous les secrets de lécriture et de lenregistrement du disque chef doeuvre « Sgt Peppers Lonely hearts Club Band », tels que les a raconté Paul McCartney à Barry Miles pour son livre « Many Years From Now ».
[En septembre, octobre et novembre 1966, Paul McCartney prit de très longues vacances et partit en France, puis aux USA et enfin en Afrique, accompagné de lassistant/road manager des Beatles Mal Evans.] Paul et Mal Evans firent un agréable safari au Kenya, visitant le Parc Ambosali au pied du Kilimanjaro et dormant au très select Treetops Hotel, où les chambres sont construites dans les branches dun très vieil arbre. Ils passèrent leur dernière nuit en Afrique dans un YMCA de Nairobi avant de rentrer sur Londres le 19 novembre 1966. Cest sur ce vol que Paul eut lidée du Sergeant Peppers Lonely Hearts Club Band. Cétait un très long vol mais au lieu de sendormir, Paul resta éveillé, écrivant et jonglant avec quelques idées. La liberté quil avait éprouvée en se promenant en France sous un lourd déguisement au début des vacances lui avait donné lidée de créer une nouvelle identité aux Beatles : en cessant de nêtre que les Fab Four, ils pourraient essayer de nouvelles choses et montrer aux fans quils avaient mûri.
PAUL : on en avait assez dêtre les Beatles. On détestait cette approche stupide des « quatre jeunes garçons dans le vent avec des cheveux longs ». Nous nétions plus des garçons, nous étions des hommes ; cétait fini tout ça, ces garçons, ces cris, on nen voulait plus. En plus à ce moment-là, on avait été initié à lherbe et on se considérait comme des « artistes » et plus seulement comme des « performers ». Cétait devenu quelque chose dun peu plus élevé. Non seulement John et moi écrivions, mais George écrivait aussi, on avait fait des films, John avait écrit des livres, alors il était naturel que nous devenions des « artistes ». Et puis soudain dans lavion jai eu cette idée : cessons dêtre nous-mêmes ! Inventons-nous un groupe alter ego, comme ça on naura plus à projeter une image quon connaît déjà. Il y aurait beaucoup plus de liberté. Ce qui serait vraiment intéressant serait carrément de revêtir lapparence de cet autre groupe, et que chacun dentre nous en incarne un membre. Dès lors, on pourrait se dire « Comment lautre chanterait-il cette chanson ? Peut-être aurait-il une approche un peu plus sarcastique ». Offrir aux Beatles des alter ego, pour avoir un nouvel angle ; ainsi quand John ou moi allions devoir chanter tel ou tel titre, on pouvait se dire quil ne sagissait pas de John et de Paul mais des membres de cet autre groupe imaginaire. Ce serait un élément désinhibant, libérateur. Je pensais que nous pouvions maintenir le parti pris pour tout lalbum : ce ne serait pas les Beatles qui seraient à lorigine de tous ces sons, mais eux, cet autre groupe dans lequel nous pourrions perdre nos identités.
La première chose dont Paul avait besoin pour cet autre groupe imaginaire était un nom. Cétait alors la grande époque des groupes aux noms excentriques : the Nitty Gritty Dirt Band, Country Joe and The Fish, Lothar and The Hand People, Big Brother and The Holding Company, Quicksilver Messenger Service, the Bonzo Dog Doo-Dah Band. En ce qui concerne lextravagance, les précédents nétaient pas difficiles à trouver.
PAUL : Mal et moi avons eu pas mal de discussions à propos de cette rumeur qui disait que cétait lui qui avait trouvé le nom « Sergeant Pepper (Sergent Poivre) », mais je crois quil est beaucoup plus probable que ce soit moi qui lui ai dit « trouve-moi des noms ». On prenait notre repas et il y avait ces petits sachets qui portaient les inscriptions « S » et « P ». Mal a demandé « Ca veut dire quoi ?… Ah oui Salt and pepper (sel et poivre) ». On a plaisanté et moi jai dit « Sergeant Pepper » pour varier un peu la chose, « Sergeant Pepper/salt and pepper », un jeu de mots. Le « Lonely Hearts Club (Club des Coeurs Solitaires) » était aussi une bonne idée. Ces clubs étaient assez répandus à lépoque, les équivalents des agences matrimoniales daujourdhui. Jai accolé les deux trouvailles à la manière de « Dr Hook and The Medicine Show ». Toute la culture des Années 60 faisait référence à ces médecins itinérants gitans, ça faisait écho au siècle passé. Et je me suis mis à extrapoler, bon, « Sgt. Peppers lonely hearts club band »… Cétait assez dingue, je veux dire, pourquoi un Club de Coeurs Solitaires aurait-il un orchestre ? Si ça avait été l« Orchestre de la Légion Britannique du Sergent Pepper », on aurait mieux compris. Mais lidée était dêtre un peu plus original, aussi fou que les autres. Cétait la mode. On adoptait nimporte quel mot qui nous venait à lesprit. Je voulais en mettre une tonne parce que je préférais un titre élégant et ouvragé à un titre purement commercial. Les gens allaient certainement se dire « mais de quoi ils causent ? ». On avait eu des titres à jeux de mots (Rubber Soul, Revolver), alors cétait aussi pour séloigner de tout ça.
De retour à Londres, Paul fit part de son idée aux autres Beatles. PAUL : ils furent dabord un peu stupéfaits je crois, puis ils ont dit « Ouais, ça va être génial ». Je nai pas eu à Ramer pour leur vendre lidée. Tout le monde était sur le coup. Cétait une direction pour un album. Javais le nom, alors je me suis dit « Bon, trouvons maintenant des rôles pour ces gens, trouvons-leur même des costumes pour la pochette, quils choisissent ce quils veulent ». On nest pas allé jusquà leur donner des noms individuels, mais je voulais que ce groupe ait un passé derrière lui, un « background », et une foule de gens à ses côtés sur la photo. Alors jai demandé aux autres décrire sur une feuille le nom de leurs idoles, de tous les gens quils adoraient. Ca a donné de drôles de listes, avec des footballeurs, Dixie Dean un vieux joueur dEverton, Billy Liddle de Liverpool, le genre de noms dont on entendait nos parents parler ; nous ne connaissions pas vraiment Dixie Dean, nous. Et puis aussi des héros comme Albert Einstein et Aldous Huxley, des auteurs que javais achetés à lIndica Bookshop comme William Burroughs, et bien sûr John, toujours rebelle, a voulu mettre Hitler et Jésus, ce que EMI a refusé, mais cétait très John. Je crois quil faisait ça par goût de la provocation. Jai dabord pensé simplement faire une photo où le groupe serait assis dans un salon entouré des portraits de Marlon Brando, James Dean, Einstein et tout le monde. On commençait à avoir de grosses listes de noms de gens à caser, et je nous ai imaginés dans un jardin public quelque part dans le Nord, un endroit qui ferait très « parc municipal », très « public ». Jaime beaucoup ce côté provincial du Nord, ce que nous étions, nous venions de là. Javais une image dans la tête : nous étions dans ce parc et devant nous se tenait un grand arrangement floral en forme dhorloge, ce qui se faisait dans tous ces jardins publics comme Harrogate, tous ces parcs avaient à lépoque leur horloge florale. On sasseyait tout autour pour échanger des commentaires, « Pourquoi font-ils des pendules en fleurs ? », très conceptuel, ça ne bouge jamais, ça ne fait que pousser, le temps est donc non-existant mais lhorloge, elle, pousse, « Wooah ! Lhorloge en fleurs immobile ! »… La seconde étape de lidée était de nous faire entrer dans nos nouvelles identités, dans ces costumes, et de nous Photographier en train de recevoir les Clefs de la Ville ou une coupe en grandes pompes des mains du Maire, et jimaginais une ville là-bas en haut dans le Nord, avec tout le monde sur une petite estrade, les notables tout autour et le groupe, avec au premier plan, par terre, un arrangement floral en forme dhorloge. On adorait toujours semparer de ces petits faits ordinaires quon trouve dans la vie de la classe ouvrière du Nord, comme lhorloge, puis les mystifier, leur donner du glamour, les rendre un peu magiques et universels. Probablement leffet du joint ! Alors limage nous montrerait très en représentation, très victoriens. Lorsque Peter Blake (Ndt : artiste plastique du mouvement Pop Art) fut impliqué dans le projet, lidée du portrait se développa. On avait une très longue liste de héros : peut-être pouvaient-ils tous être dans la foule qui nous entoure lors de la cérémonie !
John écrivit « Strawberry Fields Forever » à Almeria, en Espagne, pendant quil tournait le film How I Won The War sous la direction de Richard Lester. Cest une chanson sur les Souvenirs, qui évoque un centre de lArmée du Salut qui se trouvait près de chez lui à Liverpool. PAUL : on décrit souvent Strawberry Fields comme un endroit sombre et gris à côté de chez lui que John imaginait en endroit magnifique, mais lété venu, ce nétait ni sombre ni gris, cétait un véritable jardin secret. Le Souvenir de John nétait pas rattaché au fait quil sagissait dune maison de lArmée du Salut, ça cétait plus loin, du côte du bâtiment. Mais juste après un mur que lon pouvait escalader, il y avait un jardin sauvage, pas franchement entretenu, dans lequel il était facile de se cacher. Le coin où John allait ressemblait au jardin secret de « The Lion, The Witch and The Wardrobe » et il y pensait de cette façon, cétait un petit refuge dans lequel il pouvait se cacher pour fumer, rêvasser un peu ; cétait une fuite pour John cet endroit, une échappatoire. Peut-être inspiré par la nostalgie de John, Paul écrivit « Penny Lane » : PAUL : je crois que nous les avons écrites à peu près en même temps, on se répondait souvent par chansons interposées, alors il est bien possible que celle-ci soit ma chanson nostalgique à moi, je ne men souviens plus très bien. Cétait un Souvenir denfance, il y avait un arrêt dautobus qui sappelait Penny Lane à Liverpool. Il y avait un coiffeur qui sappelait Biolettis avec les photos des coupes que vous pouviez choisir dans sa vitrine, je me suis servi de cet élément, que jai un peu poétisé pour quon pense quen fait il avait transformé son salon de coiffure en exposition de Photographies. Tout était basé sur des choses qui existaient vraiment ; il y avait une banque à langle, alors jai imaginé le banquier, lui je lai inventé, avec ses petites manies bizarres, et les petits gamins qui se moquent de lui dans la pluie qui tombe drue. La caserne des pompiers était une licence poétique ; il existe bien une caserne, mais elle est à presque un kilomètre de Penny Lane ; on avait besoin dun troisième couplet alors on a pris ça, et jadorais la phrase « Its a Clean Machine/cest un engin bien propre ». Je laime toujours cette phrase, parfois avec de la chance vous trouvez une petite phrase qui devient plus que ça. Donc la banque, le coiffeur et la caserne des pompiers étaient de vrais endroits.
Il existe aussi et effectivement à Penny Lane un « shelter in the middle of the roundabout/un abri au milieu du grand rond-point » sur la Smithdown Place, que les locaux appellent le rond-point de Penny Lane, et où Church Road rejoint Smithdown Road. Lendroit est à présent un café, mais à lépoque cétait un point de rencontre et un abri pour attendre le bus. PAUL : John et moi nous donnions souvent rendez-vous à Penny Lane. On y trouvait chaque année quelquun qui y vendait des coquelicots pour la fête de la Légion Britannique ; John et moi donnions notre pièce et on repartait, chacun avec son coquelicot. Cétait un Souvenir. Dans la chanson, cest devenu « the nurse selling poppies from a tray/linfirmière qui vend des coquelicots sur un plateau », encore lun de nos fantasmes, et au lieu de comprendre « poppies/coquelicots », les Américains comprenaient « puppies/petits chiens » ! Encore une image intéressante. Et puis je chantais dans la chorale de léglise den face qui sappelait St Barnabas, alors il y avait dans tout ça beaucoup de choses qui me concernaient. Quand je lai écrite, John est venu maider à en écrire le troisième couplet, comme souvent. Il sagissait de Souvenirs denfance : des Souvenirs récents dil y avait huit ou dix ans, cétait donc une nostalgie toute neuve, des Souvenirs agréables pour tous les deux. Tous les endroits existaient encore, on se souvenait de tout très clairement, on aurait pu continuer la liste longtemps. Au coin de Smithdown Place, à côté de la banque, se trouvait la boutique et latelier du Photographe Albert Marrion, qui prit les premiers portraits officiels des Beatles, Brian Epstein layant choisi parce quil avait fait les photos du mariage de son frère Clive Epstein. La vitrine montrait des portraits plutôt formels et sérieux, dont un était artistiquement posé sur un chevalet. PAUL : souvent je marrêtais devant le magasin dAlbert Marrion, qui faisait de la Photographie haut de gamme et des photos de mariages ; il nous a un jour Photographiés alors on aurait très bien pu écrire un quatrième couplet sur un Photographe, mais la chanson était finie, plus besoin dautres personnages. Penny Lane était un endroit rempli de personnages et de caractère, un excellent matériau pour lécriture.
Paul écrivit « Penny Lane » dans la salle de musique de Cavendish Avenue, sur son piano récemment orné dun arc-en-ciel psychédélique peint par David Vaughan. En décembre 1966, à peu près au moment où il lui livrait le piano peint, Vaughan demanda à Paul sil acceptait de participer musicalement à deux soirées intitulées « Carnival Of Lights » que Vaughan et ses deux autres complices, Binder et Edwards, organisaient à la Roundhouse. Ces soirées sinscrivaient dans le cadre de leur démarche qui visait à faire se rencontrer lArt et la collectivité, dans ce cas précis par la présentation dun spectacle visuel mêlant de la musique expérimentale et des films. David Vaughan : « jai demandé à Paul de le faire et je pensais quil en ferait plus que ça, je trouvais que cétait une bonne voie pour lui, artistiquement. Mon problème, cest que quand je demande un service à quelquun, jimagine toujours que la personne va tout lâcher pour faire ce que je lui demande, joublie que les gens ont des choses à faire de leur côté ». Ce qui peut paraître étonnant, cest que Paul ait accepté la commande au beau milieu des séances pour Sgt. Pepper. Ainsi donc, le 5 janvier, juste après avoir enregistré les voix de « Penny Lane », les Beatles, sous la direction de Paul, se défoulèrent à Abbey Road, produisant une bande expérimentale dun peu moins de quatorze minutes. Lenregistrement na pas de rythme, bien que les percussions et le martèlement du piano se rapprochent à certains moments dune rythmique. Il ne contient pas de mélodie, bien que de vagues structures harmoniques menacent dapparaître çà et là. On y entend les Beatles produisant des sons au hasard, bien quils sy répondent de temps en temps par instruments interposés, un motif de percussion répond par exemple à une brusque envolée de lorgue. La piste principale fut enregistrée à vitesse rapide, ainsi à lécoute en vitesse normale la batterie sonne très profonde et lorgue a les basses des grandes orgues de cathédrale. On entend beaucoup décho partout, et il est souvent difficile de discerner une cymbale accélérée dune cloche tubulaire. Les voix de John et de Paul hurlent dans un écho important, on entend des cris de guerre indiens, des sifflements, des halètements pris de très près, des toussotements et des bribes de conversations dans le studio, le tout se terminant par la voix de Paul qui demande dans de lécho « Peut-on ré-écouter tout ça ? ». Il y a de toute évidence des superpositions sonores sur lenregistrement, des bouffées de larsen à la guitare, du vieil orgue de cinéma muet, des pianos de bar, du larsen électronique assez déplaisant et John qui crie « Electricité ! ». On y entend pas mal de percussions tout le long, doublées elles aussi. La bande fut apparemment mixée dans le souci dun spectre stéréo très large et constitue surtout un exercice de style au niveau des couches et des textures des sons. Le morceau ressemble beaucoup à « The Return Of The Son Of Monster Magnet », plage finale de douze minutes sur lalbum Freak Out ! de Frank Zappa, le rythme en moins, et une musique plus fragmentée, abstraite et sérieuse. Les notes basses à lorgue au début du morceau donnent le ton, lent et contemplatif.
David Vaughan : « cet orgue symbolise exactement la façon dont je voyais Paul à lépoque. Pour moi, cétait un homme du XVIIème siècle, lun de ces brillants compositeurs totalement dingues qui se serait réincarné dans notre siècle, pour samuser avec la technologie moderne. Beaucoup de gens pensaient que Paul McCartney était superficiel. Ce nest pas du tout comme ça que je le percevais moi, au contraire, je le trouvais extrêmement profond. Il y avait chez lui une belle cheminé avec un grand canapé juste devant, il éteignait toutes les lumières et mettait de la musique à fond. Je masseyais juste pour le regarder faire pendant des heures. Je crois que cétait ça sa vraie personnalité, ce côté vraiment profond, sombre… Je me disais »Qui sait ce quil ferait si tous les autres le laissaient un peu tranquille…« . Parce quil avait la faculté dassimiler beaucoup de choses, sans jamais rencontrer de blocage particulier, il pouvait inspirer comme une horreur machiavélique, il faisait froid dans le dos. Lidée de la pochette se faisait plus précise dans lesprit de Paul, alors il écrivit une chanson qui irait bien avec, utilisant de nouveau la vie du Nord de lAngleterre comme thème de départ. PAUL : jai commencé à écrire la chanson… »It was twenty years ago today, Sgt. Pepper taught the band to play…/Cétait il y a tout juste vingt ans aujourdhui, le Sergent Pepper apprenait à jouer à lorchestre« . OK, jentrais donc dans une histoire. Ca parlait de quoi ? De ce mec donc, que jassociais toujours à une fanfare, chose quon adorait tous. Encore un Souvenir de notre région : le Nord. »Sgt. Pepper” était une chanson de Paul, écrite sans aucune ou très peu daide de John. Elle était louverture de lalbum et, en présentant Ringo comme Billy Shears, elle exposait clairement la notion dalter ego ; les Beatles étaient les membres de ce Sgt. Peppers Lonely Hearts Club Band, parti pris quils ne tinrent pourtant pas pour le reste du disque.
« With A Little Help From My Friend » fut écrite sur mesures pour Ringo.
PAUL : elle fut écrite chez John à Weybridge pour Ringo ; on aimait écrire spécialement pour lui et il fallait que ça ne soit pas trop dans notre style à nous. Je crois que cest la meilleure chanson quon lui ait écrite en fait. Il devait être lun des personnages de notre opérette, alors ça lui donnait une bonne carte de visite, où quelle atterrisse dans lalbum. En loccurrence, ce fut la deuxième chanson du disque, une bonne place pour lui, mais partout ailleurs ça lui donnait une bonne introduction. Encore une fois, comme on était en pleine période « joint », on a dû glisser une petite référence : « I get high !/je plane ! ». Ce fut très co-écrit, John et moi nous sommes attelés à la tâche, écrire une chanson pour Ringo était toujours comme un exercice de style. Jai toujours vu ça comme écrire une chanson pour un James Bond. Cétait un défi, quelque chose qui sortait de lordinaire pour John et moi parce quil fallait écrire dans une tonalité différente et être assez second degré. Ringo aimait beaucoup les enfants, il était très à laise avec eux alors on savait quun truc comme « Yellow Submarine » par exemple lui irait comme un gant. Dans ce cas précis, il sagissait de quelque chose dun peu plus mature, ce que jai toujours beaucoup aimé. Je me souviens de mêtre marré avec John quand nous avons écrit le vers « What do you see when you turn out the light ?, I cant tell you but I know its mine/Quest-ce que tu vois quand tu éteins la lumière ?, Je nen sais rien mais je sais que cest à moi ». Ca pouvait être lui en train de jouer avec son zizi sous les couvertures, ou alors on pouvait le comprendre à un niveau un peu plus élevé intellectuellement, ce qui était le bon niveau, mais cétait bien de le dire de façon si légère. Jai toujours aimé ça. « With A Little Help From My Friend » attira lattention de Denny Cordell et de Joe Cocker. Joe était dans les toilettes du fond du jardin de ses parents dans Tasker Road, à Sheffield, lorsquil eut lidée de faire de la chanson une grande valse lente, lyrique, comme un hymne aux idées communautaires des Années 60, à la paix et à la gloire de la Marijuana. Elle devint sa chanson la plus célèbre et son plus gros succès. PAUL : Denny Cordell (Ndt : manager de Cocker) ma téléphoné et ma dit « On adore cette chanson que Ringo chante, mais on a eu lidée de larranger différemment, très bluesy, un peu dingue, en la ralentissant énormément ». Jai dit « Super, essayez et faites-moi écouter ce que ça donne ». Il est venu nous voir dans nos studios Apple à Savile Row, il a passé le disque et cétait fantastique ! Ils avaient donné au morceau un traitement plutôt radical et Joe a vécu sur cette version pendant des années. Puis ça a été repris par John Belushi qui sen servait justement pour son imitation de Cocker et qui en faisait une chose encore plus outrée, alors cette chanson, cest vraiment un bon Souvenir. Cest devenu le générique dune très bonne série américaine sur le fait de grandir dans les Années 60, « The Wonder Years », cest un morceau qui a été beaucoup utilisé, mais au départ donc, cétait juste une chanson quon avait co-écrite pour Ringo.
« Lucy In The Sky With Diamonds » fut lune des chansons de lalbum les plus rapidement enregistrées : un jour pour enregistrer laccompagnement, un jour pour y superposer les voix et quelques instruments supplémentaires, et enfin un troisième jour pour en faire un mixage. Elle fut également lune des plus controversées car lon pouvait trouver dans le titre les initiales « LSD », ce que les Beatles navaient pas remarqué et ce qui valu à la chanson dêtre bannie dun grand nombre de stations de radio dans le monde. Il est certain que la chanson en elle-même parlait de drogue, mais la référence dans les initiales fut involontaire. PAUL : je suis allé chez John à Weybridge. Quand je suis arrivé on a pris une tasse de thé et il ma dit « Regarde ce joli dessin que Julian a fait, tas vu comment il la appelé ? ». Et il me montre un dessin sur une feuille de cahier décole, genre vingt centimètres sur trente centimètres, dune petite fille avec beaucoup détoiles, et en haut sur toute la largeur de la feuille quelquun avait écrit « Lucy in the sky with diamonds » dune belle écriture denfant au crayon je crois. Jai dit « Mais ça veut dire quoi ? », pensant « Putain de titre… ». John ma expliqué « Cest Lucy, lune de ses copines à lécole, et elle est dans le ciel ». Julian avait dessiné des étoiles et puis avait trouvé que ça ressemblait à des diamants. Cétait des étoiles comme en dessinent les enfants, avec deux triangles, mais on pouvait les interpréter comme des diamants. On aimait beaucoup, elle était dans le ciel et on trouvait ça délirant. Alors on est monté et on la écrite. Plus tard les gens ont dit « Lucy In The Sky With Diamonds, ça veut dire LSD ». Je jure quon ne sen est pas rendu compte quand cest sorti ; et en plus, sil faut être pédant, les initiales complètes du titres sont LITSWD, et pas LSD. Mais bien sûr comme ça, lhistoire est moins jolie. Le titre en haut de la feuille avait probablement été écrit par linstitutrice puisque Julian navait que quatre ans à lépoque. Le portrait représentait Lucy ODonnell, une petite fille qui sasseyait à côté de lui sur lun des vieux pupitres décole démodés de la Heath House School, une école maternelle privée de Weybridge.
John a déclaré que limagerie psychédélique lui avait été inspirée par le chapitre « La Laine et lEau » de louvrage de Lewis Carroll « De lAutre Côté Du Miroir » : « …elle saperçut quils se trouvaient sur un petit bateau, voguant entre les berges : elle devait faire de son mieux, rien de moins. » La chanson rappelle aussi lesthétisme chatoyant et langoureux du poème qui clôt le livre :
« Un bateau, sous un ciel ensoleillé, Voguant lentement comme dans un rêve Par une soirée de juillet. »
PAUL : John avait le titre et le premier couplet. Ca commençait très « Alice Au Pays Des Merveilles » : « Picture yourself in a boat on a river…/Imagine-toi dans un bateau sur la rivière… ».Cest très « Alice ». On avait tous les deux lu les livres dAlice et on sy référait tout le temps, on parlait toujours de « Jabberwocky » et on connaissait ces livres-là mieux que nimporte quel autre livre. Quand la mode est devenue psychédélique, le côté mental de ces bouquins coïncidait tout à fait. On est parti sur ça, je me suis assis à côté de lui et je lui ai donné « Cellophane flowers/fleurs de cellophane » et « Newspaper taxis/taxis en papier journal », lui ma répondu par « Kaleidoscope eyes/yeux de kaléidoscope ». Je me souviens de qui a trouvé quoi parce quon se lançait des mots, comme dans une sorte de surenchère créatrice, cétait toujours comme ça… Et dans notre esprit, cétait un truc « à la Alice », quon adorait tous les deux.
Le biographe des Beatles Hunter Davies raconte quil se trouvait avec Paul un jour de printemps 1967 alors que celui-ci promenait son chien Martha dans le parc de Primrose Hill à St Johns Wood, lorsque McCartney sest soudain souvenu de lexpression « Its Getting Better/Cest de mieux en mieux » que Jimmy Nichol utilisait à tout bout de champ. (Nichol était ce batteur qui avait remplacé Ringo souffrant pendant cinq jours lors de leur tournée au Danemark et en Australie en 1964.) Lorsque John arriva pour une séance décriture, Paul avait déjà la musique qui allait avec le titre. Lui ne se souvient pas du moment précis où le titre lui est venu à lesprit..
PAUL : je me souviens juste de lécriture à proprement parler. Les idées sont volatiles, on ne se souvient pas toujours du moment où elles vous sont arrivées, mais je me souviens de lécriture. Mon Souvenir commence au moment où jai plaqué des accords et ai découvert une mélodie, parce que cest ça le moment crucial ; linstant où le mot mest venu nest, lui, pas très important pour moi. Jai écrit « Getting Better » sur mon piano magique signé Binder, Edwards & Vaughan dans mon salon de musique. Ce piano avait une tonalité magnifique, on soulevait le couvercle et on entendait ce son magique, presque un peu faux ; bien sûr la façon dont il était peint ajoutait beaucoup au cachet. Cest une chanson optimiste. Jessais toujours décrire à propos de sujets positifs pour me sentir plus joyeux et aussi parce que je sais que des tas de gens lentendront, je veux les rendre joyeux également. Le passage du « Angry young man/jeune homme en colère » parlait des profs de lycée. John et moi éprouvions une certaine rancoeur envers ces profs qui nous avaient beaucoup punis, ou qui ne nous avaient pas compris, ou qui avaient tout simplement été salauds avec nous. Cétait dirigé contre eux. Cest drôle, je pensais que la mauvaise grammaire quon utilisait parfois nous venait des chansons de Chuck Berry, mais en fait ça sonne plutôt comme de largot jamaïcain. Ici au lieu décrire « I used to be », on a écrit « Me used to be », ça faisait joli. On semparait toujours de ces petites choses, il y en a beaucoup dexemples chez Elvis, « Aint never done no wrong ». A lécole les profs nous auraient dit « Nest-ce pas là une horrible grammaire ? », on aurait répondu « Ouais ! Et cest génial ! ».
Quelques livres racontent à tort que lors de lécriture de « Getting Better », Paul aurait été dans le studio en train de chanter au piano « Its Getting Better all the time/Ca va de mieux en mieux » et que brusquement John serait entré dans la pièce et lui aurait répondu en chantant « Couldnt get much worse/Ca pourrait difficilement être pire ». En fait, Paul et John namenaient que très rarement des chansons inachevées dans le studio ; bien quil leur arrivait parfois dutiliser donéreuses séances de studio pour des répétitions, ils nauraient jamais fait attendre les autres membres du groupe ni léquipe technique pendant queux auraient terminé lécriture dun titre. La légende résulte dune collision entre deux faits séparés : John et Paul en train décrire « Getting Better » à Cavendish Avenue, et lenregistrement bien ultérieur du titre « Ob-La-Di, Ob-La-Da » à Abbey Road. Paul décrit avec délice comment John a trouvé le contrepoint sarcastique alors que les deux écrivaient le texte sur la mélodie à Cavendish Avenue : PAUL : jétais assis en train de faire « Its Getting Better all the time » et John a juste lâché un très laconique « It couldnt get no worse », et jai dit « Oh génial ! », cétait exactement pour ça que jadorais écrire avec lui. Il faisait ça souvent ; sur « Shes Leaving Home » il fait une sorte de choeur grec dans lequel il fait les réponses à ce que je suis en train de chanter. On écrivait aussi comme ça ; javais une chanson toute prête et impeccable, et lui arrivait avec un contrepoint mélodique, ce genre de chose était fréquent chez nous. La partie de lhistoire où John entre brusquement dans le studio se rapporte aux séances pour le Double Album Blanc, lorsque John est arrivé très en retard à Abbey Road alors que Paul était en train de chanter « Ob-La-Di, Ob-La-Da » à la guitare avec les autres. John est entré en courant, sest Jeté sur le clavier du piano en demandant la tonalité du morceau et a enchaîné immédiatement sur lintro martelée de la chanson qui donna à lenregistrement final son énergie particulière. PAUL : cest devenu la chanson, on a tous fait « Ouais continue ! ».
Une autre histoire fréquemment colportée est que « Fixing A Hole » parle dhéroïne. En fait la chanson parle de Marijuana. Comme « Got To Get You Into My Life », Paul décrit cette chanson comme étant « une ode au joint », cette drogue qui le sortait du ronron de la conscience ordinaire et lui donnait la liberté dexplorer mentalement autre chose.
PAUL : le mot « Fixing/réparer » fut plus tard utilisé dans lexpression argotique « Fixing heroin/senvoyer de lhéroïne », mais à cette époque-là je nassociais pas les deux mots, du tout. Je sais que beaucoup de gens qui prenaient de lhéroïne ont pensé que je leur parlais de ça, parce que cest vrai que cest exactement ce que fait un héroïnomane, « Fix in a hole/sinjecter une dose par le petit trou ». Ce nest pas le sens que jai voulu à lorigine. Cette chanson parlait de tous ces pisse-froid qui nous disaient « Arrêtez de rêvasser, ne faîtes pas ci, ne faîtes pas ça ! ». Je pensais que tout ça était faux et quil était temps de faire table rase de ces interdictions. Le sens auquel je pensais était donc plutôt celui du mot « réparation ». Le texte évoquait le désir dêtre assez libre pour laisser son esprit se balader, pour sautoriser à être « artistique », pour ne plus ricaner devant lArt davant garde. Ca parlait de la liberté que javais, je vivais seul et pouvais faire ce que je voulais. Si je voulais je pouvais peindre la pièce de toutes les couleurs. Je réparais les fissures de la porte pour ne plus que ça se reproduise, je voulais moccuper un peu plus de ma vie et de tout ce qui nallait pas, maintenant que jétais libre de faire tout ce qui me plaisait. Jhabitais seul à présent à Cavendish Avenue et appréciais ma liberté, dans cette maison à moi, et ce côté « salon mondain » quil y avait dedans. Autant que je me souvienne, cétait une chanson entièrement de moi. Jadore le double sens du vers « If Im wrong Im right where I belong » (« If Im wrong Im right = Si jai tort jai raison », « Im right where I belong » = « Je suis exactement à ma place »). La chose amusante par rapport à cette chanson est ce qui sest passé le soir où on la enregistrée, aux Regent Sound Studios de Tottenham Court Road. Je me suis pointé avec un mec qui était Jésus. Ce mec avait sonné à mon portail, moi : « Oui, allo ? », parce que je répondais à tout le monde, si les gens mennuyaient je disais seulement « désolé non » et généralement ils sen allaient. Bref. Ce mec me dit : « Je suis Jésus Christ ». Moi : « Oh…. », légèrement secoué, « Bon, ben rentrez alors ». Je me suis dit « Daccord, cest certainement pas le vrai, mais si jamais cest bien lui, jai pas envie dêtre le mec qui a dit à Jésus daller se faire voir ! ». Alors je lui ai offert une tasse de thé, on a bavardé et je lu ai demandé « Pourquoi pensez-vous être Jésus ? ». Il y avait pas mal de cas psychiatriques à lépoque. On rencontrait pas mal de gens peut-être perturbés par un sentiment dinsécurité ou qui traversaient des dépressions ou je ne sais quoi. Je lui ai dit : « Je dois aller à une séance denregistrement, mais si vous me promettez dêtre très silencieux et de vous asseoir dans un coin, vous pouvez venir ». Alors il est venu, et il sest effectivement assis très silencieusement, et après ça je ne lai plus jamais revu. Je lai présenté à tout le monde. Eux : « Qui cest lui ? », moi : « Cest Jésus Christ ». On trouvait ça marrant.
Beaucoup de livres analysant les chansons des Beatles expliquent « Fixing A Hole/réparer un trou » par le fait que Paul devait certainement faire un peu de maçonnerie sur le toit de sa ferme écossaise, mais ce nétait pas le cas. PAUL : je me suis mis à réparer le toit de ma ferme en Ecosse bien longtemps après. Je nai jamais rien fait de tel avant davoir rencontré Linda. Les gens inventent ! Ils savent que jai une ferme, ils savent que la ferme a un toit, ils devinent que je pourrais facilement avoir des tendances au bricolage, alors cest un tout petit pas à franchir… Ecrire le reste de lhistoire.
Le 27 février 1967 le Daily Mail publie un article intitulé « Jeune, récemment diplômée, abandonne sa voiture et disparaît ». Melanie Coe, dix-sept ans, étudiante à la Skinners Grammar School de Stamford Hill à Londres, sétait enfuie de chez elle, laissant derrière elle un manteau de vison, des bagues en diamants et sa propre voiture. « Je narrive pas à comprendre pourquoi elle est partie, elle a tout ici » avait déclaré son père daprès larticle. PAUL : John et moi avons écrit « Shes Leaving Home » ensemble. Linspiration était de moi. On avait vu dans le journal lhistoire de cette fille qui était partie de chez elle sans quon la retrouve, il y en avait beaucoup à lépoque, assez pour quon lutilise. Alors jai commencé par trouver les paroles : elle se glisse à lextérieur, elle laisse un mot, les parents se réveillent et puis… Cétait plutôt poignant. Jaime cette chanson, et quand je lai montrée à John, il a rajouté ce choeur un peu grec, des notes très étirées, et lune des choses intéressantes dans la structure de ce morceau est quil reste bloqué sur le même accord pendant très longtemps. Normalement avant ça, dans notre écriture musicale, on aurait changé daccord, mais là on reste sur laccord de Do très longtemps avant de changer. Ca vous prend vraiment par les entrailles. Cest une bonne petite astuce et je trouvais que ça fonctionnait très bien. Pendant que je montrais ça à John, lui faisait ce choeur derrière moi, le point de vue des parents : « We gave her most of our lives/Nous lui avons consacré la plus grande partie de notre vie », « We gave her everything money could buy/Nous lui avons donné tout ce que largent pouvait acheter », je crois que cétait écrit dans larticle. Et puis il y a cette petite phrase à propos de « the man from the motor trade/un homme dans le commerce automobile », on a dit quil sagissait de notre ami Terry Doran qui soccupait dun magasin de voitures, mais tout comme le capitaine du « Yellow Submarine », le personnage était fictif. George Harrison a dit une fois quil ne pouvait écrire quà partir dune expérience personnelle effectivement vécue, mais ça nest pas le cas pour moi. Le sentiment suggéré est suffisant. Cet « homme dans le commerce automobile » nétait quun personnage de plus, le style de mec qui pouvait draguer une minette simplement en lui disant « Ca te dirait de faire un tour dans ma bagnole, chérie ? ». Un bel intérieur moquetté, rien de tel pour draguer les minettes ! Donc tout ça, cétait de linvention. La chanson est surtout de moi, avec un peu daide de la part de John.
Ce fut la première chanson des Beatles à être classiquement orchestrée par un autre que George Martin. Paul était de plus en plus enclin à Imaginer des arrangements orchestraux pour ses chansons et pensa que « Shes Leaving Home » était parfaite pour ce genre de traitement. PAUL : jai téléphoné à George Martin et lui ai dit : « Je suis vraiment à fond dans cette chanson, et je veux lenregistrer la semaine prochaine ». Je voulais lenregistrer immédiatement, javais ce genre durgence quon a parfois, et dans ces moments là vous ne voulez pas que quelquun se mette en travers de votre chemin, ou vous empêche de le faire, parce que vous avez limpression que si vous ne le faîtes pas tout de suite vous perdrez la précieuse chose qui sévaporera pour toujours. Alors je lui ai dit au téléphone : « Je veux que vous larrangiez ». Il ma dit : « Je suis désolé Paul, mais jai une séance avec Cilla Black ». Jai pensé : « Bordel de merde ! Après tout ce temps, il pourrait faire un effort ! ». Cétait probablement déraisonnable de penser quil changerait davis. Alors je lui ai dit : « Bon ben tant pis, merci George ». Mais javais tellement le feu au fesses que jai appelé Mike Leander, un autre arrangeur. Je lai fait venir à Cavendish Avenue et lui ai montré ce que je voulais, des cordes, et il ma dit : « Laissez-moi men occuper ». Cest lune des premières fois où jai laissé quelquun écrire un arrangement complet pour ne le découvrir quentièrement fini, plus tard, chose que je naime pas faire en pratique. Cest beaucoup plus facile si je reste avec eux. En tout cas il ma pris la chanson, en a fait larrangement, et George Martin fut apparemment extrêmement blessé. Mais le fait est que je létais tout autant ; il navait pas de temps à me consacrer, mais il en avait pour Cilla. Dans son livre, George Martin écrit : « Je narrivais pas à comprendre pourquoi il était si pressé tout à coup. De toute évidence, lidée que je pouvais me vexer ne lui avait pas traversé lesprit ». PAUL : musicalement, ça ne sest pas trop mal passé. Je naime pas lécho sur la harpe, mais ça, cest sans doute plus dû à George quà mike Leander, ou, pour être plus honnête, lun de nous a dû dire : « Mettez-nous donc de lécho sur cette harpe ». On ne saurait trancher. « Shes Leaving Home » devint lune des chansons des Beatles les plus aimées et les plus émouvantes. Curieusement, aucun Beatle ne joue sur lenregistrement. « Shes Leaving Home » fut chantée par Paul et John sur un arrangement exclusivement classique : une harpe, quatre violons, deux altos, deux violoncelles et une contrebasse. Le texte touchait une corde sensible à une époque où un nombre sans précédent de jeunes gens senfuyaient de chez eux pour se retrouver dans des communautés, des squats, ou pour sinstaller en ménage, adoptant le style de vie hippy. Aux Etats-Unis notamment, des dizaines de milliers dentre eux suivaient les conseils de Timothy Leary, « Turn on, tune in, drop out !/Branchez-vous sur ce qui se passe, réglez-vous sur la bonne longueur donde, et lâchez tout », et sen allaient vers Haight-Ashbury à San Fransisco, le Lower East Side de New York, West Hollywood, Venice ou nimporte quel autre quartier bohème, cherchant une alternative au matérialisme que la génération de leurs parents leur offrait.
« Being For The Benefit Of Mr Kite ! » fut presque entièrement tirée dune affiche victorienne annonçant larrivée dun cirque. Laffiche, vantant le spectacle du Pablo Fanques Circus Royal qui devait se donner aux Town Meadows de Rochdale le 14 février 1843, fut achetée par John dans une boutique dantiquités à Sevenoaks dans le Kent, où les Beatles tournaient un clip pour la promotion de « Strawberry Fields Forever » le 31 janvier 1967. Tous les personnages principaux de la chanson figurent sur laffiche, comme par exemple ce « Mr Henderson » qui annonce son intention de sauter « à travers une barrique enflammée… Mr H. lance un défi au monde ! ». La publicité dépoque précise que la soirée est au « bénéfice de Mr kite ».
PAUL : « Mr Kite » était un poster que John avait dans sa baraque de Weybridge. Je suis arrivé pour une séance un jour et il lavait encadré sur le mur du salon. Tout était là, le trampoline, les sauts périlleux, les cerceaux, les frous-frous, le cheval. Cétait la fête de Pablo Fanque, et le titre quon a utilisé était écrit en toutes lettres ; presque tout le texte de laffiche a été recopié tel quel. On sest assis et on a écrit presque mot pour mot ce quon lisait sur le poster, juste en inventant des petites choses entre les noms pour assembler le tout. Cest devenu une chanson plutôt de John, quil a chantée parce que laffiche était à lui, mais ce fut vraiment une collaboration. Cétait sympa à faire, elle sest écrite toute seule plutôt facilement. Plus tard, George Martin a mis dessus le son dune fête foraine.
Le son de la fête foraine, suggérée par John, fut un brillant travail de production de la part de George Martin. George avait une très grande expérience des effets sonores, depuis bien avant sa rencontre avec les Beatles, mais on peut dire quil réussit à cette occasion un éblouissant tour de force. Utilisant le même principe aléatoire quavait utilisé Paul pour les boucles de « Tomorrow Never Knows », Martin conçut une bande dans la plus pure tradition des William Burroughs et Brion Gysin. Il décrivit son travail dans son ouvrage « Summer Of Love », son récit de la fabrication de Sgt. Pepper. Après avoir amassé toute une collection denregistrements dorgues à vapeur, il demanda à lingénieur du son Geoff Emerick de tous les transférer sur une seule bande magnétique :
« Jai dit : Geoff, nous allons tenter quelque chose à présent. Je voudrais que tu coupes cette bande en une multitude de petits morceaux de quelques centimètres à peine chacun. Geoff prit les ciseaux et commença à couper. En moins de temps quil ne faut pour le dire nous eûmes devant nous un tas de petits fragments de bandes magnétiques qui ressemblaient à des petits vers entassés à nos pieds. Maintenant, prends-les tous et fais-les tournoyer en lair pour les mélanger !. Il pensait que jétais devenu fou naturellement… A présent ramasse-les et recolle-les sans te soucier de lordre… Quand jai écouté la bande, le tout formait un ensemble de sons chaotiques. Mais on pouvait parfaitement identifier le son dorgue à vapeur. Parfait ! Cétait latmosphère de fête foraine que nous recherchions. John est resté sans voix devant le résultat. »
Cest Paul qui avait écrit lair de « When Im Sixty-Four/Quand Jaurai Soixante-Quatre Ans » lorsquil en avait seize, à Liverpool ; il la ressortie de ses cartons pour lalbum. PAUL : « When Im Sixty-Four », cétait moi en train de chercher des trucs pour Pepper. Je trouvais que cétait une chouette petite mélodie mais ça faisait un peu trop « cabaret », alors il a fallu que je trouve des petites astuces pour rendre le morceau un peu moins caricatural et lui donner un second degré. « Will you still need me ?/Maimeras-tu encore ? », ça reste dans lesprit dune chanson damour, mais « Will you still feed me ?/Me donneras-tu encore à manger ? » sen va un peu plus du côté de lhumour du Goon Show (Ndt : le Goon Show est une vieille et légendaire émission humoristique de la BBC, devenue référence depuis, et ancêtre directe des Monty Python, Mister Bean, etc). Je veux dire, vous Imaginez avoir trois gamins qui sappellent « Vera, Chuck and Dave » ?! Cétait très décalé, et cest ce qui mattirait là-dedans. Jaimais le vers « Indicate precisely what you mean to say/Indiquez-moi précisément ce que vous voulez dire ». Jaime les termes qui sont exacts, que lon pourrait trouver sur un formulaire. Cest une bonne phrase, ça fonctionne. Cest une chanson tout à fait de moi. Je lai faite dans un style très music-hall. George Martin écrit dans son livre que je lai accélérée parce que je voulais sonner un peu plus jeune, mais je crois que cétait surtout pour la faire sonner encore plus guillerette et vieillotte ; en montant un peu la tonalité, le morceau paraissait moins empesé. George ma aidé sur larrangement pour clarinettes. Je spécifiais le son que je désirais, et comme jadore la clarinette, cétait genre « On peut avoir un quatuor de clarinettes ? », « Absolument ». Je lui donnais une idée assez précise des harmonies que je voulais entendre, et George se chargeait de retranscrire la partition parce que je ne sais pas le faire. Il était dun grand secours. Bien sûr, lorsque lui a eu soixante-quatre ans, jai dû lui envoyer une bouteille de vin.
La chanson suivante était « Lovely Rita », lune des histoires fictives de Paul. PAUL : « Lovely Rita » mest venue en lisant quelque part quen Amérique ils appellent les contractuelles des « Meter maids/Demoiselles des parcmètres », et jai pensé que cétait très américain. De plus, le mot « maid/jeune fille, servante » avait pour moi des connotations plutôt coquines, comme une « french maid » ou une « milkmaid » ; il y a quelque chose de bien dans le mot « maid ». Le mot « meter/compteur, parcmètre » rendait la chose un peu plus sérieuse et officielle. Tout ça mamusait. En Angleterre, dès quon entend ces américanismes, ils entrent immédiatement dans le vocabulaire. On les laisse entrer parce que ça nous amuse, pas parce quon les aime ou quon les veut absolument, mais juste parce quils sont drôles à entendre. « Rita » était le seul nom qui me venait à lesprit et qui rimait avec « meter », alors jai commencé comme ça ; Rita, meter maid, Lovely Rita. Et puis jai laissé libre cours au fantasme.
Paul écrivit les paroles lors dune promenade à côté de la maison de son frère Michael à Gayton, dans la région de Liverpool, qui surplombe lestuaire de la rivière Dee.
PAUL : je me souviens dêtre allé faire une promenade tout en travaillant le texte pendant que je marchais. Cétait au moment où les parcmètres se généralisaient ; avant ça on pouvait se garer gratuitement, alors les gens avaient un sentiment plutôt hostile envers ces « contractuelles ». Je métais fait pincer plusieurs fois pour des stationnements interdits, alors cétait drôle dimaginer que lune de ces femmes soit un peu « légère », genre « Tu montes chérie ? ». Ca faisait delle une figure marrante plutôt quun personnage négatif, et puis cétait une toute petite vengeance. Il ne sagissait pas dune vraie personne mais, comme dhabitude, une fille a déclaré par la suite avoir été linspiratrice de la chanson parce quelle était contractuelle, quelle sappelait Rita, et quelle mavait épinglé une fois apparemment, alors cest sorti dans les journaux. Je pense que cétait surtout une coïncidence, nimporte qui du nom de Rita et qui maurait donné un P.V. aurait dit « Cest moi ! ». Je ne me suis pas dit « Waaah, cette nana ma donné un P.V., je vais écrire une chanson sur elle ! »… Ca ne sest jamais passé comme ça.
La contractuelle en question sappelait en fait Meta Davies, et déclara plusieurs années après que lalbum soit sorti quun jour, alors quelle venait juste de dresser une contravention à Paul qui sétait mal garé dans son quartier de St Johns Wood, McCartney lui était apparu en chair et en os. Elle avait signé la contravention de son nom entier et Paul lui avait alors demandé si son prénom était vraiment Meta, et quil serait un joli prénom pour une chanson. Le nom « Meta », bien que différent de « Rita », se rapprochait du mot « meter » et avait peut-être inconsciemment influencé Paul. Il est aussi possible que la chanson était déjà écrite à ce moment-là et que Paul voulait simplement être poli.
Les Beatles commencèrent à travailler sur le « Good Morning, Good Morning » de John le 8 février 1967, mais continuèrent à la manier jusquà la dernière minute. Les cris danimaux ne furent ajoutés que le 28 mars et le mixage final neut lieu quà la mi-avril. Cest une chanson sur la torpeur des banlieues résidentielles. PAUL : cest une chanson de John. John se sentait piégé dans cette banlieue, et avait des problèmes avec sa première femme Cynthia. Cétait à propos de la vie ennuyeuse quil avait à cette époque, on trouve lexpression « Nothing to do/Rien à faire » dans le texte et une référence à « Meet The Wife », une sitcom de laprès-midi que John regardait, il sennuyait à ce point ! Mais je crois quil commençait aussi à sacheter des réveille-matin, « Good Morning ! Good Morning ! ». Le titre avait lui-même était emprunté à un spot publicitaire télévisé pour les Kelloggs Cornflakes. Linspiration de John lui venait généralement des évènements de sa vie personnelle, mais sa vie était devenue tellement morne et oppressante que la lassitude banlieusarde et la télévision étaient à présent ses seules stimulations. PAUL : quand on la enregistrée, on a engagé le groupe instrumental Sounds Incorporated pour faire ce gros truc aux saxophones. Ils étaient des amis et avaient joué sur lune de nos tournées. Mais on trouvait que la chanson avait besoin de quelque chose dencore plus dingue, alors on a décidé dutiliser beaucoup deffets sonores sur le shunt (Ndt : lorsque le niveau sonore baisse à la fin dune chanson). Ce quil y avait de bien dans le fait de travailler dans les studios EMI à Abbey Road, cétait que tout ce dont on pouvait avoir besoin se trouvait à portée de main. EMI était tellement énorme quelle couvrait tout un tas de domaines et on en a profité. On utilisait le piano de Daniel Barenboim dont il venait juste de se servir pour un enregistrement. Parfois les techniciens le verrouillaient, et on leur demandait : « Vous pouvez nous louvrir ? », « Bien sûr ». On la utilisé pour le grand accord final de « A Day In The Life ». Il y avait plein de pianos à queue partout, des orgues Hammond, des harmoniums, des célestas, et puis un placard rempli de gadgets et dobjets à effet sonore quils utilisaient pour les enregistrements de pièces de théâtre. George Martin nous disait : « Il y a une sonothèque, que voulez-vous ? », nous : « Bon, vous avez quoi ? », on nous passait le catalogue, « Alors, voyons voir… Eléphants, Chants de coq, Chiens de chasse qui aboient, on va prendre ça… ». Les effets sonores ajoutés sur « Good Morning, Good Morning » provenaient des bandes EMI appelées « Volume 35 : Animaux et Abeilles » et « Volume 57 : Chasse à cours ». Sur linsistance de John Lennon, chaque animal fut placé de telle manière quil pouvait être, sinon mangé, du moins effrayé par celui qui suivait. Des effets sonores furent également intégrés de manière ingénieuse au titre « Sgt. Pepper » où les applaudissements et les rires dune foule créent lillusion dun concert public. PAUL : on avait le bruit dune salle en train de rire sur « Sgt. Pepper ». Javais toujours adoré ces moments-là dans les retransmissions radiophoniques. Jadorais la radio quand jétais gosse, et quand ils retransmettaient le spectacle dun humoriste, genre Tommy Cooper, on entendait le public se marrer après chaque plaisanterie, mais il y avait toujours un moment dans ces shows en direct où lartiste ne disait rien du tout et où le public se mettait à rire quand même ! Et là, mon imagination devenait folle, je me disais : « Quest-ce quil y a ? Quest-ce quil a fait ? Il a baissé son pantalon ? Il a fait une grimace ? ». Il fallait que je sache pourquoi ils avaient ri. Cette petite chose me fascinait, alors quand on a fait « Pepper », on a mis dedans un rire de foule sans raison apparente, juste au moment où lon annonce Billy Shears, le public se marre et on ne sait pas pourquoi. Le son du public provenait dun enregistrement public de 1961 que George Martin avait produit du spectacle comique « Beyond The Frindge » avec Dudley Moore, Peter Cook, Alan Bennett et Jonathan Miller. PAUL : on a écouté des heures et des heures de bande, en rigolant nous aussi, parce que cest hilarant découter un public en train de rire, un truc fantastique à faire en fait. Le son de lorchestre qui saccorde, utilisé sur la même chanson, était un enregistrement volé pendant que lorchestre se préparait à jouer « A Day In The Life ».
Le Studio n°1 dAbbey Road ressemble à un immense hangar pour avion, et est presque exclusivement utilisé pour les enregistrements classiques ; sa taille est celle dune salle de concert et plusieurs orchestres symphoniques pourraient y tenir côte à côte. (Ndt : les Studios dAbbey Road forment un complexe de quatre studios, avec cafétéria et même un petit appartement pour la détente et le confort des musiciens qui travaillent sur de très longues séances). De grands musiciens solistes comme Sir Edward Elgar, Sir Thomas Beecham, Sir Malcolm Sargent, Sir John Barbarolli et Yhehudi Menuhin enregistraient dans cette immense salle caverneuse. Lespace y est strictement fonctionnel : un très vaste parquet de bois avec des enceintes acoustiques amovibles, de très hauts murs gris qui ont dû être blancs un jour, tous recouverts de dizaines de gros haut-parleurs carrés qui font penser à un décor de Science-Fiction des Années 60, et puis encore dautres haut-parleurs qui font partie du fameux système acoustique Ambiophonic (Ndt : ce système est propre aux Studios dAbbey Road et a été inventé par les ingénieurs dEMI ; cest un réseau de dizaines de haut-parleurs cloués sur tous les murs de la salle où jouent les musiciens et qui renvoit le son que lon est en train denregistrer avec quelques centièmes de seconde de décalage, ce qui « gonfle » lampleur sonore de lensemble et y ajoute un subtil effet décho très particulier). Si ce vénérable Sir Malcolm Sargent avait jeté un oeil sur ce qui se passait dans le Studio n°1 en ce 10 février 1967, le vieux monsieur aurait assurément eu un choc : le studio était rempli de ballons de baudruche et de hippies de luxe habillés de vieilles dentelles et de velours défraîchis, éparpillés dans la pièce en train de faire des bulles avec ces petits anneaux dans lesquels on souffle. Trois Rolling Stones, Brian Jones, Keith Richards et Mick Jagger, accompagnés de Marianne Faithfull, paradaient dans des vêtements psychédéliques dernier cri tout droit sortis de Kings Road, grandes écharpes de soie, velours savamment froissés, pantalons de satin et bottes multicolores. Donovan le troubadour cosmique, Graham Nash, unique membre des Hollies qui soit psychédélique, Mike Nesmith des Monkees, Patti Harrison, épouse de George, et des dizaines dautres amis sentassaient aux quatre coins de la pièce. Les quatre designers de mode hollandais connus sous le nom de The Fool arrivèrent habillés comme des personnages du Tarot, tenant des tambourins et des petites clochettes, tout cela pendant que lénorme climatisation dAbbey Road tournait à plein régime pour contrôler ces riches odeurs de bâtons dencens et de Marijuana. Au centre de la pièce se tenaient George Martin et Paul McCartney, prêts à diriger un orchestre symphonique a qui lon avait demandé, à sa grande stupéfaction et pour la première fois de sa carrière, de faire des improvisations. Lorchestre et George Martin avaient été priés de venir en habits de soirée, ce que les Beatles avaient également promis de faire. Ces derniers ne tinrent pas leur promesse mais George Martin et tout lorchestre étaient, eux, très élégants dans leur smoking. Afin de les mettre dans lambiance appropriée pour un enregistrement inhabituel, et pour quils laissent libre cours à leur spontanéité denfant, les Beatles passèrent dans les rangs des musiciens pour leur distribuer des sachets de farces et attrapes. On avait envoyé Mal Evans dans un magasin de Great Russel Street et ce dernier était revenu avec des faux seins en plastique, des fausses lunettes avec des yeux, des bonnets de chauve en caoutchouc, dénormes faux cigares, des chapeaux amusants et des petites bannières ; David McCallum, le chef du London Philharmonic, portait quant à lui un gros nez rouge ; Erich Gruenberg, leader des seconds violons, portait des lunettes fleuries en papier et tenait son archet dans une grosse patte poilue de gorille ; les joueurs de basson Alfred Waters et Nicholas Fawcett avaient attaché des ballons à leurs instruments qui se gonflaient et se dégonflaient à chaque note jouée, ce qui faisait rire George Martin. Plusieurs cameramen, amateurs ou pas, virevoltaient dans toute la salle.
Les Beatles enregistraient « A Day In The Life », sans doute lun de leurs morceaux les plus expérimentaux, mais aussi lun des plus beaux et des plus satisfaisants artistiquement. Cest non seulement lexemple parfait dune heureuse collaboration entre Lennon et McCartney, mais également, et en ce qui concerne Paul, le résultat de deux années dintérêt pour les milieux de lAvant-Garde et dexpériences en tout genre. Au signal donné, lorchestre se mettait à jouer un long accord de forme très libre sur vingt-quatre mesures, chacun des musiciens commençant par la note la plus basse quil pouvait faire, pour lentement monter le long de la gamme jusquà la plus haute, tout en passant progressivement du pianissimo au fortissimo, tandis que le son était renvoyé dans le studio, légèrement décalé par la centaine de haut-parleurs Ambiophonic, ce qui emplissait lespace dun massif mur de sons se rapprochant plus dun concert live que dune séance denregistrement. PAUL : cest une chanson que John ma amenée à Cavendish Avenue. Cétait son idée originale. Il lisait le Daily Mail et avait apporté le journal avec lui. On est monté dans ma salle de musique pour commencer le travail. Il avait le premier couplet, le passage qui parle de la guerre, et un peu du deuxième couplet. John Lennon raconta au magazine Rolling Stone : « A Day In The Life, ça cétait quelque chose. Jai adoré. Paul et moi avons fait du beau travail. Javais le passage I read the news today… », et Paul a trouvé ça très excitant. Il arrive de temps en temps quon sexcite lun et lautre avec des bouts de chanson, et il a juste fait : « Ah ouais ! », bang, bang, et cétait fait. Tout est arrivé dune très belle façon« . PAUL : le passage du politicien qui se fait exploser le cerveau dans une voiture, on la écrit ensemble. On a dit que ça parlait de Tara Browne, lhéritier de la famille Guinness, mais je ne crois pas que cétait le cas, en tout cas cest sûr que je ne pensais pas à lui quand on la écrit. John peut-être. Dans mon esprit, jimaginais plutôt un politicien totalement camé qui se serait arrêté à un feu rouge ou vert et qui naurait pas vu le changement de feu. Lexpression »He blew his mind/Il sest fait sauter la cervelle« ou »il sest fait écrabouiller la tête« était une simple référence à la drogue, pas à un accident de voiture. A ce propos, je pense avoir fréquenté Tara Browne beaucoup plus que John. Je lemmenais visiter Liverpool. Jétais avec Tara quand jai eu cet accident qui ma explosé la lèvre. On était vraiment bons copains et je lui ai présenté John. Enfin si John a dit quil pensait à Tara, cest sans doute vrai, mais moi je ny pensais pas. Tara Browne était le fils de Lord et Lady Oranmore and Browne, dont larrière-grand-père était le brasseur Edward Guinness. Tara sortait du collège de Eton et, sil avait vécu, aurait hérité de la somme dun million de Livres Sterling à lâge de vingt-cinq ans. Charmant garçon aimable, au large sourire et aux cheveux coiffés à la Beatles, Tara était un grand ami de Brian Jones et passait souvent la nuit dans lappartement de Brian sur Courtfield Road à faire des trips au LSD en compagnie de Brian, Keith Richards et Anita Pallenberg. Dans son livre »Shutters And Blinds« , Anita décrit lun de ces »voyages« : »Je me rappelle avoir fait avec Tara Brown lun des premiers trips sous LSD. Il avait une voiture de sport Lotus, et soudain lorsquon sest approché de Sloane Square tout est devenu rouge. Les éclairages sont devenus rouges, les arbres étaient en feu, alors on a sauté hors de la voiture et on la abandonnée là.« Tara mourut dans les première heures de laube, au matin du 18 décembre 1966, alors quil partait rendre visite en voiture à David Vaughan qui travaillait sur une peinture pour la devanture de la boutique de mode de Tara dans Kings Road, le »Dandy Fashions”. Sa Lotus Elan vînt sencastrer dans larrière dune camionnette en stationnement, résultat dune erreur dappréciation au moment déviter une Volkswagen qui avait dévié de sa route sur Redcliffe Gardens, dans le quartier de Earls Court. Il avait vingt-et-un ans. Le rapport de lenquête sur sa mort fut publié en janvier 1967.
John déclara à Playboy : « Je lisais le journal un matin, et deux articles ont attiré mon Attention. Le premier était à propos de lhéritier Guinness qui sétait tué dans un accident de la route. Cétait le titre principal en première page. Il est mort à Londres dans un crash dauto. Sur la page dà côté on parlait de quatre-mille trous qui devaient être rebouchés dans les rues de Blackburn, dans le Lancashire ». Larticle sur les trous fut publié dans le Daily Mail du 7 janvier 1967. PAUL : on a regardé le journal et avons écrit tous les deux le vers « 4,000 holes in Blackburn Lancashire ». Jaimais la façon dont John prononçait le nom « Lancashire », « Lan-ca-shiiiiiiire », avec laccent du Nord. Et puis moi javais ce passage qui sintégrait parfaitement au reste « Woke up, fell out of bed…/Je me réveille, je tombe du lit… », mais il fallait trouver une transition. Cétait lépoque de Tim Leary et de son discours « Turn on, tune in, trop out », alors on a écrit « Id love to turn you on/Jaimerais beaucoup te brancher ». John et moi on sest regardé, parce que lexpression « Turn you on » était très connotée « drogue », et on sest dit « Oh oh… Ca va être pris pour une chanson sur la dope… On le met quand même ? », « Oui mais en même temps nos chansons sont toujours très ambiguës, et lexpression Turn you on peut aussi avoir un sous-entendu un peu sexuel, alors cest bon, on le laisse ! ». Quand on sest regardé, on a eu tous les deux comme un petit éclair dans les yeux, on savait quon osait ici quelque chose dun peu gonflé, alors je me suis dit quon devait illustrer musicalement tout ça par quelque chose qui serait également étonnant et audacieux. Quand on a amené la chanson en studio, jai suggéré quon laisse vingt-quatre mesures vides, que notre assistant Mal pourrait compter à très haute voix. Ils mont dit : « Mais quest-ce que tu vas mettre dedans ? »,moi : « Pour linstant rien, ça fera juste Un ! Tong tong tong ! Deux ! Tong tong tong ! Trois… », et on peut effectivement entendre sur le disque Mal faire ça dans le fond. Il a compté, et à la vingt-quatrième mesure il faisait démarrer un réveille-matin, drrriiiing ! Cétait juste un nombre de mesures arbitraire, très « John Cage » dans lesprit. Jutilise la référence à Cage pour couvrir pas mal de choses inavouables, mais cest vrai que tous ces artistes que javais écoutés mavaient transmis cette façon de penser, très davant garde. Létape suivante consista à remplir ces mesures vides. Sur lenregistrement, on avait plaqué sur la voix de Mal Evans en train de compter un écho qui samplifiait jusquà devenir très envahissant à la vingt-quatrième mesure. Paul rajouta les accords dissonants dun piano derrière la voix de Mal lorsquil enregistra les accords massifs de lintro. Les premières prises de son eurent lieu les 19 et 20 janvier 1967, et Ringo ré-enregistra sa partie de batterie le 3 février. PAUL : on a persuadé Ringo de jouer sur les toms« (Ndt : les deux tambours généralement côte à côte et fixés sur la grosse caisse). Cest sensationnel ; en général, il naimait pas jouer trop en avant, en solo, mais on la dirigé et encouragé, »Allez ! Tes génial ! Ca va être super !« , et ça la été. Une semaine se passa, pendant laquelle les Beatles travaillèrent sur la chanson »Sgt. Peppers Lonely Hearts Club Band« et tournèrent des films promotionnels pour »Strawberry Fields Forever« et »Penny Lane« , avant de revenir sur »A Day In The Life« . Paul avait enfin trouvé ce quil voulait pour remplir les vingt-quatre mesures vierges. Il demanda à George Martin dengager un orchestre symphonique. Les Beatles nen avaient jamais utilisé, et George Martin, en bon responsable, pensa immédiatement au prix que cela allait coûter. Il décrit sa réaction dans »Summer Of Love« : »Folie pure ! répondis-je, tu ne vas pas prendre un orchestre symphonique juste pour quelques accords, Paul ! Ce serait de largent Jeté par les fenêtres ! Je veux dire, ça fait quatre-vingt-dix musiciens un orchestre symphonique !… Ma réaction trahissait le subordonné sérieux et bien dressé qui sommeillait toujours quelque part en moi. Cependant, lidée avait fait tilt dans mon imagination : un orchestre symphonique ! Jai tout de suite su quon obtiendrait un son magnifique.”
Paul lui expliqua ce quil voulait faire de lorchestre, et il fut décidé quils nengageraient que la moitié de la formation, soit quarante et un musiciens, quils enregistreraient deux fois pour reconstituer sur bande un orchestre au complet. PAUL : on a dabord écrit la musique des passages où lorchestre devait jouer des accords normaux, juste après « Somebody spoke and I went into a Dream… », de bons gros vieux accords. Mais pour le reste de la partition, javais une autre idée. Jai fait sasseoir John pour lui expliquer, et ça la emballé. Jai dit : « Ecoute, tous ces compositeurs de lAvant-Garde font des trucs vraiment dingues, et ce que jaimerais faire ici, cest donner à cet orchestre des instructions tout aussi dingues. On pourrait leur demander juste de sasseoir et de ne rien faire du tout, mais ça quelquun la déjà fait. Alors il faut trouver une idée à nous mais dans le même esprit. Cest le mouvement actuel ! Cest lesprit de notre époque ! ». Cest ce quon a fait Jai dit : « Bon, pour économiser du temps dans lécriture de larrangement, on va considérer tout lorchestre comme un seul et unique instrument ». Et jai écrit lidée comme une recette de cuisine, jai expliqué aux musiciens : « Il y a vingt-quatre mesures vides. A la neuvième mesure, vous prenez votre envol et vous partez de votre note la plus basse pour monter jusquà votre note la plus haute. Mais le rythme auquel vous le faîtes vous appartient, vous choisissez votre vitesse. Vous nêtes pas obligés dutiliser toutes les notes de votre instrument, mais vous devez obligatoirement jouer la première et la dernière, cest la seule obligation ». Cétait le briefing, un briefing davant-garde. Lorchestre, composé majoritairement de membres du New Philharmonia, nétait pas habitué à limprovisation.
PAUL : alors on a dû les prendre chacun à part pour leur expliquer la chose, un par un. « Cest quoi ce truc, Paul ? Que doit-on faire exactement ?… » -« Vous faîtes à votre propre rythme… » -« Comment ça je fais la montée comme je veux ? »… -« Ben ouais ! » Les trompettes ont compris sans problème. Jai dit : « Vous pouvez tout faire dun seul coup si vous voulez, mais vous ne pouvez pas redescendre, vous devez finir par votre note den haut, ou lavoir déjà faite ». Cétait très intéressant, parce quon voyait quil y avait des différences de caractère entre les groupes dinstruments. Par exemple, toutes les cordes restaient à lunisson comme un troupeau de moutons, genre « Si tu montes, je montes aussi », les cordes se déplaçaient en banc. Contrairement aux trompettes, qui navaient pas du tout la même discipline ! Les trompettistes sont connus pour être les gars qui vont au pub parce quil faut que « lembout reste toujours humide », donc il faut avoir beaucoup de salive. Alors eux, ils étaient très libres dans lesprit. En fait, George Martin a tout de même un peu organisé la chose. Au départ, je ne voulais pas leur imposer toutes ces restrictions, mais George, sachant comment fonctionnait un orchestre symphonique et connaissant sa logique, décida de leur écrire quelques indications, comme des bornes le long dune route. Les invités sinstallèrent sur les côtés du studio. Les deux chefs dorchestre levèrent leur baguette, George Martin dans son smoking des grands soirs, Paul McCartney dans son tablier de boucher rouge vif et sa chemise psychédélique noire et violette, et lenregistrement put commencer.
Lorchestre joua la partition cinq fois, et chaque prise fut différente. Puis George Martin et son équipe durent synchroniser la bande à quatre pistes sur laquelle lorchestre avait été enregistré avec une autre bande à quatre pistes qui contenait, elle, laccompagnement initial des Beatles, enregistré la semaine précédente. Tout cela était dû au fait quEMI ne disposait pas encore de magnétophone huit-pistes (Ndt : un magnétophone qui permet denregistrer des sons sur huit canaux différents et de manière totalement indépendante). Lingénieur Ken Townshend avait trouvé le moyen ingénieux de faire démarrer plusieurs magnétophones simultanément et en synchronisme, en leur envoyant un signal électrique de 50 Hertz. Mais la méthode nétait pas parfaite, et lon peut entendre dans le mixage final lorchestre se désynchroniser légèrement du rythme pendant son intervention. PAUL : et ce passage de la montée de lorchestre est devenu ce quon pourrait appeler une « icône musicale ». Cest aujourdhui un passage très célèbre et bien sûr John ladorait. Cétait génial de faire entrer toutes ces idées là-dedans, mais la différence entre moi et un compositeur expérimental comme Cage, cest que chez moi ces idées dingues ne servaient quà faire un solo, ou un passage, alors que chez lui, elles formaient toute loeuvre du début à la fin. On la fait, et la séance était géniale. Si il y a un enregistrement qui aurait pu être techniquement amélioré par lutilisation dun équipement à jour, cest bien celui de « A Day In The Life ». Parce que EMI en était encore à utiliser dantiques magnétophones quatre-pistes, neuf ans après que des maisons américaines comme Antlantic se soient équipées en appareils huit-pistes, George Martin était constamment obligé de transférer ailleurs le contenu dune piste afin de la libérer pour les ajouts instrumentaux ou vocaux suivants. En plus de consommer un précieux temps de studio, chaque transfert multipliait le « ratio signal/bruit » de lenregistrement, cest-à-dire quil en augmentait le souffle et le bruit de fond. Après avoir été copié ou transféré deux fois, un enregistrement a quatre fois plus de souffle que loriginal, mais au troisième transfert, le souffle est multiplié par neuf ! Ainsi George Martin devait sans arrêt jongler avec les pistes, et faire tout ce quil pouvait pour en garder une qui soit libre. Il y a pas mal de bruit de fond et de souffle sur « A Day In The Life », comme peut le révéler lécoute du morceau au casque (Ndt : remarque plutôt subjective et toute relative de la part de lauteur Barry Miles ; car si lon compare le son de ce titre à ce qui se faisait ailleurs à la même époque, on peut penser que George Martin na vraiment pas à rougir de quoi que ce soit ; lenregistrement reste encore beaucoup plus net et précis que nimporte quel autre disque des Rolling Stones ou des Who de la même année !). George Martin et ses ingénieurs du son ont fait un brillant travail, si lon considère quils travaillaient dans un musée dantiquités, mais la qualité du son aurait pu être bien meilleure encore sils avaient pu utiliser un équipement moderne. Fidèle à sa réputation, lorsque EMI décida enfin de se mettre au goût du jour, lénorme société fit le choix absurde de séquiper en magnétophones huit-pistes alors que des appareils seize-pistes faisaient déjà leur apparition un peu partout dans le métier, et devenaient du coup la nouvelle norme dans toute lindustrie du disque. Les groupes rock étaient déjà habitués aux équipements dernier cri des petits studios indépendants, et EMI dut remplacer en catastrophe ses huit-pistes tout neufs par des seize-pistes à peine quelque mois plus tard.
Geoff Emerick raconte « Sgt Pepper’s »
Périodiquement, Emmanuel Colombier nous livre de larges passages du livre de Geoff Emerick “Here There And Everywhere, my life recording The music of the Beatles”.
Nous vous proposons de découvrir ici un large extrait consacré à Sgt peppers
“Un après-midi de janvier, les quatre Beatles arrivèrent, un peu stone, ce qui était devenu courant, mais exités. Ils avaient une nouvelle chanson sur laquelle ils travaillaient -une chanson de Lennon- et ils étaient anxieux à lidée de la jouer à George Martin et moi.
Ils avaient pris lhabitude de se renconter chez Paul avant les sessions, oùi ils buvaient un thé, sans doute fumaient un joint, et John et Paul paufinaient les chansons en cours.
Une fois que la chanson était terminé, ils la bossaient tous les quatre, apprenant les différentes parties, les accords, le tempo, tout ça avant daller en studio.
Ils montaient chacun dans leur voiture respective et conduisaient jusuqà Abbey Road -Bien que ce fut tout près, ils ne pouvaient pas y aller à pied à cause des fans- ce qui explique pourquoi ils arrivaient toujours ensemble au studio, bien quhabitants très loin les uns des autres.
La chanson qui nous fut dévoilée cet après-midi sappelait momentanément “In the Life Of” -bientôt changé en “A Day In A Life”.
Cétait de la même veine que “Strawberry Fields Forever” -lumineux et rêveur- mais ça avait lair encore mieux. Comme lennon chantait doucement, grattant sa guitare accoustique, Paul laccompagna au piano. Beaucoup de travail avait du être réalisé sur la partie de piano, car elle était le contrepoint parfait de la voix de John et du jeu de guitare. Ringo les rejoignis au bongos, pendant que George Harrison, à qui il semblait quon navait rien donné à faire, pris une paire de maracas.
La chanson, telle quelle fut jouée cette première fois, consistait seulement en une courte introduction, trois couplets, et deux refrains superficiels. Les seules paroles dans le refrain étaient un audacieux “Id love to turn you on” – six mots provocateurs qui firent que la chanson fut bannie par la BBC.
Il y avait évidemment encore beaucoup de boulot, mais cétait tout ce que Lennon avait écrit. Il y eu une grosse discussion sur quoi faire, mais sans solution.
Paul pensait quil avait un truc qui collerait peut être, mais pour le moment, ils étaient pressés denregistrer, alors il fut simplement décidé de laisser 24 mesures vides au milieu. En soi, ceci est unique dans les enregistrements des Beatles : la chanson nétait clairement pas finie, mais elle était si bonne quil fut décidé de tout coucher sur bande et de voir ça plus tard.
La composition fut essentiellement structurée pendant la session denregistrement. Sans le savoir, nous étions en train de créer non seulement une chanson, mais une uvre dart de la musique.
Bien que personne ne savait en quoi les overdubs allaient consister, il était évident quil y en aurait beaucoup, alors jai pris la décision denregistrer tous les instruments de cette première prise sur une seule piste, bien que jai mis le témoin chant de Lennon, renforcé avec ce quil appelait son “echo Elvis”, sur une autre piste.
John adorait avoir de lécho dans son casque (“Ca fait comme si je ne sonnais pas comme moi !” disait-il) ; je lenregistrais à côté de sa voix, parce quil chantait avec lecho, ce qui lui donnait une approche différente de sa chanson.
La manière dont il prononçait ses d et t -il les crachait littéralement de sa bouche- faisait se déclencher lécho mieux que tous ceux que javais entendus. Sans doute était-ce du au fait quil était un grand fan dElvis et de Buddy Holly ; il avait étudié leurs voix et avait modelé son style sur elles.
Et, tout comme cétait un grand guitariste rythmique, il avait toujours un grand sens du rythme dans ses paroles, une manière unique de dire les mots.
Mal Evans fut expédié près du piano pour compter les 24 mesures du milieu afin que les quatre Beatles puissent se concentrer sur leur jeu et ne pas avoir à y penser. Bien que la voix de Mal passait dans les casques, il nétait pas prévu de lenregistrer, mais il devenait de plus en plus excité à mesure que le décompte progressait, élevant de plus en plus la voix. Le résultat est que ça a repissé dans les autres micros, et quelques passages du décompte se sont retrouvés dans le mix final.
Il y avait aussi de prévu un réveil sur le haut du piano -Lennon lavait amené comme gag un jour, disant que ça serait utile pour réveiller Ringo quand on aurait besoin de lui pour un overdub.
Dans un élan de bêtise, mal décida de le mettre à zéro au début des 24 mesures. ce qui évidemment se retrouva sur le mix final pour la simple et bonne raison que je ne pouvais pas lenlever.
Un seul dernier ajustement fut requis avant de passer à lenregistrement, ce fut linversion des instruments de Ringo et George. Après le premier jet avec Harrison aux maracas, George Martin se tourna vers moi et dit “il nest pas très régulier, hein ? Je crois quon devrait le remplacer par Ringo”, ce que je fis.
Ringo savait beaucoup mieux garder un tempo, et la concentration de George Harrison ne lui permettait pas de garder le tempo pendant 3 ou 4 minutes. Jai mixé le petit bout avec Harrison et ses bongos si loin quon ne lentendait plus.
Normalement, cétait Paul qui faisait le décompte au commencement dune chanson, même si cétait une composition de Lennon ou Harrison, simplement parce que cest lui qui avait le meilleur feeling de ce que devait être le tempo optimal dune chanson.
Occasionnellement, toutefois, John faisait le décompte de ses chansons. Quand il le faisait, il substituait des mots abstraits : le standard “1,2,3,4” nétait pas assez bon pour lui. En cette journée froide de janvier -suffisamment proche des vacances pour que les sapins soient encore en place dans les maisons- il choisit dutiliser la phrase “sugarplum fairy, surgarplum fairy” à la place, ce qui déclencha un rire étouffé à la console.
Mais dès quil commença à chanter, nous étions plongés dans le silence. lémotion brute de sa voix faisait se dresser les cheveux sur ma nuque.
Quand lenregistrement a été jugé satisfaisant, Lennon a fait prise après prise sa voix lead, chaque prise gorgée décho, chaque prise plus surprenante que la précédente. Sa prestation vocale cette nuit fut un véritable tour de force, et George Martin, Phil et moi en avons parlé longtemps après la fin de la session.
Etrangement, même si John et Paul avaient des voix phénoménales, John nétait jamais très à laise avec sa voix. Assez souvent quand il montait à la console pour écouter son chant, on devait lui dire combien cétait bon. Nous voyions alors ce regard lointain sur son visage et savions quil nétait pas satisfait, même si la performance était exceptionnelle. Nous devions lui donner confiance, ou il insistait pour quon efface la piste et quil recommence.
George Martin était généralement le premier à parler, et ensuite nous étions tous daccord avec lui. Les autres trois Beatles lencourageait aussi sils étaient présents. mais normalement, si John voulait écouter ce quil avait fait -surtout si cétait la première ou la seconde prise- il venait de lui-même à la console, et les autres restaient en bas avec Neil et Mal.
La session suivante débuta avec un examen méticuleux de ce qui avait été enregistré sur bande. Notre boulot était de décider laquelle des voix de John il fallait garder.
Cependant, on navait pas forcément besoin dutiliser la performance entière. Parce que nous avions le luxe de travailler en 4 pistes, je pouvais copier les meilleurs passages de chaque prise en une seule piste- un processus connu sous le nom de ping-pong. Cest une technique encore utilisée aujourdhui. Il est très rare que la voix que vous entendiez sur votre CD soit une performance complète du début à la fin.
Ce que nous écoutions vraiment quand nous nous occupions de la lead de John, cétait le phrasé et linflexion ;
Lennon sasseyait à côté de la console avec George Martin et moi, prenant tous les passages quil aimait. Paul était aussi près de la console pour donner son avis, mais George Harrison et ringo restaient en bas au studio. Ils nétaient pas impliqués à ce point.
ceci étant fait, il était temps de sattaquer au problème de la partie manquante au milieu. Paul a parcouru son agenda et a découvert un extrait de chanson – une partie dune composition inachevée écrite des mois ou des années avant- qui, pensait-il, conviendrait, et John y adhera rapidement.
Les quatre Beatles, avec Paul chantant la piste témoin, enregistrèrent les “backing tracks” de ce nouveau morceau, que jintégrais dans le 4 pistes. Par ce quon pourrais qualifier de heureux hasard, , ça commençait avec les mots “Woke up/Fell out of bed…” ce qui, de manière incroyable, collait parfaitement avec le réveil qui sonnait.
Si jamais il y avait un présage disant que ça allait être une chanson spéciale, cétait celui-là.
Nous nous concentrâmes sur la partie principale du morceau. A ce point, laccompagnement rythmique consistait aux maracas de Ringo et à la trace des bongos de Harrison, et John sentait quil fallait plus.
Paul suggéra à Ringo de ne pas faire seulement son truc, mais de se lâcher plus sur le morceau, et je pouvais voir que le batteur était réticent.
“Allez paul, tu sais bien que jaime pas les batteries trop voyantes” se plaint-il, mais avec Paul et John le coachant et le rassurant, il fit un overdub qui navait rien de spectaculaire, avec pas mal de roulements courts de tom.
Parce que John et Paul sentaient profondément que cette batterie devait être dans le morceau, jai décidé dexpérimenter aussi, de manière sonore…
On cherchait un son épais, consistant, alors jai suggéré à Ringo de régler ses toms très bas, ce qui faisait que les peaux étaient très détendues, et jai aussi joué sur léqualisation dans les graves sur la console.
Ca les faisait un peu sonner comme des Timpanis, mais je sentais que je pouvais mieux faire. Pendant les séances de revolver, javais enlevé la peau avant de la batterie de Ringo et tout le monde était content du résultat obtenu, alors jai décidé détendre ce principe et enlevait les peaux du dessous des toms comme je lavais fait pour la grosse caisse. On navait pas de perche qui pouvait aller sous les toms, alors jai simplement enveloppé les micros et les ait placés dans un verre sur le sol. Pour la cerise sur le gâteau, jai décidé de mettre un limiteur sur le premix de batterie, ce qui fit sonner incroyablement les cymbales. Jy ai consacré beaucoup de travail et defforts, mais jétais extrêmement fier du son de batterie, et Ringo, qui faisait toujours attention à son son, laimait aussi beaucoup.
Avec “A Day In A Life” presque complet, les Beatles prirent 10 jours de pause, pendant lesquels ils pourraient honorer leurs obligations diverses, comme le film promotionnel de “Strawberry Fieds/Penny lane”. Pendant ce temps, il y eu un important changement au studio : Phil McDonald a été promu au poste de “Playback lacquer cutting” (je vous laisse traduire…) et laissa sa place au jeune Richard Lush.
Richar était chez EMI depuis 1 an et demi, et nous avions souvent travaillé ensemble. Il mavait secondé pour les sessions de” Revolver” quand Phil nétait pas disponible.
Richard ma aussi assisté pour mon premier disque dor -“Pretty Flamingo” de Mandfred Mann- alors on se connaissait bien.
Sa premièrere rencontre avec Paul fut mémorable. Il était assis près du magnéto quand Paul lui demanda : “salut ! Qui est tu ? je ne me souviens pas tavoir vu avant.”.
Paul posait la question naturellement, mais Richard détecta une quelconque suspicion -Phil lui avait toujours dit que les Beatles naimaient pas voir de nouvelles têtes à leurs sessions. Sans personne auprès de lui, il répliqua : ” Salut ! Mon nom est Richard… Jappuie sur le bouton”.
Paul avança vers lui et le regarda dans les yeux : “Ah bon !?…” dit-il sournoisement, mimant un combat de boxe. “Tu veux te battre !?”.
Inutile de dire que ça a bouleversé Richard, et quil navait pas encore réalisé que Paul plaisantait. Humour de Liverpool…
Les quatre Beatles étaient espiègles, ils aimaient déconner au plus profond de leur cur.
Ils aimaient voir la réaction que suscitaient leurs blagues…
Jai vite découvert que Richard et moi partagions le même sens de lhumour. Richard ne travaillait pas seulement avec moi sur Pepper, il est devenu mon assistant régulier pendant 1 an et demi, jusquau milieu de lalbum Blanc.
Lui et Phil étaient excellents dans leur boulot, et tout deux ont trouvés le succès en tant quingé son, Phil avec le travail quil a a fait sur la plupart des albums de Lennon et Harrison, et Richard en Australie, où il émigra dans les années 70.
Quand les Beatles retournèrent au studio 2, ils décidérent de bosser sur un nouveau truc au lieu de continuer sur “A Day In A Life”. Cest comme ça que ça allait fonctionner maintenant.
Il était maintenant courant de commencer une prise et de la laisser en plan pendant plusieurs semaines avant dy revenir. Cétait très bizarre de travailler de cette manière, mais à la fin, je suis devenu convaincu que cétait la chose à faire. Permettre à une chanson de se poser un instant permet de prendre de la distance par rapport à elle et à trouver de nouvelles idées, ce qui devint la marque de fabrique de lalbum”.
“La nouvelle chanson était de Paul, et elle allait non seulement définir le nom de lalbum mais aussi son concept : une performance par un groupe fictif qui était lalter ego des Beatles. “Sgt. Peppers Lonely Hearts Club Band” avait un feeling différent de ce que nous avions fait avant – cétait une vraie chanson rock, plus comme ce que le groupe faisait au début de sa carrière.
Il y avait une autre surprise. Paul voulait jouer la guitare rythmique au lieu de la basse -la première fois que je le voyais vouloir ça. Il dit simplement à John “Laisse-moi faire la rythmique là-dessus ; je sais exactement ce que je veux”. John accepta les instructions de Paul sans protester et prit une basse.
Il navait aucun feeling avec cet instrument, alors on la enregistré sur une piste séparée, utilisant un boîtier DI au lieu de lampli basse – de cette manière, sa partie guide de basse pourrait être remplacée plus tard par Paul, sans aucun problème de repissage dans les micros.
Dune certaine manière, John était un vrai paradoxe : il était fasciné par la technologie mais il ny comprenait rien. Après quon lui ait expliqué le fonctionnement de la DI box, il dit à George Martin quil aimerait bien enregistrer sa voix comme ça aussi. George lui expliqua pourquoi il ne pouvait pas : “Pour une chose John, tu devrais avoir une opération pour quon timplante une prise jack dans la gorge”. Même là, Lennon ne saisissait pas bien pourquoi cétait impossible. Il naimait pas quon lui réponde non.
Lidée dajouter des effets sonores variés – un orchestre saccordant, des rires- vint bien plus tard. Le concept de Pepper nétait pas là au départ. Ce nest pas avant la presque fin de lalbum quand John et Paul ont écrit “A Little Help From My Friends” que nous avons réalisé que le meilleur moyen de lier les deux chansons était de rajouter le son dun public applaudissant, criant et exités de plus en plus pendant que Ringo, dans son personnage fictif de Billy Shears, arrivait sur scène.
La chanson phare “Sgt. Pepper” fut enregistrée incroyablement vite – juste deux jours, incluant toutes les voix – malgré le fait que George Harrison passait des heures à essayer de passer la guitare solo. A la fin, Paul remplaça péremptoirement le travail de George avec un ahurissant solo de son crû, chose quharrison napprécia quà moitié. Mais la tempête retomba vite et tout le monde se remit au travail sur “A Day In The Life”.
Le premier boulot fut de replacer la voix témoin de Paul sur la partie du milieu, lui et moi avions eu une longue discussion à ce sujet qui allait nous mener à une autre trouvaille sonore.
Il mexpliqua quil voulait que sa voix sonne confus, comme sil séveillait dun profond sommeil et quil avais perdu ses repères, parce que cétait ce que les paroles étaient censées dire. Ma manière de faire fut denlever beaucoup daigu à sa voix et de la compresser beaucoup. Quand la chanson passe au passage suivant, la partie rêveuse que John chante, le son dorigine est restauré.
Bien que les overdubs pour le pont allaient être faits séparément du corps même de la chanson, ça a réellement été édité dans le 4 pistes, ce qui faisait du travail de Richard un exercice périlleux et assez complexe.
La voix de Paul, par exemple, a été copiée dans la piste contenant le chant de John, et il y avait très peu de marge entre les deux -entre paul chantant “…And i went into a dream” et les “Ahhh” de John. Ca rendait Richard assez parano -avec raison. Et je me souviens de lui me demandant dexpliquer au micro la situation à Paul et lui demander de ne pas dévier de ce quil avait fait sur la piste témoin. Jétais impressionné que Richard lai fait, ça montrait une grande maturité dagir ainsi.
La voix de John, après tout, avait tant démotion, et il y avait aussi de lécho dessus… La pensée de devoir tout refaire et recréer lambiance nous hantait… Sans penser à la réaction que John aurait eue !!… Une tête aurait sûrement autée, et je ne voulais pas trop que ce soit la mienne. Mais Paul, toujours pro, entendit lavertissement, et il fit en sorte de dire le dernier mot suffisamment bien placé pour permettre à Richard davoir le temps de dropper avant que la voix de John narrive.
En écoutant attentivement, vous pouvez entendre Paul se dépêcher légèrement sur sa fin de phrase ; il ajouta même un petit “ah” à la fin du mot “dream”, pour que le collage soit parfait. (moi jentends rien… NdT… Clin doeil )
Ce fut pendant cette session quil fut pris la décision de remplir les 24 mesures vides entre la partie principale du morceau et le pont de Paul. John eu une idée -abstraite, comme dhabitude- celle de créer une sorte de son qui commencerait tout petit et samplifierait pour devenir énorme et engouffrant tout. Rejoignant lidée, Paul suggéra lemploi dun orchestre symphonique. George Martin aimait lidée, mais, hormis le prix exorbitant que ça allait coûter, il nétait pas possible de se justifier auprès dEMI sur le fait demployer un orchestre de 90 miusiciens pour 24 mesures de musique.
Cest Ringo, entre tous, qui trouva la solution.”Eh bien” plaisanta til “Prenons un demi orchestre et faisons le jouer deux fois !”.
Chacun se regarda, stupéfié par la simplicité de la suggestion.
“Tu sais, Ring, cest pas une mauvaise idée” dit Paul.
“mais les gars, attention au prix…” dit George Martin.
Lennon mis fin à la discussion. “Ok, Henry” dit-il, sa vois prenant le ton dun empereur Romain récitant un décret “assez de bavardages. Faisons-le”.
Les jours qui suivirent, John et Paul passèrent beaucoup de temps avec George Martin, essayant de savoir exactement ce quils allaient demander à lorchestre de faire. Comme dhabitude, Paul pensais musicalement alors que John raisonnait de manière conceptuelle. Le rôle de George Martin était de faciliter tout ça.
“Je crois que ça serait super si chaque membre de lorchestre jouait au hasard” suggéra Paul.
George Martin était consterné. “Au hasard ? ca sera une cacophonie. Hors de question”.
“Ok, alors pas complètement au hasard” répliqua Paul. “Peut-être que nous pourrions chacun les faire partir de la note la plus basse à la note la plus haute”.
“Ouais !” dit john “On pourrait aussi les faire commencer doucement et jouer de plus en plus fort, comme un orgasme sonore”.
George Martin restait dubitatif. “Le problème” dit-il “Cest que vous ne pouvez pas demander à des musiciens classiques de ce calibre dimproviser sans suivre une partition -ils ne sauront pas quoi faire”.
John sembla perdu pendant un moment et soudain séveilla.
“Eh bien, si on leur met un costume marrant et un nez de clown, peut-être comprendront-ils ce quon veut. Ca leur enlèvera le balai quils ont dans le cul.”
Je pensais que cétait une idée brillante. Lidée de les mettre dans lambiance, de créer une atmosphère de camaraderie. John ne cherchait pas nécessairement à les embarrasser ou les faire paraître ridicules- il essayait de baisser la barrière existant entre le classique et des musiciens pop.
Dès que la boule de neige se mit à rouler, ça a commencé à devenir énorme.”Et si on utilise lorchestre deux fois dans le morceau-pas seulement juste avant le pont, mais après le dernier couplet, à la fin de la chanson ?” suggéra Paul. John acquiesça. Alors je fis une copie du décompte de mal et léditai sur le multipistes. Plus tard, Paul eut encore une idée “Faisons que la session soit plus quune session. faisons-en un happening !”.
Lennon adora lidée.”On invitera tous nos amis, et tout le monde viendra déguisé” senthousiasma til.”Ca vous inclut vous aussi” dit-il en nous regardant.
George Martin sourit paternellement. “Eh bien, je peux demander à lorchestre de mettre leur smokings, mais je pense que ça sera plus cher”.
“Rien à foutre du coût !” dit Lennon “On fait gagner assez de putain de fric à EMI pour quils nous en file pour ça… Et pour la fête aussi !”.
Sous les rires des autres, Lennon commença à faire une liste de ce quil voulait faire acheter à mal : chapeaux farfelus, nez rouges, perruques, têtes chauves, main de gorille… et plein de faux-seins.
Pendant que les Beatles planifiait leur party, je me préoccupais de laspect technique. Trois des quatre pistes du magneto étaient plein doverdubs, et je savais quon devait faire jouer lorchestre au moins deux fois, alors la piste restante nétait pas suffisante.
Une solution était de faire un premix mono, mais ça voulait dire encore une génération de copie -et on en avait déjà faite pas mal- donc perte de qualité, ce que je ne voulais pas. Lautre option était dutiliser un second 4 pistes pour enregistrer lorchestre, utilisant la piste originale comme playback seulement.
Ca nous ferait 4 nouvelles pistes à enregistrer, mais le problème était la synchronisation. On devait trouver un moyen de relier les deux machines ensemble afin quelle aille exactement à la même vitesse-quelque chose qui navait jamais été fait auparavant, en tout cas chez EMI.
Ken Townsend et son équipe sautèrent sur loccasion, créant un système où on enregistrait une forme donde sur la piste vide du master qui lutilisait pour piloter le moteur de la seconde machine. Ca les faisait tourner à la même vitesse, mais il ny avait aucun moyen de les déclencher automatiquement, il fallait le faire manuellement. Je plaçais avec attention une marque jaune sur les deux bandes pour marquer le point de départ, et le job de Richard était de suivre les deux bandes au début de chaque prise et dappuyer simultanément sur le bouton “Play” dune machine et sur le bouton “record” de lautre. Il y avait un degré de chance, mais 9 fois sur 10, ça marchait. Il fit un bon boulot.
La session était prévue au studio one, qui était le seul assez vaste pour accueillir un orchestre, et, pour compliquer les choses, on avait décidé dutiliser le système ambiophonie du studio sur les overdubs. Cétait une expérience acoustique menée par les chercheurs dEMI : il y avait actuellement une centaine de hauts-parleurs, disposés précisément sur les murs, et altérant légèrement le retard du signal traité on pouvait avoir les caractéristiques sonores de la pièce quon voulait. Cétait compliqué à mettre en place, et ça demandait un intelligent travail de positionnement des micros, mais ça a donné dexcellents résultats.
On savait quon était à la limite de la technologie de lépoque, alors il y avait beaucoup dappréhension et de nervosité. (…)
les musiciens commencèrent à arriver, parés de leurs beaux costumes. George Martin, lui aussi en smoking, passa dun instrumentiste à lautre -il les appelait presque tous par leurs prénoms- et je le suspectais dêtre un peu embarassé de ce quil allait leur demander de faire cet après-midi. Mal Evans avait décoré le studio avec des ballons, ça faisait assez festif – malheureusement, si vous écoutez très attentivement pendant la montée de lorchestre, vous pourrez entendre le son de quelques ballons éclatant dans le fond sonore !
Comme tout le monde saccordait, Mal circula parmi les musiciens, leur distribuant des trucs “allez camarade, mets un de ces trucs” disait-il aimablement de son accent de titi liverpooldien, nez rouge et faux seins dans les mains.
La plupart des musiciens paraissaient déconcertés ; un dentre eux a même giflé la main de Mal. Mais malgré leurs grognements, la plupart dentre-eux avaient des chapeaux, des pattes de gorille, bien que je soupçonne quils auraient été plus résistants si Mal navait pas fait 2m et 100 kg !
David Mason et Alan Civil, les deux avaient travaillés sur des sessions Beatles avant, furent deux des meilleurs participants cette nuit. Ils avaient appris à connaître paul, et ils avaient réalisés que cétait un vrai artiste. Dave avait joué sur “Penny Lane” quelques semaines auparavant, et il faisait ce quil pouvait pour détendre les autres “Cest bon, cest juste pour déconner ; jouons le jeu”.
Dune certaine manière, cette session marqua une transition. Les barrières entre la musique classique et la musique Pop sestompaient. Et même si la plupart des joueurs de lorchestre dédaignait la musique contemporaine, ils pouvaient voir quils étaient en train décrire lhistoire.
Tout était rendu spécial par latmosphère qui émanait de lenregistrement- la party et les gens en costumes. Richard et moi nous asseyions dans la cabine et regardions le studio se remplir dinvités, émerveillés par la douzaine de célébrités qui arrivaient : Mick jagger, Marianne faithfull, Keith Richards, Brian Jones, Donovan, Graham Nash, Mike Nesmith des Monkees. Brian epstein était là aussi, surveillant la pièce avec attention. Il était toujours aussi protecteur avec ses “garçons”. Dun coup, on a vu neil savancer dans la foule, prendre un resquilleur assez durement et lejecter hors de la fête. Il était de la sécurité ce soir là, et il prenait son rôle très au sérieux.
Lassistant de Brian, Tony Bramwell captura lessence de la fête avec une caméra-à un moment, il y avait eu une discussion quant à sortir un film de lalbum. Mais quelques musiciens ont dit que sils étaient filmés, il faudrait leur payer un extra pour ça. Un sen alla même en colère quand on lui dit quil naurait rien de plus.
Finallement, les quatre Beatles arrivèrent dans le studio sur leur 31. Ils avaient promis de se mettre en smoking mais avaient renoncé. Quoi quil en soit, Lennon a été contrarié quand il a vu que Richard et moi ne portions pas de costumes. Par déférence au strict code vestimentaire dEMI, nous avions une chemise et une cravate.
cependant, John, Paul George et Ringo étaient de bonne humeur, plus que dhabitude -comme sils avaient déjà commencé la fête depuis des heures. Ils savaient quils nallaient rien jouer ce soir, en plus cétait vendredi soir, alors ils allaient avoir le week-end pour se reposer avant de retourner au travail.
Les Beatles étaient très famille royale de la pop à ce moment : ils regardaient partout dans la pièce, retenant le moindre détail, puis après, comme une sorte de famille royale, faisaient leur apparition publique. Cette nuit, ils avaient transformés le studio en studio privé. Sils ne pouvaient pas faire la fête dehors à cause de leur célébrité, ils amenaient la fête à eux !
Pendant que les Beatles faisait leur truc, George Martin discutait avec le chef dorchestre, Erich Gruenberg, lui expliquant ce quil voulait que les musiciens fassent. Je nétais pas invité à leur conversation, mais je voyais daprès leurs mouvements de bras quil y avait un problème. Je me baladais autour, ajustant un micro, mais jétais curieux de savoir ce qui se passait. pendant que jétais là, Paul avait joint la discussion.
“Tout ce que nous voulons est une sorte de truc improvisé, Erich” expliquait un Paul sincère à un Erich perplexe.
“Pas complètement libre, Erich” intervint George. “Je conduirais, et il y a des partitions. Mais on a besoin que chaque musicien joue pour lui, sans écouter les autres autour. Il est absolument indispensable que chaque musicien fasse la montée de la note la plus basse à la note la plus haute à son propre rythme, pas en jouant ensemble avec lorchestre”.
Cétait un sacrilège dans le monde classique.
Les musiciens dorchestre sentraînaient depuis des années, des décennies même, pour sublimer leur individualité et travailler ensemble dans lorchestre.
un Gruenberg affligé murmura “Je ne comprends pas ce que vous êtes en train de dire, mais je vais donner les instructions aux autres.”. Bougeant ses bras, il fit faire le silence aux musiciens et répéta ce quon lui avait dit.
Pendant un instant, on aurais entendu une mouche voler… Puis le murmure commença…
“Faire Quoi ?” “Putain, cest quoi cette histoire !” le sentiment général était plus que loutrage, la consternation. Les musiciens savaient quils étaient ici pour faire leur job. Ils étaient les 40 meilleurs musiciens en Angleterre, et ils navaient certainement pas passé des décennies à répéter et travailler pour quon leur demande dimproviser de la note la plus basse à la plus haute… Et porter un nez rouge par dessus le marché. Ce nétait pas très digne, et il le ressentait.
du temps fu encore perdu pour que George Martin clarifie les choses pour les musiciens déroutés. A ce moment, Mal arriva et mit un nez rouge à George Martin. A la console, on se gondolait, on trouvait lidée excellente, mais à notre grande déception un George distrait lenvoya de côté.
George était irrité, pas seulement à cause de la grogne des musiciens, mais aussi à cause des ballons qui éclataient autour de lui. Pour ajouter à celà, Paul le snobait un peu, allant parler directement aux musiciens au lieu daller le voir lui. Paul était tout simplement plus calme et détendu quant à ce qui allait se passer ce soir.
Finalement une répétition fut organisée. On avait décidé de faire tourner la bande au cas ou. Cétait aussi à cause des contraintes techniques-on savait que les deux machines ne seraient pas toujours synchrones et on voulait maximiser nos chances- et aussi parce quon faisait un truc de dingues.
Toujours conscient du coût, George Martin avait averti Richard et moi de ne pas dire aux musiciens quon les enregistraient plusieurs fois sur des pistes séparés, parce que ça nous aurait coûté plus cher.
On devait leur dire quà chaque fois, on recommençait et on effaçait la fois davant. ce que bien sûr on ne faisait pas. Au bout de deux heures et demi de session, nous avions enregistré le passage huit fois.
Comme la soirée devenait ennuyeuse, Paul décida de conduire lorchestre, et malgré son inexpérience, il fit du bon boulot. Ils avaient différentes approches : George leur donnait plus dinstructions que Paul, donnait sans arrêt des indications visuelles, alors que Paul leur intimait de jouer plus librement. La combinaison et le contraste entre ces deux différents styles était une expérience sonore intéressante quand nous lécoutâmes piste par piste – après que tous les musiciens soient partis avec leur cachet.
La plupart du temps, je suis resté enfermé dans la cabine avec Richard, essayant de donner un sens à tout le bordel dans le studio. cest incroyable de penser quune session si importante -un monument de la musique moderne, vraiment – fut confié à deux dentre nous, un couple de gosses de 24 ans !
Malgré le remue-ménage, John, Paul et George Martin montèrent à la cabine pour écouter le premier playback. A part ça, ils ont passé toute la soirée avec leurs potes. Ron Richards passa la tête dans la cabine, comme beaucoup damis des Beatles le firent, ce qui nous énervait passablement, étant très concentrés sur ce que nous faisions.
Heureusement, la cabine du studio one était assez petite, et il ny avait pas de quoi sasseoir. le résultat est que les gens ne restaient pas longtemps et retournaient au studio.
Cétait le chaos absolu dehors, et il était difficile dassurer quil ny aurait pas de bruits parasites pendant lenregistrement. On avait dit à tout le monde de faire le silence à la lumière rouge allumée, mais tous ne purent pas se contenir – il y avait beaucoup dexcitation dans le studio, presque tout le monde ici savait quil se passait quelque chose dhistorique.
Un des musiciens classiques avait la réputation dêtre un vrai snob, et Richard et moi prenions plaisir à le voir assis inconfortablement avec son nez rouge, essayant de retrouver sa dignité… Mais échouant lamentablement.
Actuellement, il y avait un peu danimosité entre les différentes sections de lorchestre, surtout quand les cuivres avaient picolé. Ils étaient plus cool en général, se relâchaient, alors que les violonistes étaient plus coincés.
A cette époque, le staff dAbbey road savait quil y avait toujours quelque chose de spécial dans une session Beatles. La plupart trouvaient toujours une excuse pour entrer dans le studio, et sils ne pouvaient pas, ils écoutaient aux portes. Tous, exceptés Mr. Fowler et Mr. Beckett, qui étaient consternés de voir ce que leurs studios chéris devenaient ; cest pourquoi jai été surpris de les voir tous les deux, lai sinistre et serrant les mains tristement. Peut-être pensaient-ils quElgar -le fameux chef dorchestre des années 30 dont le nom avait été associé au studio- devait se retourner dans sa tombe. Cest vraiment le passage du flambeau, pensais-je en les voyant.
Fowler et Beckett restèrent peu de temps, partant bien avant le crescendo final et la grosse surprise de la soirée.
Comme George Martin prenait sa baguette et dit ” merci messieurs, cest dans la boîte” tout le monde dans le studio -membre de lorchestre, Beatles, amis des Beatles- se mit spontanémént à applaudir. Cétait un sacré moment, et la fin parfaite pour une telle session.
Après que lorchestre fut parti, Paul demanda aux autres Beatles et leurs invités de sasseoir et essaya une idée quil avait eu pour la fin, quelque chose quil voulait rajouter au crescendo final.
Tout le monde était naze -le studio commençait à sentir sérieusement lherbe, et il y avait beaucoup de vin qui circulait – mais ils étaient content de participer.
Le concept de Paul était de faire murmurer tout le monde à lunisson sur la même note, cétait un de ces trucs davant-garde quil faisait beaucoup à lépoque. Cétait absurde, réellement -le plus grand rassemblement de pop stars au monde, recueillis autour dun micro, murmurant, alors que Paul conduisait le chur. Toutefois, ça nai pas été utilisé sur le disque, la plupart du temps ça finissait en fou rires.
Ce nest bien quaprès minuit que tout le monde arriva à la cabine pour un dernier playback, le reste des gens restant dans le couloir, la porte de la cabine ouverte.
Tout le monde, sans exception, était carrément sidéré de ce quils entendaient ; Ron Richards secouait la tête, disant à ceux qui voulaient écouter “Cest bon, je crois que je vais me retirer maintenant”.
Mais même vivifiés comme nous létions tous, je peux dire que George Martin nétait pas fâché que ça sarrête- Il avait été stressé tout laprès-midi et je suis sûr quil ne voulait quune chose : rentrer se coucher…
Comme nous comptions nos heures sup, Richard et moi parlâmes de ce qui venait de se passer. “Cest une session que je noublierai jamais” dit-il.
Javais à peine la force de hocher la tête en signe dacquiescement. Epuisés et exaltés, nous nous sentions comme si nous étions une partie de lhistoire
Les deux semaines suivantes, les Beatles travaillèrent sur dautres pistes tout en réfléchissant à la fin de “A Day In The Life”. A ce moment, il était devenu évident que cette chanson monumentale serait utilisée pour clore lalbum, alors un fin spéciale -quelque chose de plus puissant que les Hmmm de Paul- était nécessaire.
Linspiration de ce qui fut utilisé vint une fois encore de Paul avec le consentement de John. : un énorme accord de piano qui durerait “à linfini”… en tout cas aussi longtemps que durerait le sustain…”
“On avait du boulot pour tout le reste de la semaine, overduber et couper quelques pistes et commencer le mixage.
Le temps du mono était révolu, seuls les mix stéréo furent donc réalisés (ça a été le cas depuis lalbum blanc). Il y avait des tensions occasionnelles, mais en général, il y avait de bonnes vibrations, sans doute parce que chacun voyait la lumière au bout du tunnel.
Jusquici, chaque instrument sur “Abbey Road” avait été joué par les quatre Beatles- contrastant avec papper, Magical Mystery Tour et lalbum blanc- il ny avait pas dautres musiciens.
Cétait ok pour John, mais pas pour Paul ou George Harrison, les deux voulant des instruments dorchestre sur quelques uns de leurs morceaux. En conséquence, George Martin écrivit quelques arrangements et appela les meilleurs musiciens de Londres pour une session marathon.
Malheureusement, EMI navait pas encore installé un 8 pistes au studio one ni une plus grande console, on était obligés de bidouiller un système audio compliqué qui permettait aux musiciens dêtre assis dans le grand studio one pendant quon les enregistrait dans le studio 2.
La journée était découpée en deux parties : une session le matin, overdubs dans “Golden slumbers/carry That weight” et “The End” et une session laprès-midi, où serais ajoutées les parties orchestrales pour “Here Comes The Sun” et “Something” de Harrison.
Suivant le schéma établi dès le début de lalbum, le seul Beatle aux sessions du matin était Paul et le seul aux sessions de laprès-midi Harrison. Phil McDonald a toutefois été avec moi toute la journée-travailler dans deux studios en même temps est en réalité très compliqué, et on avait besoin de bras supplémentaires. George Martin conduisit pendant que chaque Beatle produisait sa propre session. Heureusement, il ny eu pas de problèmes techniques majeurs et tout se passa bien.
Le seul accroc fut quand George Harrison annonça quil voulait refaire son solo sur “something”. Nous étions daccord pour satisfaire à ses envies, mais le problème est quil ny avait plus quune seule piste restante et quon en avait besoin pour lorchestre. La seule solution était quil joue en live, en même temps que lorchestre, on pourrait ainsi les enregistrer simultanément sur la même piste.
Jétais très impressionné par sa manière nonchalante de dire “Ok, faisons ça”. Il fallait beaucoup de culot et de confiance en soi pour se mettre soi-même dans une telle situation. George devait jouer son solo correctement tout du long, sans punch-ins, parce que le son venant de son ampli de guitare aurait été repris par les autres micros, et il ne devait pas faire trop de pains parce que ça coûtait cher davoir un orchestre présent.
Mais il est parvenu à jouer le solo complexe facilement, et à la fin dune longue nuit, ses deux chansons étaient terminées et prêtes à mixer”.
Informations complémentaires
Chronique du disque par Uncle Jack
Well, les amis, que dis-je les amis ! MES CHERS AMIS !
Soyons sérieux deux secondes, hein ? En 66 les Stones ont sorti”Aftermath”, un album à tomber par terre, le genre de truc qui vous donne envie de croire en dieu ( Et cest MOI qui vous le dit !), avec un Brian Jones (leur George à eux) au top de sa forme, un Jagger arrogant et superbe, et le Keef qui commence àsortir de son obsession Chuck Berry pour devenir le fabuleux pirate quil est toujours.
Bon, les Beatles ont répliqué en sortant leur flingue :”Revolver”, on a vu ça, mais les Beach Boys à la même époque repoussent encore les limites de la Pop magique telle que nous laimons tous : “Pet Sounds”
“Sergeant Pepper” va définitivement placer les Beatles hors datteinte, ils sont les meilleurs et ils le savent les bougres, un peu comme une belle fille consciente de sa grâce, les lads from Liverpool terrassent le monde en juin 67 !La rondelle de vinyl mythique est là, on se dit quune telle magie ne peut émaner de cette banale plaque en plastique noir,ET POURTANT, ELLE TOURNE ! Comme dirait lautre.On entend saccorder un orchestre classique, mais cest bel et bien du ROCK qui ouvre lalbum, putain cest musclé, martelé à grands coups de guitares assénées, et Ringo qui tape comme un sourd et relance la bête, Paulo a sa voix “rock” des grands jours, ça commence bien cette affaire, dites-moi !
Le morceau senchaine à “With a Little Help From My Friends”, merveilleux et débonnaire, le rythme bon enfant est irrésistible de souplesse, Billy Shears alias Ringo na jamais aussi bien chanté ; faut dire que cet hymne à lamitié lui va comme un gant,lui larchétype du bon copain, il est ravi de ce cadeau que lui font John & Paul et ça sentend : il est hilare le brave Richard,on est content pour lui.
“Lucy In The Sky With Diamonds” : ces accords cristallins ont fait le tour du monde, mais ça marchera toujours. La voix de Lennon semble provenir dun autre monde, tout baigne dans une atmosphère de rêve ouaté, une chanson qui se vautre dans les nuages, jusquà ce que les BLAM BLAM BLAM de Ringo vous sortent de votre torpeur, et vous font hurler :”Lucy in the sky with diamonds !!!” les yeux brillants et un sourire idiot vous fendant la tronche, cest de la pop céleste, les mecs ! ( et les Girls !)
“Getting Better” Les accords pêchus et pourtant tellement lumineux qui cinglent les oreilles dés le début, une charpente fleurie pour la voix de Paul et sa basse errante, des choeurs venus de lespace, un Ringo Starr inventif qui marche sur des oeufs, il sent bien quil ne faut pas alourdir ce morceau déjà bati sur un riff très appuyé. Résultat : ce rock aérien et capricieux est tout bonnement imparable.
Enrubanée ce clavecin, “Fixin a hole” est une superbe chanson de Paul, la guitare de George vient taquiner la basse paresseuse deMacca, pour finalement lentrainer dans une espèce de ronde enfantine irréelle, quest-ce que vous voulez que jy fasse moi ? Ces types, y sont pas humain !
Les doigts de fée de George Martin caressent une harpe pendant “Shes Leaving Home”, une chanson déchirante à propos dune fillequi senfuit de chez ses parents. Les arrangements de cordes sontde George Martin itou ( il gagne dans ce disque définitivement ses galons de 5ème Beatle ), cest beau à pleurer, les parents sont désepérés, pathétiques, ils ne savent pas ce quils ont faitde travers. Le texte de Paul, auquel John a collaboré, est un miracle démotion : quand la maman, “standing alone at the top of the stairs, she breaks down and cries to her husband : “Daddy, our babys gone !” Merveilleusement lacrimal, mon cher Watson !
“Being for the benefit of Mr Kite”, son ambiance de cirque, le ton ironique de John, la petite valse du milieu, ouais cest bien cool, de toute façon, zêtes en train de vous essuyer les yeux et de vous moucher bruyamment dans les rideaux à cause de “Shes leaving home””Chers petits amis, il est temps de retourner votre disque des Beatles, à tout de suite !” Vous vous rappelez vos disques de contes Walt Disney, quand vous étiez petits ? En retournant la plaque, je me dis que “Sergant Pepper” est un disque de contes, que jai 6 ans et quils vont me raconter des histoires pour mendormir…
“Within you Without you” nous transporte en Inde, George nous refait le coup de “Love you to”, mais ici, même la mélodie est basée sur le dihuba ( un violon quy zont là-bas ), auquel la voix douce de George se colle admirablement, allez faites-moi tourner ce pétard !
“When Im sixty-four” du Paul en solo, ou presque. McCartney affectionne particulièrement cette ambiance rétro, il va nous refaire le coup souvent, vous verrez ça, cest linfluence de son papa, cest pas du rock bien sûr, mais cest tellement agréable à écouter, Paul semble tellement à laise que lon avale ça avec le reste, à savoir que les Fabs sont devenu bien plus quun groupe de rock.
“Lovely Rita” McCartney encore, bondissant et espiègle, bon sang mais il intenable ces jours-ci ! Faudrait lui clouer les semellesau sol, impossible ! Le morceau est une vraie fête, les choeurs sont lointains et souriants, cest plein de trouvailles, de sons marrants, la batterie a lair dêtre montée sur ressorts, et le piano de saloon de la fin prend tout le monde par surprise. Cool !
“Good Morning, good morning” Malgré lironie dun John toujours un peu désabusé, y a une irrésistible bonne humeur qui se dégage de ce morceau, ces cuivres rutillants, ce Ringo pétaradant qui samuse à effrayer la basse-cour, y a une ODEUR de foin, de chaleur de poulallier, un solo cinglant de George vient zèbrercette fiesta rurale dun éclair électrique, franchement les potes, plus je lécoute, plus je laime celle-ci !
Merde ! Déjà le générique de fin ?
Le groupe vient saluer le charmant public, NOUS ! Ouais, ouais,on a enjoyed the show, sure enough !
Mais il reste…A DAY IN THE LIFE ! Une oeuvre magistrale ( allons-y pour les poncifs, inévitables dans ce cas ),depuis lintro nonchalante dun John touché par la grâce, ces phrases incompréhensibles que nous connaissons par coeur, il nous les Jette en grattant négligemment sa guitare.Ensuite, y a la chanson de Paul à lintérieur de lautre, essouflé Paulo cavale parce quil est en retard, ahff ! ahff ! ahff !, jusquau moment où il est dans son bus, à létage il sallume une clope et il rêve…laaaaaaaa laaaaaaal llaaaaaa John revient alors, avec sa formidable façon de vous vriller sa mélodie imparable dans le cerveau, sans avoir lair dinsister, mais son texte absurde restera également ancré dans nos mémoires, et je me demande toujours combien il faut de trous pour remplir lAlbert Hall !
Je vous laisse, voici que revient le grand Tourbillon, emportant guitares, pianos et violons, dans une tornade symphonique extraordinaire, jusquà ce terrifiant accord final, qui résonne encore à lheure où jécris ceci. Allez, salut maintenant !