Les prouesses de John Lennon à la guitare sont l’un des aspects les plus sous-estimés de l’un des musiciens les plus appréciés au monde. Bien sûr, il avait une grande voix, un don pour les plaisanteries et un talent d’auteur-compositeur de premier ordre, mais les contributions de John Lennon à la guitare ne sont souvent pas reconnues. La plupart du temps, c’est simplement une agréable surprise lorsqu’on fait remarquer que Lennon a joué de la guitare solo sur “Get Back” ou “Revolution”.
Mais même son jeu rythmique, aux premiers jours des Beatles, était digne d’éloges. Les triolets rapides de “All My Loving”, le souffle insistant de “I Want to Hold Your Hand” et la guitare acoustique tourbillonnante de “This Boy” élèvent tous leurs chansons respectives au-delà de simples accords de fond. Lennon occupait son propre espace sonore, et il savait comment tirer le meilleur parti du moindre.
Une partie au moins de son style rythmique caractéristique peut être attribuée à sa guitare de prédilection, la Rickenbacker 325. Au début de sa carrière, Lennon a dû se contenter de guitares bon marché : la Dallas Tuxedo, la Hofner Club 40, la Hofner Senator. Ces modèles relativement bon marché et faciles à trouver étaient nécessaires pour un jeune groupe ayant peu de revenus, mais lorsque les Beatles ont commencé à jouer plusieurs heures par nuit dans les clubs de Hambourg, Lennon a eu besoin de quelque chose de plus solide.
Tous les jeunes musiciens anglais veulent les guitares de leurs héros : la Fender Stratocaster de Buddy Holly, la Gibson ES-350TN de Chuck Berry, la Gretsch Country Gentleman de Chet Atkins. Le seul problème est que, pendant la majeure partie des années 1950, un embargo sur les instruments de musique fabriqués aux États-Unis rendait ces guitares hors de portée. Au lieu de cela, il fallait utiliser les approximations de sociétés comme Hofner. Bien qu’il s’agisse d’une société américaine, Rickenbacker a réussi à faire traverser l’Atlantique à quelques guitares, et une guitare à l’aspect étrange a fini par atterrir dans un magasin allemand que Lennon visitait par hasard lorsque les Beatles sont arrivés à Hambourg en 1960.
La partie la plus étrange du design de la guitare était la taille de son manche. Environ trois quarts de la taille d’un manche de guitare standard, Lennon avait un meilleur accès aux motifs rock and roll trapus qui avaient la préférence du groupe à ses débuts. Des morceaux comme “Roll Over Beethoven”, “Twist and Shout” et “Rock and Roll Music” ont bénéficié de ce design plus petit, et Lennon a développé un style caractéristique grâce à la longueur compacte du manche.
D’un point de vue purement esthétique, la Rickenbacker était également distinctive. La guitare n’était pas populaire, et on dit que seuls 28 modèles de la 325 ont quitté l’usine de Rickenbacker en 1958, dont la plupart sont restés sur les étagères des magasins. À la seconde où Lennon est apparu au Ed Sullivan Show avec la guitare, tout a changé. Rickenbacker est devenu un produit très prisé, et la société a forgé une forte allégeance avec les Beatles, fournissant à George Harrison et Paul McCartney des guitares et des basses qui allaient définir le son du groupe.
Plus que toute autre chose, la 325 a permis à Lennon de passer du statut de musicien amateur à celui de professionnel. La Rickenbacker a survécu à d’interminables concerts à Hambourg et était encore assez solide pour que Lennon en joue jusqu’en 1964. Même lorsque l’originale a été mise au rebut, les trois guitares électriques suivantes de Lennon étaient toutes des modèles 325 différents. C’était une zone de confort dont Lennon n’est sorti que vers la fin des années de tournée des Beatles, mais à ce moment-là, la 325 était emblématique de Lennon pendant les années les plus fabuleuses du groupe.
