Widgets Amazon.fr

« I Am The Walrus » : l’apogée du surréalisme musical de John Lennon

Lorsque I Am The Walrus est publié en novembre 1967, en face B du single Hello, Goodbye, puis inclus dans la bande originale du film Magical Mystery Tour, les Beatles viennent d’atteindre l’un des sommets les plus psychédéliques de leur carrière.

Ce morceau, composé principalement par John Lennon, est une véritable odyssée sonore, un collage délirant de paroles absurdes, d’expérimentations orchestrales et de trouvailles de studio audacieuses, qui traduisent mieux que jamais l’influence du LSD sur l’écriture de l’ancien leader de la formation de Liverpool.

Une composition hallucinée

Lennon commence à travailler sur I Am The Walrus en août 1967, au cœur du Summer of Love et peu après la sortie du monument Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band. Inspiré par une sirène de police entendue depuis sa maison de Weybridge, il esquisse les premières lignes de la chanson sous l’effet du LSD.

Rapidement, trois fragments distincts fusionnent en un tout disparate mais hypnotique : un motif rythmique obsédant, des vers absurdes — « Sitting on a cornflake, waiting for the van to come » — et une référence appuyée à Lewis Carroll et son poème The Walrus and the Carpenter, extrait de Through the Looking-Glass.

Le morceau défie toutes les conventions harmoniques de la pop. Son enchaînement d’accords est décrit par le critique Ian MacDonald comme « une structure musicale obsessionnelle, semblable à un escalier sans fin à la MC Escher ». Ce schéma harmonique donne à la chanson une dynamique vertigineuse, accentuée par l’orchestration magistrale de George Martin.

Entre absurde et provocation

Si l’on a souvent tenté d’interpréter les paroles de I Am The Walrus, Lennon lui-même a affirmé qu’elles ne signifiaient rien de précis. Il réagit en fait à une lettre d’un élève de son ancienne école primaire qui lui apprend que son professeur d’anglais fait analyser les paroles des Beatles en classe. Par provocation, il décide alors de composer une chanson volontairement hermétique, farcie d’images surréalistes : « Yellow matter custard, dripping from a dead dog’s eye » — une comptine enfantine recyclée dans un contexte délibérément cryptique.

Certaines références sont cependant plus identifiables. The Eggman, par exemple, ferait allusion au chanteur des Animals, Eric Burdon, après qu’il a raconté à Lennon une anecdote très suggestive impliquant un œuf et une expérience intime.

Enfin, Semolina Pilchard serait une pique à Norman Pilcher, un policier célèbre pour ses arrestations de stars du rock pour possession de drogues. Quant à « Elementary penguin singing Hare Krishna », il s’agirait d’une moquerie à l’égard du poète beat Allen Ginsberg et de ses démarches spirituelles new-age.

L’alchimie du studio

Enregistrée en plusieurs sessions entre le 5 et le 29 septembre 1967, I Am The Walrus illustre à merveille la métamorphose des Beatles en alchimistes du studio. Aux instruments classiques de la formation — guitare, basse, batterie et claviers — viennent s’ajouter une section de cordes et de cuivres dirigée par George Martin, ainsi qu’un chœur atypique, les Mike Sammes Singers, chargés d’interpréter des « ho-ho-ho » et « oompah, oompah, stick it up your jumper » à la demande de Lennon.

L’ajout le plus audacieux reste cependant l’intégration en direct d’une pièce radiophonique de la BBC. Alors que Lennon et l’ingénieur du son Geoff Emerick s’amusent à tourner les boutons d’un poste allumé, ils captent un passage de King Lear de Shakespeare. Ce dialogue tragique vient se superposer aux couches instrumentales et vocales, renforçant l’aspect onirique et halluciné de la chanson.

Une influence durable

Si I Am The Walrus a été initialement reléguée en face B, son statut n’a cessé de grandir au fil des décennies. Son approche audacieuse préfigure les expérimentations du rock progressif et du post-punk, et son nihilisme ludique inspire encore de nombreux artistes, de Oasis à Radiohead.

Le morceau demeure l’un des sommets de la période psychédélique des Beatles, capturant mieux que tout autre la liberté totale avec laquelle Lennon abordait l’art. En mêlant dadaïsme, satire sociale et exploration sonore, il signe ici une pièce unique dans l’histoire du rock, un chef-d’œuvre aussi insaisissable que génial.

JE M'ABONNE A LA NEWSLETTER

Envie de ne rien manquer des Beatles et de Yellow-Sub ? Abonnez-vous à la newsletter et recevez nos actus, offres et information concours
JE M'ABONNE
Garantie sans SPAM ! Conformité RGPD.
close-link