Lorsque George Harrison publie Wonderwall Music le 1er novembre 1968 au Royaume-Uni (et un mois plus tard aux États-Unis), il ne se contente pas de signer la bande-son du film Wonderwall de Joe Massot. Il inaugure également l’aventure solo des Beatles sur disque, devenant ainsi le premier des Fab Four à sortir un album en son nom propre. Ce projet, bien que souvent relégué au rang de curiosité pour amateurs de musique expérimentale, demeure une pièce essentielle pour comprendre l’évolution de Harrison en tant qu’artiste.
Et quoi de mieux pour introduire cette œuvre singulière que « Microbes », une piste hypnotique qui plante d’emblée le décor ? Enregistrée à Bombay en janvier 1968, elle ouvre une porte sur un univers musical fascinant, fusionnant la culture indienne avec les aspirations psychédéliques de la fin des années 1960.
Sommaire
Une Plongée Immédiate dans l’Orient
Dès les premières secondes de Wonderwall Music, « Microbes » place l’auditeur dans une atmosphère méditative et envoûtante. Il ne s’agit pas d’un simple morceau d’ouverture, mais d’une véritable immersion sensorielle dans l’Inde que George Harrison a tant aimée et explorée depuis son premier voyage initiatique en 1966.
La pièce est dominée par les sonorités du sarod, instrument à cordes pincées proche du luth, ici joué par Aashish Khan, l’un des disciples du maître Ali Akbar Khan. Accompagné par le tabla et le pakhavaj de Mahapurush Misra, « Microbes » s’inscrit pleinement dans la musique classique indienne. Les sonorités aériennes du bansuri (flûte indienne) de SR Kenkare, combinées aux nappes du surbahar (une sorte de sitar basse) de Chandrashekhar Naringrekar, créent un climat hypnotique, quasi mystique.
L’Expérimentation au Service de l’Atmosphère
Contrairement aux morceaux de pop occidentale auxquels le public des Beatles était habitué, « Microbes » ne suit pas une structure couplet-refrain traditionnelle. Il s’agit plutôt d’une composition modale où les instruments évoluent de manière fluide, tissant une trame sonore immersive.
Harrison ne joue pas lui-même sur cette piste, préférant confier l’exécution aux virtuoses indiens qu’il a réunis pour ces sessions d’enregistrement. Ce choix illustre son profond respect pour cette musique et sa volonté d’en restituer l’essence avec authenticité, plutôt que de l’interpréter maladroitement en tant que musicien occidental.
Si Wonderwall Music mélange parfois des éléments plus typiquement rock ou expérimentaux (comme sur « Party Seacombe » ou « Ski-ing », où Eric Clapton apporte sa guitare incisive), « Microbes » demeure totalement ancré dans la musique classique indienne. C’est une ouverture délicate, presque méditative, qui évoque davantage un prélude sonore qu’un véritable morceau autonome.
Un Écho à la Quête Spirituelle de Harrison
Derrière cette musique instrumentale se cache tout un pan du cheminement personnel de George Harrison. Depuis son premier contact avec la musique indienne en 1965, via Ravi Shankar, il n’a cessé d’approfondir son intérêt pour cette tradition, y voyant une porte vers une forme de spiritualité qui allait profondément marquer sa vie et son œuvre.
Loin d’être un simple exercice de style ou un caprice d’exotisme, Wonderwall Music – et par extension « Microbes » – s’inscrit dans une démarche sincère. Harrison ne cherche pas seulement à colorer sa musique d’une touche indienne ; il veut en comprendre la structure, le langage, la signification.
Si « Microbes » peut sembler anecdotique à une première écoute, elle incarne pourtant cette immersion totale dans un monde sonore nouveau, à une époque où l’Orient fascinait l’Occident. Ce morceau marque ainsi une transition essentielle pour George Harrison, qui, après cette expérience, poursuivra son exploration musicale et spirituelle avec des titres comme « The Inner Light » ou Within You Without You.
Une Invitation au Voyage
En ouvrant Wonderwall Music sur cette pièce instrumentale sobre mais envoûtante, Harrison pose d’emblée une intention claire : cet album ne sera pas une simple collection de chansons, mais une expérience. « Microbes » est le seuil d’une aventure sonore, une invitation à franchir les portes d’un autre univers.
Aujourd’hui encore, cet album demeure un témoignage fascinant de la curiosité insatiable du plus mystique des Beatles. Et « Microbes », dans toute sa simplicité, résonne comme le premier écho d’un voyage qui allait transformer pour toujours la musique de George Harrison.