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GRANDE PREMIÈRE DE LOVE : All we need is… les Beatles!

Quand le spectacle LOVE a pris fin, mercredi soir, une seule phrase tournait dans ma tête, à la manière des confettis qui flottaient encore dans la salle : j’aime les Beatles, j’aime les Beatles, j’aime les Beatles. Et si j’ai aussi aimé LOVE du Cirque du Soleil – non sans quelques réserves -, c’est que ce spectacle est à la hauteur de l’amour que nous portons tous, parfois sans le savoir, au groupe qui a transformé à jamais la musique, nos quatre Mozart à nous, nos Bach du 20e siècle…
Le plus remarquable de ce spectacle? D’abord, bien sûr, la musique du plus fameux quatuor pop, qui nous enveloppe et nous traverse littéralement le corps, mixée de main de maître par Sir George Martin et son fils Giles : rien n’est gratuit ou facile dans ce montage-mixage puissant de 130 chansons, dont une trentaine au complet. Mais que les amateurs soient avertis : les ultra-classiques du genre Michelle ou Yellow Submarine ou Twist and Shout ne figurent pas vraiment dans la trame sonore. En fait, pratiquement rien des tout premiers disques n’a été retenu, si ce n’est de très brefs extraits et trois, quatre chansons enregistrées entre 1963 et 1966.
En effet, plus de la moitié des chansons «complètes» de la trame sonore sont tirées des disques Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band (1967), Magical Mystery Tour (1967) et Abbey Road (1969). C’est donc dire des albums à la fois plus expérimentaux, plus mûrs et plus aboutis, et dont les textes des chansons sont importants pour le déroulement de l’«histoire» du spectacle, textes particulièrement bien mis en valeur dans LOVE, aussi importants que les notes et les arrangements – c’est un homme de théâtre, de mots, Dominic Champagne, qui signe la mise en scène.
L’illusion plus que parfaite
Mais que la musique des Beatles soit hors du commun, de quelque façon qu’elle soit diffusée ou mixée, on le savait déjà, n’est-ce pas? Ce qu’on ne savait pas, c’est à quel point sont exceptionnels et même fondamentaux les dialogues entre les quatre Boys recréés par François Pérusse et jumelés aux fantastiques projections de Francis Laporte et aux éclairages d’Yves Aucoin. On le sait, on l’a répété, le Cirque du Soleil a réinventé l’art du cirque il y a une vingtaine d’années. Avec LOVE, il vient de réinventer ou, en tout cas, de pousser plus loin le multimédia en lui conférant (enfin) une portée émotive: dans un court numéro intitulé Abbey Road, on voit ainsi les silhouettes en 3D des Beatles (grâce à des projecteurs V-Base), les Beatles qui parlent, rigolent et tentent de traverser la fameuse rue immortalisée sur la pochette de leur album Abbey Road. Pas une personne dans la salle ne s’est au moins un instant interrogée : mon Dieu, est-ce que ce sont «eux» en personne? Est-ce des comédiens? Non, non, ce sont des ombres numérisées, mais l’illusion est plus que parfaite : elle est humaine. Les Beatles sont avec nous… Et soudain, on a le coeur qui se gonfle d’émotion.

Ce simple exemple résume parfaitement un des fascinants paradoxes de LOVE : le Cirque nous émeut et nous ravit le plus en faisant appel soit à des équipements extrêmement pointus (et généralement invisibles), soit à des techniques extrêmement simples. Quoi de plus simple, de plus ancien pour éveiller l’émerveillement, que des silhouettes, des bulles de savon (le sublime numéro Strawberry Fields), des confettis ou un drap géant dont toute la salle, retombée en enfance, se couvre (le très halluciné et hallucinant numéro Within You, Without You)? À cela s’ajoutent des centaines d’accessoires absolument irrésistibles, comme autant de jouets qu’on aimerait avoir en sa possession.
La Grande-Bretagne est constamment évoquée par les parapluies, le thé, la reine, un lit volant qui rappelle Peter Pan ou des personnages inspirés de Lewis Carroll. En fait, on pourrait écrire 20 articles juste en analysant les innombrables détails et références historiques de chacun des numéros – faisons confiance aux maniaques des Beatles, ils sont sans doute déjà en train de les écrire sur l’un des 9000 sites consacrés aux Fab Four! Oui, mais les acrobaties?, se demanderont les fans du Cirque. Il y en a. Et quand il y en a, elles sont irrésistibles, comme le sont les numéros Being for the Benefit of Mr. Kite et surtout Help! avec des patineurs fous qui coupent la respiration.
Mais LOVE est d’abord et avant tout un spectacle qui mêle théâtre, chorégraphie et musique (à quand la Troupe du Soleil?), bref un musical qui repose sur deux trames : une chronologique (les moments-clés de la vie des Beatles) et une émotive (les chansons, qui s’enchaînent en fonction de leur texte et non de leur année de composition).
Les points faibles
C’est cette trame émotive qui est à la fois le point fort et le point faible du spectacle. Le faible? Le premier tiers de LOVE, certes audacieux, l’est tellement qu’il touchera peu les spectateurs qui ne sont pas des connaisseurs des Beatles – disons qu’il n’est pas à la hauteur du reste du spectacle en étant trop haut! Est-ce parce que nous ne sommes pas encore habitués au rythme du spectacle, ou décontenancés par cette évocation de la Deuxième Guerre mondiale que nous n’associons pas spontanément au quatuor (les Beatles, c’est vrai, sont tous nés pendant la guerre) ou tout simplement parce qu’on n’y «sent» pas le quatuor, jusqu’à l’arrivée du fameux dialogue «Abbey Road» mentionné plus tôt? Quoi qu’il en soit, la plupart des spectateurs restent de glace pendant ce premier tiers.
LOVE compte aussi d’autres irritants : le numéro récité de Blackbird, d’abord comique, puis long, enfin scatologique et vulgaire sans raison; idem pour un personnage récurrent qui se promène avec de plus en plus de fleurs et qui rappelle surtout les personnages les plus fatigants des anciens spectacles du Cirque.
Le point fort? Une fois le cap du premier tiers passé et les Beatles parmi nous, LOVE devient un grand spectacle, un théâtre musical qui émeut aux larmes, fait rire de plaisir ou rappelle la frénésie particulière des années 60-70 : la mort de la mère de Lennon évoquée dans A Day in the Life, le désespoir magnifique de la danse dans While My Guitar Gently Weeps (dans de «nouveaux» arrangements de George Martin, qui sont tout simplement sublimes, à mon sens – et les amateurs de danse reconnaîtront peut-être la touche de Margie Gillis dans la chorégraphie…), le bonheur carrément enfantin ressenti pendant Octopus’s Garden et Strawberry Fields, l’impression de rêve éveillé pendant Lucy in the Sky with Diamonds, ou l’évocation réussie de la période indienne des Beatles pendant Here Comes the Sun (avec même des odeurs d’encens!) et de la période engagée du groupe pendant Revolution.
Le spectacle se termine toutefois sur un dernier paradoxe, à la fois haut en couleurs, joli comme tout et profondément troublant : All You Need is Love, à Las Vegas, une ville où tout le monde chante plutôt «Give me money, that’s what I want»… Alors? Alors, il y a les Beatles. Contre le cynisme, la musique des Beatles. Contre l’amertume, le génie des Beatles. Et celui de Dominic Champagne et de son équipe qui nous rendent Paul, John, George et Ringo de nouveau vivants, amis et musiciens. Tout ce dont nous avons besoin, véritablement, c’est des Beatles…

Source : Marie-Christine Blais / La Presse

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