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Ringo Starr : Le départ temporaire qui a révélé les fractures des Beatles

Dans l’histoire, on raconte souvent la séparation des Beatles à travers le prisme des grandes querelles entre John Lennon, Paul McCartney et George Harrison. Lennon et McCartney se disputaient la direction musicale, tandis qu’Harrison luttait pour être considéré à sa juste valeur. À force d’exposer les désaccords internes de ces trois personnalités fortes, on en oublie parfois le rôle de Ringo Starr. Toujours prêt à se fondre dans l’arrière-plan, le batteur entretenait malgré tout des liens cordiaux avec chacun de ses camarades — mais cela ne l’a pas empêché d’atteindre ses propres limites.

Son point de rupture survient pendant l’enregistrement du White Album (1968), dans un contexte de tensions généralisées au sein du groupe. Cette période reste dans la mémoire collective comme un moment où les Beatles se côtoyaient de plus en plus difficilement en studio. Le départ temporaire de Ringo, exaspéré par l’ambiance délétère et l’impression de ne pas être essentiel, est symptomatique d’un groupe au bord de la rupture.

Un climat de tensions au moment du White Album

Une atmosphère explosive

L’enregistrement du White Album se déroule de mai à octobre 1968, dans un climat tendu. Les Beatles, revenus de leur retraite en Inde, semblent plus morcelés que jamais. Lennon est absorbé par ses nouvelles expérimentations (et par sa relation avec Yoko Ono), McCartney poursuit son besoin de contrôle artistique, tandis que Harrison essaie de faire reconnaître ses propres compositions. Les quatre musiciens ne sont plus en synergie comme à l’époque de Sgt. Pepper.

Plusieurs témoignages indiquent une ambiance où chacun travaille parfois seul sur ses morceaux, ou dans un studio annexe, tandis que les autres membres s’investissent peu ou se disputent sur des détails (choix d’arrangement, manière de chanter). C’est dans ce contexte que Ringo Starr, réputé pour sa sérénité, finit par craquer.

L’obligation de produire un double album

Selon Paul McCartney, le White Album reflète « l’éclatement des Beatles » parce que le groupe refusait d’omettre certaines chansons. Chacun voulait imposer ses nouvelles compositions, sans compromis. Les conflits se multiplient donc autour des arrangements, des sessions interminables et d’un perfectionnisme parfois poussé à l’extrême. Lennon déclarera plus tard : « La séparation des Beatles peut s’entendre sur cet album. »

Ringo Starr : « l’oublié » du quatuor

Un batteur souvent négligé

« Et Ringo Starr était là aussi. » Cette phrase résume, de manière caricaturale, le statut du batteur, régulièrement relégué au second plan dans la narration du groupe. Alors que Lennon, McCartney et Harrison occupent l’avant-scène — que ce soit médiatiquement ou dans la composition — Starr se contente de rester à la batterie. Pourtant, son jeu est essentiel à la dynamique des Beatles ; de plus, son état d’esprit pacifique a souvent servi de tampon face aux frictions internes.

Malgré tout, dans ce contexte d’enregistrement houleux, Ringo ne se sent plus écouté. Il a l’impression que ses trois coéquipiers avancent dans une connivence nouvelle qui l’exclut. Dans un élan d’honnêteté, il confiera plus tard : « Je ressentais deux choses : je trouvais que je ne jouais pas très bien et que les trois autres étaient vraiment heureux. J’avais le sentiment d’être un étranger. »

« Back in the U.S.S.R. », sans Ringo

Le morceau « Back in the U.S.S.R. », enregistré à l’été 1968, cristallise le sentiment d’exclusion. Les sessions ont lieu les 22 et 23 août, alors que les tensions internes atteignent un pic. Ringo Starr, excédé, quitte le studio : il part littéralement du groupe. Dans la foulée, John, Paul et George s’arrangent pour enregistrer la batterie eux-mêmes, se répartissant les percussions.

Pour Starr, ce constat est douloureux : le fait que le groupe continue l’enregistrement de la chanson sans lui renforce son impression qu’on ne le juge pas indispensable. Cela suffit à briser sa motivation. Il part prendre du recul, persuadé qu’il n’a plus sa place.

Les aveux de Ringo à John et Paul

Les craintes d’être « mal aimé »

Selon le témoignage de Ringo, il se sent mal à l’aise de ne plus jouer pleinement son rôle dans le groupe. Avant de partir en vacances, il se rend chez Lennon pour lui expliquer ce qu’il a sur le cœur : « Je quitte le groupe parce que je ne joue pas bien, je me sens mal aimé et en dehors du groupe. » Son étonnement est grand quand John lui répond : « Je pensais que c’était vous trois ! »

Ainsi, Lennon, loin d’être soudé à McCartney et Harrison, éprouve lui aussi cette sensation d’isolement. Une dynamique similaire apparaît lorsqu’il parle à Paul, qui lui confesse également se sentir exclu. Starr comprend alors que chacun, dans son coin, nourrissait l’impression d’être en marge des deux autres.

Le retour au sein du groupe

Après quelques jours de vacances, Ringo Starr reçoit des signaux d’apaisement de la part de ses camarades, qui lui font comprendre qu’ils ont besoin de lui. Il revient finalement en studio, décoré de fleurs sur sa batterie en signe de bienvenue. Il retrouve sa place derrière le kit et, avec un flegme habituel, poursuit l’enregistrement du White Album.

Pour autant, la crise qu’il vient de vivre illustre à quel point l’entente est vacillante. Les Beatles finiront par mener à bien cet album-mastodonte, mais la fatigue et les ressentiments persistent et se répercuteront sur les sessions suivantes (Let It Be et Abbey Road).

Les conséquences pour la fin des Beatles et la vision de Ringo

Ringo, un lien qui subsiste entre les trois autres

Dans l’imaginaire collectif, on a souvent sous-estimé le rôle de Ringo comme ciment humain parmi les Beatles. Moins enclin aux affrontements, il reste proche de chacun d’eux, à sa manière. Même après la séparation, Ringo demeure l’ami commun, collaborant dans les années 1970 et 1980 avec Lennon, avec Harrison, ou invitant McCartney en studio.

L’épisode du White Album montre toutefois que, malgré sa réputation de médiateur, il n’est pas insensible. Lorsqu’il pense qu’on ne l’apprécie plus, il prend la décision radicale de claquer la porte, prouvant que même la patience a ses limites.

Le sentiment durable d’avoir été mis à l’écart

Bien qu’il soit revenu au sein du groupe, on peut imaginer que la blessure a laissé une trace chez Starr. « Back in the U.S.S.R. » s’inscrit comme un symbole de ce moment : un enregistrement mené sans lui, comme pour signifier qu’en son absence, la machine continue à fonctionner. Au fil du temps, Ringo adoptera pourtant une perspective plus douce : il reste fier de son héritage de batteur au groove unique, même s’il a manqué de reconnaissance dans la presse ou parmi certains fans.

L’héritage du départ momentané de Ringo et la dynamique du White Album

Un éclatement artistique

La singularité du White Album réside dans son côté « compilation » où les Beatles, au lieu de collaborer en groupe, alignent leurs créations personnelles. Plusieurs pistes portent la marque évidente d’un unique auteur (ex. « Blackbird » par McCartney seul, « Julia » par Lennon seul, etc.). Parallèlement, la crise traversée par Ringo n’est que le reflet d’un climat de frictions généralisées. Harrison déclare : « J’avais l’impression que c’était le groupe de John et Paul et que j’étais de trop. »

Au final, le double album se veut pléthorique, divers, parfois inégal, mais c’est précisément cet aspect éclaté qui en fait un jalon dans la discographie du groupe. Lennon, en rétrospective, affirmera : « Si on avait réalisé un simple album, on aurait pu avoir un chef-d’œuvre. Mais c’était pas l’humeur du moment. On n’avait pas envie de jeter quoi que ce soit. »

Les enseignements : l’importance d’une voix unifiée

Si Ringo a pu se sentir « mal aimé » et quitter provisoirement les Beatles, cela met en lumière un fait crucial : sans un climat d’écoute mutuelle, la cohésion d’un groupe, même prodigieusement talentueux, s’effondre sous la pression. Sur Abbey Road, ils feront un dernier effort de cohérence, mais déjà, chacun a un pied en dehors, explorant sa propre trajectoire. Lorsque Ringo Starr évoque « Early 1970 » dans sa carrière solo, il y livre un témoignage émouvant de ce que ressent un membre témoin des disputes, cherchant simplement à retrouver ses copains.

L’histoire a parfois occulté la souffrance de Ringo Starr dans la dynamique tendue des Beatles, surtout lors du tournant que représente l’enregistrement du White Album. Bien qu’il ait toujours fait figure de pilier discret du groupe, cette session le pousse à bout : le sentiment d’être dispensable, symbolisé par « Back in the U.S.S.R. », l’amène à quitter momentanément ses compères. Par la suite, en en discutant avec Lennon puis McCartney, il apprend que chaque membre pensait être mis à l’écart par les autres.

Cet épisode illustre la difficulté d’un groupe sous le feu constant des projecteurs et soumis à une productivité imposée. Ringo Starr, souvent invisibilisé dans les récits, y apparaît néanmoins sous un jour plus vulnérable, manifestant que, derrière son flegme, se cachait un besoin de reconnaissance et d’appartenance. S’il finit par réintégrer les Beatles, cette péripétie demeure un signe prémonitoire de la désunion qui mènera à la dissolution du groupe deux ans plus tard.

Ainsi, en revenant sur cette anecdote, on comprend mieux l’angle humain de la séparation des Beatles. Ringo, réputé comme l’élément le plus conciliant, quitte quand même le navire le premier, quelques jours, pour signifier qu’aucun membre n’était épargné par le climat orageux ambiant. Son geste résonne comme un acte de rébellion discret, reflétant l’éclatement progressif d’un quatuor mythique.

 

 

 

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