L’histoire du rock est parsemée de moments où des artistes se sont inspirés, rendus hommage et ont interagi les uns avec les autres d’une manière qui va bien au-delà de la simple imitation musicale. Un exemple frappant de ce phénomène est la reprise de « Peggy Sue » par John Lennon, un hommage tout à la fois personnel et musical à l’un des artistes les plus influents du rock, Buddy Holly. Cette chanson, bien que datant des années 1950, traverse les époques, et sa réinterprétation par Lennon en 1974 est une pièce maîtresse d’un album singulier, Rock ‘N’ Roll. Derrière cette reprise se cache un univers d’influences, de souvenirs et de créations partagées entre deux des plus grands noms de l’histoire du rock.
Sommaire
Le parcours de « Peggy Sue » : une histoire d’influence et de transformation
« Peggy Sue », écrite par Buddy Holly, Jerry Allison et Norman Petty, a été enregistrée par le groupe Buddy Holly and The Crickets en 1957. Initialement intitulée « Cindy Lou », du nom de la nièce de Holly, la chanson a été rebaptisée « Peggy Sue » sur suggestion de Jerry Allison, le batteur des Crickets, qui voulait rendre hommage à sa petite amie de l’époque. Dès sa sortie, « Peggy Sue » devint un immense succès, se hissant au sommet des charts américains, et demeure encore aujourd’hui un morceau incontournable du rock des années 50.
Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Le titre et le nom de Buddy Holly, que ce soit par les chansons ou les références qu’il a laissées, ont eu une influence durable sur plusieurs générations de musiciens. Les Beatles, bien sûr, sont parmi les plus grands admirateurs de l’artiste. Ils ont été façonnés par l’héritage de Holly, non seulement par l’écoute assidue de ses morceaux, mais aussi par l’intégration de son style dans leurs propres compositions. Dès leurs débuts, les Quarrymen, futurs Beatles, ont repris plusieurs titres de Holly, dont « That’ll Be The Day », une chanson qui marqua leur entrée dans l’histoire de la musique. Le groupe a par ailleurs enregistré « Words of Love » pour leur album Beatles for Sale en 1964, une chanson de Buddy Holly. Le lien entre les Beatles et Buddy Holly est donc indéniable et va bien au-delà de la simple admiration ; il fait partie intégrante de l’ADN musical du groupe.
John Lennon et « Peggy Sue » : un hommage personnel à un géant du rock
John Lennon, comme ses camarades de groupe, vénérait Holly et a toujours eu un lien particulier avec son répertoire. Dès ses premiers pas sur scène avec les Beatles, Lennon a intégré plusieurs chansons de Buddy Holly dans le répertoire du groupe. Des titres comme « That’ll Be the Day », « Everyday », « It’s So Easy » et « Maybe Baby » ont rythmé les performances live des Beatles. Cependant, c’est après sa séparation avec le groupe en 1970, lors de sa carrière solo, que Lennon aurait l’occasion de rendre hommage à son idole d’une manière plus intimiste et personnelle.
En octobre 1974, Lennon décide d’enregistrer une version de « Peggy Sue » pour son album Rock ‘N’ Roll. Bien que la chanson ne soit pas la seule reprise sur cet album, elle se distingue par son énergie et son caractère emblématique du rock des années 50, une époque que Lennon tenait à célébrer à travers cet album. Il faut dire que la musique de cette période, à la fois brute et mélodique, avait eu une influence profonde sur l’évolution de Lennon en tant que musicien. « Peggy Sue », avec sa mélodie indémodable et son énergie folle, se présente ainsi comme un parfait clin d’œil à la jeunesse insouciante et rebelle du rock’n’roll des années 50, un monde auquel Lennon se sentait encore profondément lié, même après plusieurs années de carrière et d’expériences musicales nouvelles.
La version de Lennon de « Peggy Sue » se distingue par un son authentiquement rock, porté par l’énergie d’une époque révolue mais toujours vivante dans l’âme du musicien. Enregistrer ce morceau, c’était renouer avec les racines du rock et revendiquer son appartenance à ce pan de l’histoire musicale. La chanson fait écho à cette époque de rébellion et de plaisir, un aspect du rock que Lennon n’a jamais abandonné. Les arrangements sont simples mais percutants, avec un travail de guitare électrique énergique de la part de Lennon et de Jesse Ed Davis, tandis que l’accompagnement rythmique, porté par Klaus Voormann à la basse et Jim Keltner à la batterie, solidifie cette atmosphère de pur rock’n’roll.
Les sessions d’enregistrement de « Rock ‘N’ Roll » : le dernier hommage de Lennon
Les sessions d’enregistrement de Rock ‘N’ Roll, qui se sont déroulées entre octobre et novembre 1974, ont été marquées par une ambiance particulière. Lennon y a enregistré plusieurs reprises de chansons anciennes, mais Peggy Sue se distingue par son émotion brute et son esprit de camaraderie. En effet, l’album se veut une célébration de la musique de cette époque dorée, mais il reflète aussi une époque de transition pour Lennon, qui, à travers ces reprises, semble vouloir retrouver l’énergie et l’insouciance de ses jeunes années. Ce retour aux sources s’inscrit dans une volonté de réappropriation et de respect pour les origines du rock’n’roll, mais aussi pour les artistes qui ont forgé le paysage musical que Lennon connaissait si bien.
Le Rock ‘N’ Roll de Lennon, bien que souvent sous-estimé par rapport à d’autres albums de sa carrière solo, contient une charge émotionnelle indéniable. Le choix de « Peggy Sue », un titre aussi emblématique et intime, témoigne de l’envie de Lennon de rendre hommage à ses influences tout en préservant son propre esprit créatif. Au-delà de la simple reprise, c’est une réinterprétation où Lennon inscrit sa propre patte musicale, tout en laissant entrevoir son admiration sans bornes pour Buddy Holly.
Une rencontre inattendue : Paul McCartney et « Peggy Sue »
Il est intéressant de noter que « Peggy Sue » ne fut pas seulement un morceau repris par John Lennon. Son acolyte Paul McCartney, toujours attentif aux références musicales, choisit également de revisiter ce titre en 1974. Ce n’est pas une coïncidence que Lennon et McCartney aient tous deux enregistré cette chanson la même année, après tout, leur histoire musicale commune était marquée par un amour partagé pour les artistes comme Buddy Holly. En août 1974, McCartney enregistra sa propre version de « Peggy Sue » lors des sessions de One Hand Clapping. Bien que cette version ait été moins connue et ne soit sortie officiellement qu’en 2024, cet enregistrement témoigne de la manière dont les deux anciens Beatles continuaient d’explorer les mêmes territoires musicaux. Il est fascinant de constater que, malgré leurs divergences artistiques et personnelles, les deux hommes ont continué à nourrir cette passion commune pour les racines du rock, entre réinterprétation et hommage.
L’héritage de Buddy Holly et la transmission du flambeau
La reprise de « Peggy Sue » par John Lennon, comme celle de Paul McCartney, n’est pas seulement un geste musical, mais aussi un acte symbolique. Buddy Holly, qui est décédé tragiquement à l’âge de 22 ans en 1959, a eu une influence durable sur le rock et la musique en général. Si les Beatles ont fait connaître son nom au grand public, leurs réinterprétations de ses chansons ont ouvert la voie à de nombreuses autres générations d’artistes qui ont, eux aussi, choisi de célébrer cette légende du rock.
L’impact de Holly est double : il a non seulement écrit des chansons intemporelles, mais il a également inspiré une manière de faire de la musique, un esprit de liberté et d’innovation qui continue de traverser les décennies. En reprenant des morceaux de Buddy Holly, Lennon, McCartney, et même les autres membres des Beatles, ne faisaient pas seulement acte de nostalgie, mais aussi de transmission. Par leur respect et leur admiration pour l’œuvre de Holly, ils ont permis à sa musique de rester vivante, de continuer à rayonner et d’influencer des générations de musiciens à venir.
« Peggy Sue » : une chanson intemporelle, une référence
Que ce soit dans la version originale de 1957 ou dans les interprétations de Lennon et McCartney, « Peggy Sue » reste une chanson mythique du rock. Elle incarne à la fois l’essence du rock’n’roll des années 50 et l’évolution de cet art à travers les âges. La manière dont Lennon a abordé cette chanson en 1974 est un témoignage de son amour pour la musique qui l’a façonné. Son approche est à la fois un hommage et une réinterprétation, et cela en dit long sur la manière dont il a toujours puisé dans son passé pour nourrir son présent musical.
À travers cette chanson, c’est toute l’histoire du rock qui se retrouve condensée : l’influence des pionniers comme Buddy Holly, la passion des Beatles pour ces sons intemporels, et la manière dont ces éléments continuent d’inspirer les artistes contemporains. « Peggy Sue », dans toutes ses versions, est une page d’histoire du rock, et elle nous rappelle que, parfois, les morceaux les plus simples sont ceux qui marquent le plus profondément.
