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George Harrison et « Run Of The Mill » : le chant du cygne des Beatles

L’album All Things Must Pass marque un tournant décisif dans la carrière de George Harrison. Après des années passées dans l’ombre de John Lennon et Paul McCartney, l’ancien Beatle prouve avec éclat qu’il est un compositeur à part entière, capable de produire des œuvres d’une grande profondeur émotionnelle et musicale. Parmi les morceaux les plus marquants de cet opus légendaire, Run Of The Mill occupe une place particulière. Non seulement il s’agit d’un adieu subtil aux Beatles, mais c’est aussi une réflexion introspective sur la responsabilité personnelle et les relations humaines.

Une chanson née du chaos

Run Of The Mill voit le jour dans un contexte de tensions extrêmes au sein des Beatles. La période Let It Be (1969) est marquée par des dissensions profondes, notamment entre Paul McCartney et George Harrison. Ce dernier, fatigué d’être relégué au second plan en tant que compositeur, décide de quitter temporairement le groupe le 10 janvier 1969. Bien que son départ soit de courte durée, il témoigne d’un malaise grandissant.

Les conflits autour de la gestion d’Apple Corps, la maison de disques des Beatles, alimentent également la frustration de Harrison. Paul McCartney impose ses décisions, souvent au détriment de ses camarades, ce que George évoque avec ironie : « Ringo voulait du bleu, John voulait du blanc, Paul voulait du vert et moi, je voulais de l’orange. » Cette phrase illustre le climat chaotique qui régnait alors, où chaque membre tentait d’imposer sa vision au détriment du collectif.

Une introspection musicale et philosophique

Contrairement à d’autres compositions de Harrison de l’époque, qui s’orientent davantage vers la spiritualité et la quête d’un sens supérieur, Run Of The Mill repose sur une thématique plus terre-à-terre : la responsabilité individuelle.

Les paroles soulignent la nécessité d’accepter les conséquences de ses choix :

« Everyone has choice / When to or not to raise their voices / It’s you that decides »

Harrison, alors âgé de seulement 26 ans, prend conscience qu’il doit désormais tracer sa propre route, sans attendre la validation de Lennon et McCartney. Ce message de prise de pouvoir personnel est renforcé par l’un des passages les plus frappants de la chanson :

« I may decide to / Get out with your blessing / Where I’ll carry on guessing »

On y ressent la résignation d’un homme qui sait que son avenir dépend uniquement de lui-même.

Une critique implicite de ses anciens camarades ?

Le titre de la chanson, Run Of The Mill, signifie littéralement « production courante », une expression utilisée dans l’industrie textile du Yorkshire pour désigner quelque chose d’ordinaire. Harrison explique plus tard que ce choix de titre reflète la manière dont ses chansons étaient perçues par ses anciens camarades : sans grande importance. Loin d’être un simple règlement de comptes, la chanson est néanmoins empreinte d’une certaine amertume.

Une instrumentation subtile et raffinée

La version studio de Run Of The Mill, enregistrée entre mai et octobre 1970 sous la houlette de Phil Spector, bénéficie d’une orchestration élégante et épurée. Loin des arrangements grandiloquents qui caractérisent d’autres morceaux de All Things Must Pass, celui-ci repose sur une instrumentation sobre mais efficace.

Aux côtés de Harrison (guitare, chant), on retrouve une équipe de musiciens talentueux :

  • Carl Radle à la basse, ancien collaborateur d’Eric Clapton,
  • Gary Wright au piano, qui deviendra un ami proche de Harrison,
  • Bobby Whitlock à l’harmonium,
  • Jim Price à la trompette et Bobby Keys au saxophone,
  • Jim Gordon à la batterie, futur membre de Derek and the Dominos.

Cette formation donne au morceau une couleur chaleureuse et intime, en parfaite adéquation avec son message introspectif.

Une redécouverte tardive

Si Run Of The Mill est loin d’être la chanson la plus connue de All Things Must Pass, elle bénéficie d’une redécouverte progressive au fil des décennies. Un enregistrement acoustique de la chanson, réalisé par Harrison en mai 1970, apparaît notamment dans le documentaire de Martin Scorsese George Harrison: Living in the Material World (2011) avant d’être publié officiellement sur Early Takes: Volume 1 en 2012.

Ce dépouillement acoustique met en lumière la force des paroles et l’émotion brute qui s’en dégage. On y découvre un Harrison à fleur de peau, seul avec sa guitare, livrant un testament musical empreint de sagesse et de mélancolie.

L’héritage d’un chef-d’œuvre

Au-delà de son contexte historique, Run Of The Mill reste une œuvre universelle, abordant des thèmes intemporels tels que l’acceptation de soi, la responsabilité individuelle et la complexité des relations humaines. Elle témoigne de la maturité artistique et émotionnelle d’un George Harrison qui, affranchi de l’ombre des Beatles, prouve qu’il était bien plus qu’un simple « troisième homme ».

Loin d’être « ordinaire » comme son titre pourrait le laisser croire, cette chanson incarne l’essence même de ce qui fait la grandeur de Harrison : une sincérité désarmante, une mélodie intemporelle et une capacité rare à toucher l’âme de son auditeur.

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