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Beatles : l’affaire «Love»

Les chansons du plus célèbre groupe de l’histoire ont été remixées pour un «concept album» d’un genre nouveau. Mais «Love» pose aussi des questions embarrassantes.

RINGO Starr qui chante Octopus’s Garden sur l’orchestre de Good Night, avec derrière lui les bruits mécaniques et les appels au micro de Yellow Submarine. Le riff de guitare d’Hey Bulldog enchâssé dans Lady Madonna, en compagnie d’un piano de The End, d’un orgue d’I Want You (She’s So Heavy), d’une guitare de While My Guitar Gently Weeps débarrassée de sa distorsion… Apple Corps, le label discographique des Beatles parle d’une «expérience» et c’en est une: avec Love, des chansons que l’on a entendu des milliers de fois sont restructurées, bouleversées, semées d’emprunts à d’autres chansons entendues des milliers de fois.

Pour la première fois, donc, les Beatles sont remixés, avec l’accord des deux survivants du groupe, Paul McCartney et Ringo Starr, et des veuves de John Lennon et de George Harrison. La demande originelle venait du Théâtre du Soleil qui, pour un spectacle monté à Las Vegas et consacré aux Fab Four, souhaitait «reconstruire» certaines chansons. Peu à peu, le projet a évolué et George Martin, le plus célèbre producteur de l’histoire du rock, a accepté de superviser un chantier énorme: à partir des bandes originales des 186 chansons publiées par les Beatles et de tout ce qui a été conservé de leur travail en studio (c’est-à-dire des centaines d’heures de bandes), reconstruire soixante-dix minutes de musique «nouvelle». Poussé vers la retraite il y a quelques années en raison de problèmes d’audition (il a 80 ans), George Martin a confié la réalisation de Love à son fils Giles.

Le travail a duré presque trois ans, entouré d’un luxe de précautions qui ne s’est desserré qu’il y a quelques jours. Ainsi, les journalistes français ont-ils été conviés, au cours du mois d’octobre, à des écoutes de l’album dans les locaux de la maison de disques EMI, pour lesquelles ils devaient passer au détecteur de métaux et abandonner à l’entrée magnétophones, téléphones portables ou appareils photo. Mais un secret a été complaisamment levé: alors que les majors du disque ont pour habitude de nier jusqu’à l’existence d’objectifs de ventes chiffrés, EMI annonce vouloir atteindre 800000 exemplaires vendus de Love sur le marché français. Pour cela, la maison de disques joue à la fois de l’opulence et de la sécheresse. Ainsi, pour bénéficier du standard sonore le plus performant du moment, le fameux 5.1, une partie du tirage propose le CD couplé à un DVD audio. Mais qu’on n’espère pas d’images: le DVD n’affiche à l’écran que la pochette de l’album; le contenu est seulement audio…

Il est vrai que Love est une proposition inédite, sorte d’expérience psychédélique hors du temps qui joue ad libitum d’une prétérition un peu potache ? et si les Beatles avaient autrement construit leurs chansons ? En jouant le foisonnement, les collisions, l’opulence, Martin fils et père proposent un fantasme sans doute vain mais forcément stimulant. En effet, pourquoi ne pas imaginer Édith Piaf chantant La Vie en rose sur la guitare de La Complainte des filles de joie de Georges Brassens ?

Parfois, le jeu est diablement pertinent, comme avec le mélange de Within You Within You et Tomorrow Never Knows, deux chansons expérimentales, respectivement de George Harrison sur Sgt. Pepper’s Lonely Heart’s Club Band et John Lennon sur Revolver : le tropisme oriental du moment, la franchise des allusions aux sensations provoquées par les drogues, la recherches de structures harmoniques nouvelles, tout soude ces deux chansons. De même pour l’alliance de Blackbird et Yesterday, deux prodiges mélodiques de Paul McCartney, ou pour l’idée d’associer Octopus’s Garden et Good Night, qui fait justice au talent mélancolique de Ringo Starr… Mais il n’y a pas là l’ambition de reconstruction sonore du monde qui animait Lennon dans les collages de Revolution 9. Le choix des chansons traitées (un quasi best of), la relative bonhommie de l’ambition reconstructrice, tout est peut-être trop sage pour constituer un choc musical, sans pour autant rasséréner les fans qui pourraient bien continuer de se demander pourquoi une telle entreprise.

Va-t-on préférer les chansons de Love à celles des treize albums des Beatles ? Peut-être pour l’anecdote, pour une couleur particulière du son, pour un apparentement qui «parle» d’une manière singulière… Mais si on veut écouter un disque des Beatles, ce sera toujours vers un disque des Beatles que l’on ira. Love restera une expérience, une escapade, un divertissement, une curiosité. Il peut aussi devenir un divertissement de salon, un jeu de société, un quiz pour beatlesmaniaques ? là, la guitare ! là, les violons ! de quelle chanson viennent-ils ? Une première réponse, alors : l’accord de guitare, au début de Get Back, vient d’A Hard Day’s Night.

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Source : Bertrand Dicale

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