Les années qui ont suivi le meurtre de John Lennon ont été une période délicate pour les Beatles restants. D’un côté, ils étaient unis dans leur chagrin et ont ravivé un sentiment de fraternité à travers l’immense perte de Lennon. D’autre part, des tensions persistantes subsistaient, en particulier entre Paul McCartney et George Harrison, en raison de leurs relations de travail difficiles et de la distance qui les séparait.
Le malaise entre les trois hommes s’est dissipé au milieu des années 90, et les trois Beatles vivants ont accepté de revisiter l’ensemble de leur œuvre légendaire pour la série Anthology. Ces sessions, qui ont coïncidé avec le tournage du documentaire du même nom, ont permis à McCartney et Harrison de se débarrasser en grande partie des mauvais sentiments qui les opposaient et de renouer leurs liens créatifs et personnels. Cela est parfaitement illustré dans les séquences où ils enregistrent de nouvelles harmonies pour des chansons comme “Free As A Bird”, mais aussi dans les rencontres informelles comme celle filmée dans le jardin de Harrison, où les membres du groupe jouent du ukulélé.
En 2001, Harrison est en mauvaise santé à cause de son cancer du poumon. Alors qu’il reçoit un traitement à New York, Harrison est informé que le cancer s’est propagé à son cerveau et qu’il est probablement en phase terminale. La radiothérapie commence, mais Harrison est conscient qu’il ne lui reste probablement plus beaucoup de temps à vivre. Il invite donc McCartney et Ringo Starr à New York pour un déjeuner, en sachant que c’est probablement la dernière fois que tous trois se retrouvent ensemble.
Malgré les détails sinistres qui entourent la rencontre, Harrison ne veut pas que les débats soient moroses. Le médecin de Harrison, qui l’accompagne à la réunion, la décrit ainsi . “C’était une affaire animée”, dit le Dr Gilbert Lederman, “pas une affaire sombre. Il y avait beaucoup de rires et beaucoup de plaisir. Il y a eu des larmes, mais George est resté un homme très digne. A la fin, après que Paul et Ringo soient partis, il était bien et calme. C’était un homme très heureux. Cette rencontre signifiait tellement pour lui. Pour moi, c’était un phénomène unique d’être là. Toute l’expérience a été incroyable. C’étaient les icônes de ma vie – certaines des personnes les plus importantes du 20e siècle.”
Le rôle de Lederman à la fin de la vie de Harrison est quelque peu controversé. Il aurait divulgué à la presse certains des aspects les plus désastreux du diagnostic de Harrison, et aurait même demandé à un Harrison affaibli de lui signer une guitare. La famille de Harrison réclamera plus tard des dommages et intérêts à Lederman, mais même le médecin immoral n’a pu entamer l’esprit vif du déjeuner.
Harrison aurait raconté des blagues tout au long du déjeuner et mentionné certains de ses meilleurs souvenirs du passé. McCartney et Harrison avaient suffisamment bien réparé leur relation pour que McCartney offre sa maison comme lieu d’hébergement lorsque le traitement de Harrison l’a déplacé à Los Angeles. C’est dans cette maison que Harrison a succombé à la maladie le 29 novembre 2001, à l’âge de 58 ans. C’était moins de trois semaines après sa dernière rencontre avec ses compagnons des Beatles.
